Un adolescent circulant à moto-cross avait percuté un policier municipal devant un collège de Schiltigheim en avril. Il a été jugé par le tribunal pour enfants de Strasbourg le 24 janvier. Quatre mois de prison avec sursis et 150 euros d'amende ont été prononcés à son encontre. Cette peine provoque la colère d'élus et syndicats locaux.
C'est une décision qui fait parler d'elle. Le tribunal pour enfants de Strasbourg s'est prononcé, vendredi 24 janvier, sur le sort d'un adolescent de 17 ans, auteur en avril dernier d'un rodéo sauvage dans les rues de Schiltigheim, près de Strasbourg (Bas-Rhin). Un évènement au cours duquel un agent de la police municipale avait été blessé et demeure aujourd'hui toujours en arrêt maladie.
Quatre mois de prison avec sursis pour "blessures involontaires" et 150 euros d'amende pour "refus d'obtempérer" ont été prononcés à l'encontre du mineur, provoquant la colère de certains syndicats et élus locaux.
Les faits remontent au 15 avril, en fin d'après-midi. Alors qu'un groupe de policiers municipaux veille au bon déroulement des sorties de l'école élémentaire Leclerc, un adolescent de 17 ans est surpris en plein rodéo sauvage sur la voie publique. L'un des policiers tente d'intercepter l'auteur de l'infraction en se positionnant sur la voie. Cependant, l'adolescent ne ralentit pas et heurte l'agent municipal avec sa moto-cross de type 450 cm3 non homologuée. Victime d'une entorse au poignet et au genou, ainsi que d'une fracture au second poignet, le policier est emmené à l'hôpital, tandis que le mineur est intercepté par la police dans la foulée.
Une "justice laxiste" pour les syndicats policiers
"C’est insupportable d'entendre qu'une telle peine ait été prononcée, réagit Sylvain André, secrétaire départemental adjoint du syndicat Alliance Police nationale du Bas-Rhin. On parle de 150 euros d'amende, cela équivaut seulement à une paire de chaussures de luxe." Face à ce jugement, le policier ne peut que constater "une justice laxiste" et dénuée selon lui de "sévérité". Sylvain André et ses collègues appellent aujourd'hui à un "choc d'autorité", ainsi qu'à une "stricte application" de la loi et des peines, qu'il s'agisse de majeurs comme de mineurs. "Notre uniforme doit être respecté."
Les faits commis à l'encontre de policiers sont souvent minimisés
Sylvain AndréSyndicat Police nationale 67
Ce jugement rappelle aussi l'importance, selon le secrétaire départemental du syndicat policier, de lutter contre les rodéos urbains. "Ces actions sauvages sont devenues des nuisances quotidiennes pour des quartiers entiers, explique-t-il. D'ailleurs, la plupart des mairies le constatent et le signalent, mais rien ne s'arrangera tant que des peines exemplaires ne seront pas prononcées."
Pour Danielle Dambach, maire de Schiltigheim, le jugement est aussi perçu comme insuffisant. "Je ne remets pas en question la décision de justice, mais il faut rappeler les préjudices subis par le policier, qui est d'ailleurs encore en arrêt de travail. C'est un manque pour notre commune", regrette-t-elle. Pour l'heure, l'élue attend le jugement qui doit être rendu au civil concernant cette affaire et confie avoir fait part au nouveau préfet de la région ses attentes quant à la lutte contre les rodéos sauvages, "dont la problématique dépasse largement l'échelle du département".
Des comportements "problématiques"
De nombreuses réactions, parfois virulentes, sont apparues sur les réseaux sociaux à l'annonce de la peine. À travers elles, l'avocate strasbourgeoise Florence Dole identifie un phénomène qui prend de l'ampleur : "aujourd'hui, on constate une tendance à vouloir juger les mineurs de la même manière que les majeurs. Or, c'est très dangereux puisqu'ils ne sont pas comparables, regrette celle qui est aussi membre du syndicat des avocats de France. Nous considérons dans le droit que le mineur n’est pas encore tout à fait formé psychologiquement et moralement, qu’il est en quelque sorte encore en construction et par conséquent qu’il n’est pas pleinement responsable de ses actes comme l’est une personne majeure."
Ces éléments de lecture, selon l'avocate strasbourgeoise, permettent en partie de comprendre pourquoi les jugements rendus par le tribunal pour enfants font souvent débat dans l'espace public et sont moins rapides dans le prononcé des peines. "Durant le procès, de longs débats sont organisés pour étudier de manière approfondie la personnalité du mineur et doivent être strictement gardés au silence pour protéger les concernés, sous peine de poursuites pour violation du secret des débats, précise maître Florence Dole. C’est pourquoi je trouve problématique que des syndicats et personnes jettent en pâture ces faits." Autant d'éléments à prendre en compte, selon l'avocate, pour nuancer les débats.