E Marinelle : des championnes reconnues partout dans le monde... sauf en Corse

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Toussainte Devoti, depuis 40 ans, ne laisse rien au hasard. C'est le secret du succès de son club de twirling. ©S.Bonifay/FTV

Le twirling. Cette discipline, entre danse, gymnastique et maniement du bâton, est ignorée du grand public. Pourtant, le club basé à Borgo accumule les titres bien au-delà des rivages de l'île. Avec, à sa tête, une passionnée fidèle au poste depuis quarante ans.

Le gymnase du complexe Paul Natali, à Borgo, est immense pour les filles d'E Marinelle. Elles pourraient sembler perdues, sur le parquet où tiendraient plusieurs courts de tennis.

Mais qu'on ne s'y trompe pas. E Marinelle savent très bien ce qu'elles font.

Comme tous les samedis, elles se retrouvent ici, pour près de huit heures d'entraînement. Répéter encore et toujours les mêmes gestes, reprendre, inlassablement, les mêmes chorégraphies, traquer le moindre détail, viser l'excellence, et la perfection. Afin d'être à la hauteur de leur réputation.

Livia, Lia, Laura, Julia, Lisa et les deux Francesca étaient à Eindhoven, du 27 mars au 1er avril derniers, dans le but de représenter la France aux championnats d'Europe de Twirling, une discipline qui mêle danse, gymnastique et maniement du bâton.

Et elles sont revenues avec deux médailles d'or en équipe, mais également deux médailles d'or et deux médailles d'argent en individuel. 

"C'était magique, impressionnant. La pression était incroyable, on affrontait les Hollandaises, qui étaient chez elles, devant leur public, mais on a gagné. C'est notre chorégraphie qui a fait la différence..." se réjouissent les membres de l'équipe, dont certaines twirlent ensemble depuis qu'elles sont toutes petites.

L'excellence, en toute discrétion

La performance a de quoi provoquer l'admiration. Mais tout au plus, en Corse, c'est une indifférence quasi-générale qu'elle a suscitée. 

Toussainte Devoti hausse les épaules : "on a l'habitude. L'année dernière aussi, on a été championnes d'Europe. Sincèrement, depuis la création du club, en 1984, on ne les compte plus, les titres nationaux et internationaux. Et pourtant, on a toujours souffert d'un manque de reconnaissance de la part des médias".

Toussainte a créé le club il y a quarante ans, et c'est elle qui est le cœur et l'âme d'E Marinelle. La soixantaine de jeunes filles, de 4 à 18 ans, qui font partie de l'association, elle les considère comme ses enfants. "Ailleurs, elles sont adulées. Même à l'étranger, quand on annonce dans la sono que les filles vont twirler, les gens se ruent dans les tribunes pour les voir. Vous devriez venir avec nous, la prochaine fois. Vous n'en reviendriez pas !", sourit la présidente d'E Marinelle, qui est aujourd'hui secondée par ses deux filles, Mélanie et Eugénie.

Et ce n'est pas de la fanfaronnade. L'année dernière, l'émission de M6, Incroyables Talents, a contacté Toussainte, après avoir vu leurs vidéos aux précédents championnats d'Europe. "La production voulait qu'on participe, mais les filles ont refusé". Une conséquence, peut-être, de la discrétion dans laquelle évolue ce club de championnes. "Elles n'ont pas l'habitude d'être sur le devant la scène, d'être exposées. Ce n'est pas dans leurs gènes. Tout ce qui compte, c'est la compétition".

Le talent, il faut le nourrir. Si on ne donne rien, si on ne s'investit pas, le talent ne sert à rien. C'est du gâchis

Toussainte Devoti

"Ce qui fait la différence entre deux équipes, c'est la persévérance, la discipline, la régularité, le mental. Et la cohésion de notre équipe", affirment, d'une seule voix, les championnes d'Europe.

Toussainte le leur répète depuis des années : "le talent, il faut le nourrir. Si on ne donne rien, si on ne s'investit pas, le talent ne sert à rien. C'est du gâchis".

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Toussainte Devoti ne laisse rien au hasard. ©S.Bonifay/FTV

Alors, chaque semaine, E Marinelle passent leur samedi sur le parquet. Et pas question de manquer le moindre entraînement. "Les anniversaires, elles ne savent même pas ce que c'est", affirme Toussainte, pas peu fière de ses protégées. "Elles disent à leurs camarades que pour qu'elles soient présentes à la fête, il faut que ce soit le dimanche. Sinon, ce ne sera pas possible". Et pendant les vacances, l'entraînement, c'est carrément tous les jours. 

De mère en fille

Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas vraiment un sacrifice. Le Twirling, c'est une passion. Et les twirleuses d'E Marinelle ne manqueraient ça pour rien au monde.

Cette passion, elle se transmet de mère en fille. Florence, Anne-Christine et Karen, appuyées sur la rambarde qui surplombe le parquet, regardent leurs filles répéter la dernière chorégraphie. Il y a une vingtaine d'années, elles étaient à leur place. Et elles aussi, elles ont remporté des coupes de France et des coupes d'Europe. Avant de transmettre le flambeau à la nouvelle génération.

"On ne s'est pas posé la question, on leur a donné un bâton de twirling dès la naissance !" lance Florence. "C'est un club familial, c'est difficile de le laisser derrière soi", enchérit Karen. "On est toutes devenues amies, à l'époque".

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De 4 à 10 ans, les minimes d'E Marinelle préparent la relève. ©S.Bonifay/FTV

""On ne serait pas les mêmes, sans E Marinelle. Ça nous a apporté beaucoup de choses. Et on est contentes que ce soit pareil pour nos filles. Un contrôle, c'est moins stressant qu'une coupe d'Europe !", complète Anne-Christine.

"Et puis, quand Toussainte t'a crié dessus une fois, tu peux faire face à tous les patrons mécontents du monde !", s'amuse Florence.

Sansa jamais dévier

Lia, l'une des championnes d'Europe, disputera rien moins que les championnats du monde, en août prochain, en Suède.

On demande à Toussainte comment elle explique une telle réussite, depuis des décennies. Elle hausse les épaules. "Le travail, la rigueur, la persévérance, je vous l'ai dit. Mais il n'y a pas que ça, j'imagine. Il y a notre identité, notre envie de représenter la Corse au-delà de l'île. C'est une plus-value, je pense, notre insularité. Mais ça a aussi des inconvénients, c'est vrai. Sur le continent, les clubs organisent des opens toutes les semaines, multiplient les rencontres, les compétitions. Nous, on est le seul club de l'île, alors ce n'est pas possible."

Toussainte Devoti s'interrompt quelques instants, semble réfléchir, avant de nous adresser un sourire malicieux : "c'est une bonne question, mais je n'ai pas vaiment de réponse. C'est difficile d'expliquer comment on peut réaliser de telles performances, alors qu'on est loin de tout, et de tous !"

Peu importe, finalement. Les résultats sont là. Et bon courage à quiconque serait tenté de voler la recette d'E Marinelle...

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