Le délibéré n'a duré qu'un peu plus de deux heures. Il n'était pas encore 17 heures quand la présidente a rendu le verdict de la cour d'assises. A la majorité absolue Loïc Janin a été condamné à 20 ans de prison. Il dispose de 10 jours pour faire appel de la décision.
Verdict
La cour a répondu oui à la question de savoir si Loïc Janin avait donné la mort à Jennifer Grante et l'a condamné à la majorité absolue de 20 ans de prison. Le ministère public avait requis 22 années. Plusieurs proches de Jennifer s'effondrent en larmes, à la sortie de la salle. Entre rage, soulagement et douleur.
Le verdict satisfait la partie civile, comme nous le confirme maître Cynthia Costa Sigrist : "Les victimes avaient besoin de justice, je pense que c'est une peine qui est justifiée et équilibrée. La cour et les jurés ont pris en considération la gravité des faits, et le travail que monsieur Janin doit maintenant accomplir pour réfléchir à ce qui s'est véritablement passé".
Quelques minutes plus tôt la cour faisait savoir qu'elle avait noté les regrets de l'accusé, mais également un manque de questionnement sur son acte. Elle a donc également condamné Loïc Janin à un suivi socio-judiciaire de 5 ans après sa sortie de prison. Elle a fixé à 5 ans de prison la peine encourue dans le cas où Loïc Janin ne suivrait pas ce suivi socio-judiciaire.
Il dispose de 10 jours pour faire appel.
Pour l'un de ses deux conseils, maître Gilles Antomarchi, "on savait que ces faits étaient des faits graves, cette jeune femme a perdu la vie. Le ministère public a été dans des réquisitions qui me semblent conformes au dossier, et la cour d'assises a décidé de baisser de deux années. C'est une peine qui n'est pas rien".
La peine semble contenter les deux parties. "Je pense qu'au vu de l'état d'esprit dans lequel il s'est présenté devant cette cour d'assises pour régler sa note vis-à-vis de la société, vis-à-vis de la victime, et surtout vis-à-vis de ses filles, je pense qu'il acceptera cette peine. Nous avons dix jours pour en parler, nous irons probablement dans ce sens."
Retour sur la journée de procès
Auparavant, toute la matinée, durant près de cinq heures, l'avocate générale, et les deux avocats de l'accusé, avaient fait entendre leurs arguments.
-Plaidoiries de la défense
"J'aurais pu refuser, vous savez, de défendre Loïc Janin. Quand il m'a sollicité, je suis allé le voir. Je suis allé voir le monstre. Et je me suis retrouvé devant ce jeune homme frêle, qui me regarde avec respect, avec politesse. Qui m'explique à quel point il aimait Jennifer, combien elle était toute sa vie. Et qu'il regrette son geste. Comment aurais-je pu refuser de le défendre ?"
Gilles Antomarchi, sans notes, prend la parole, en dernier. Et il sait ménager ses effets. Durant une poignée de minutes, il revient sur sa première rencontre avec l'accusé. A un mètre à peine de la tante de Jennifer, qui s'est approchée au premier rang pour mieux entendre ses propos, il prend soin de s'incliner devant la tristesse des proches de la victime. Devant le drame qu'elles vivent depuis quatre ans.
Avant de prendre possessionde la salles s'assises, fort d'une longue expérience des prétoires.
"Ce que je veux prouver c'est que le port d'attache de Jennifer, l'homme de sa vie, c'était Loïc. Si demain elle avait un problème, Jennifer, vous pensez qu'elle aurait appelé qui ? Elle aurait appelé Loïc Janin. Alors certes à la fin il a craqué. Mais dans quelles conditions...".
Le cerveau humain, à un moment, il n'encaisse plus. Il fait sauter un fusible.
"Celui qui a pris les baffes c'est lui. Pas elle."
Loïc Janin est-il coupable ? La réponse, vous la connaissez déjà. Mais vous allez vous poser la question de la peine...
"Le pire des dossiers de féminicide que la France a connue ces dernières années, l'affaire Jonathan Daval, combien ? 25 ans ! Et aujourd'hui, le ministère public demande 22 ans ? On est à trois ans de Jonathan Daval, dont le comportement a été ignoble ! La justice c'est équitable pour les uns et les autres. Et elle ne se fait pas sur des petites histoires. Elle se décide sur des preuves, sur des éléments", n'oublie pas de rappeler Gilles Antomarchi aux jurés, qui s'apprêtent à délibérer.
Des difficultés insurmontables
"Ce n'est pas un homme parfait, mais un être cabossé, un écorché vif, un introverti".
Maître Linda Piperi, un peu plus tôt, s'est attachée à revenir, durant plus d'une heure, sur le passé de Loïc et Jennifer. Un couple comme tous les autres, au cours des premières années. Avec ses hauts et ses bas. Qui, peu à peu, se délite. Et rencontre des difficultés.
Insurmontables, pour Jennifer. Passagères pour Loïc, lui, veut encore y croire.
Et fait des efforts, pour améliorer cette vie de couple, selon son avocate. "Il lui écrit des lettres enflammées, où il réfléchit à son comportement. Il fait ce qu'il peut avec l'amour qu'il a pour elle".
Est-ce qu'il y a eu des coups par le passé ? Non. Il n'y a pas de violences caractérisées.
Et puis petit à petit, il sent que Jennifer lui échappe. Qu'il sera difficile de la reconquérir. "Il comprend qu'il doit passer à autre chose. Il est mortifié mais il commence à accepter la situation. Mais il est amoureux de Jennifer. C'est certain. Il idéalise la famille et il fait tout pour elle jusqu'à ce qu'on lui dise, "c'est plus possible"".
Pour Linda Piperi, "le soir des faits, c'est un moment qui a été terrible." Mais à l'en croire, contrairement à ce qu'affirment les parties civiles et l'avocate générale, ces violences étaient inédites.
Loïc Janin assume son acte de bout en bout.
"Vivre sous le même toit, ça alimentait ces difficultés, et forcément il y avait des disputes. Je défie quiconque de vivre une telle situation de cohabitation sans qu'il y ait quelques fois des mots, des cris, un objet cassé. Mais auparavant est-ce qu'il y avait eu des coups ? Non".
- les réquisitions
"On est totalement dans les violences conjugales, et pas du tout dans le crime passionnel. Notion qui, par ailleurs, n'existe pas." Stéphanie Pradelle, l'avocate générale, avait pris la parole plus tôt ce matin, à l'ouverture des débats. Elle avait préféré le faire aujourd'hui plutôt qu'hier soir.
Pour que les six jurés, quatre femmes et deux hommes, aient l'esprit clair. Mais également pour ne pas laisser à Linda Piperi et Gilles Antomarchi le temps d'adapter leur défense, à l'aune de ses réquisitions.
"Quand quelque chose gêne, Loïc Janin, alors ça n'existe pas. Il est dans la fuite. Il n'accepte pas la vérité". L'avocate générale, de toute évidence, n'a pas apprécié la manière dont Loïc Janin est resté campé sur ses positions tout au long du procès.
Avoir tué Jennifer, oui. Comment, il ne s'en souvient plus. La cause ? Ce fameux "trou noir" qui agace tant les parties civiles et les proches de Jennifer, depuis ce dramatique 27 janvier 2017.
Il s'était dit "si un jour je doit la tuer, je ferai comme ça"
Loïc Janin a enfilé une chemise blanche. Comme lors de la première journée. Mais un peu plus froissée. Ses mains ramenées entre ses genoux, il écoute, immobile. Et malgré les regards qui se portent régulièrement sur lui au fil des réquisitions, impossible de lire une réaction sur son visage.
La faute du masque, sans doute...
"Un scénario écrit à l'avance"
"Je pense qu'il avait déjà pensé à tout ça. Qu'il s'était déjà dit : "si un jour je dois la tuer, je ferai comme ça", confie Stéphanie Pradelle à la cour.
Une thèse déjà esquissée, la veille, par la partie civile, lorsque maître Laurence Gaertner-De Rocca Serra affirmait que Loïc était "psychorigide et méticuleux". L'avocate glissait alors aux jurés : "j'ai la faiblesse de penser que durant les deniers dix-huit mois de leur vie commune, rien n'est laissé au hasard".
Ce matin le ministère public retrace, durant de longues minutes, le défilé de la soirée où Loïc Janin a étranglé Jennifer, mais également les semaines précédant le drame, et les jours de recherche qui l'ont suivi. Une période où, selon Stéphanie Pradelle, tout n'était que "calcul et l'organisation".
Pendant 14 jours il va la laisser se faire manger par les animaux pendant qu'il dort au chaud.
Un homme calculateur, et sans remords, malgré les innombrables regrets exprimés par Loïc Janin à la barre. "Pendant 14 jours il va la laisser toute seule, dans le froid, se faire manger par les animaux. Et pendant ce temps-là il dort tranquillement chez lui, au chaud..."
L'avocate générale, en conclusion, met l'accent sur la situation traumatique deux petites filles de Jennifer qui doivent, depuis quatre ans, apprendre à vivre sans leur mère. "Il les a abimées pour le reste de la vie. Elles ont pris perpétuité, ces deux petites filles".