Procès de féminicide à Bastia : "il a une tête d'ange mais il peut être aussi le diable"

Compagnon éconduit succombant à un accès de colère, ou bien monstre de sang froid, manipulateur et violent... Qui est Loïc Janin, jugé devant la cour d'assises de Bastia pour avoir tué sa compagne, Jennifer Grante, en 2017 ? 

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André Buffard, ténor du barreau de Saint-Etienne, l'expliquait au quotidien Le Monde, le 2 juin dernier. Il existe deux sortes d'homicides conjugaux. "D'un côté ceux pour lesquels on savait que ça finirait mal, avec des femmes qui fuient un fou furieux, de l'autre ceux pour lesquels ça explose d'un coup, sans violence annonciatrice". 

A Bastia, dans ce procès aux assises, cela ne fait guère de doutes.

Pour la défense comme pour la partie civile, c'est l'un des enjeux majeurs de ce procès. Démontrer devant les six jurés à quelle catégorie appartient Loïc Janin, qui a tué Jennifer, sa compagne, le 27 janvier 2017, dans leur maison de Vescovato.

Féminicide ou crime passionnel

La mort de Jennifer est-elle due à une explosion de colère exceptionnelle ?  Ou le drame est-il, tout simplement, l'aboutissement inéluctable d'une longue série de coups et de violences verbales ?

Du côté de la partie civile, sans surprise, on penche plutôt pour la seconde hypothèse. Et les questions sont récurrentes, au fil des témoignages, sur de possibles violences durant les semaines, les mois, les années précédant le drame. 

Des messages échangés, des photos enregistrées dans son téléphone ou postées sur les réseaux sociaux, le laissent à penser.

Une amie rencontrée sur les réseaux sociaux, est venue du continent pour témoigner : "Début 2017 j'ai reçu des messages où elle m'écrivait : "j'ai l'impression qu'il a de plus en plus envie de m'en foutre une". Elle vivait un enfer. Un des derniers messages que j'ai eus de sa part était "j'ai peur pour moi, et pour mes filles"

Peur pour ses enfants

Un message vocal adressé à une autre relation, qui réside elle aussi sur le continent, va dans le même sens. La cour le diffuse dans les enceintes de la salle d'assises. Jennifer, en sanglots, y fait état de conflits, de disputes permanentes. La voix tremble, on la sent à bout. 

"J'avais besoin de parler un peu. Je suis à cran. On s'est encore engueulés. Il a fait la tête toute la journée. Il m'a encore poussée dans le couloir. Ce n'était pas violent. Je suis fatiguée. Il m'a piqué mon sac à main, mes clés. Je suis obligée de rester ici, même s'il m'a rendu mes clés. Il a menacé de me retirer mes filles si je pars. Je suis vraiment désolée, j'avais besoin de vider mon sac". 

L'homme à qui est adressé ce message raconte que "son ex-conjoint l'aurait poussé plusieurs fois, et jeté au sol". Quand elle mentionnait des disputes avec Loïc, elle parlait de "rounds"

Les débats apprennent également aux jurés que Jennifer demandait à ses correspondants de conserver les messages. Comme une preuve de son calvaire, s'il lui arrivait quelque chose. 

Il a de plus en plus envie de m'en foutre une.

Message de Jennifer à une amie

"Elle n'a jamais voulu passer sur le plan judiciaire parce que c'était le père de ses enfants. Mais elle avait peur", confirme une proche. 

Le père de Loïc Janin reconnait avec honnêteté que les rapports pouvaient parfois être tendus..."Je savais qu'ils se disputaient. Une fois il y avait eu une chaise de cassée, et les services de gendarmerie avaient débarqué chez eux. Je lui avais dit, "il ne faut pas rester ensemble, c'est pas bon, tout ça...". 

Il a des soucis d'égo mon fils

Le chauffeur de taxi, en visioconférence de Meaux, ne peut pas apercevoir le box des accusés, où est assis son fils. Il lisse nerveusement le masque chirurgical qu'il tient entre ses mains. Le pose. S'en saisit de nouveau. 

"Il pense qu’il a toujours raison, il me disait "t'inquiete pas, papa". Mais t’inquiete pas, ça veut rien dire. Il a des soucis d’égo mon fils. Je suis honnête, je le dis".

"L'histoire des coups, je ne savais pas"

La nounou des filles de Loïc et Jennifer s'avance à son tour à la barre. Elle était proche de la victime. Elle l'avait même hébergée une dizaine de jours chez elle. Alors qu'elle "voulait prendre un peu de recul". Elle confie ce que lui avait dit, un jour, Jennifer :"Loïc il a une tête d'ange mais il peut aussi être le diable". 

Gilles Antomarchi, avocat de Loïc Janin, s'avance, et lui demande si, à cette occasion, Jennifer lui avait parlé des violences qu'elle subissait. "Non, elle ne m'en a jamais rien dit. Elle restait discrète sur ça". 

Gilles antomarchi hausse le sourcil. "Comprenez que je pose la question..."  L'occasion est trop belle, pour la défense, d'avancer ses pions. Et de jouer sur le fait que beaucoup, parmi les gens qui lui étaient le plus proches, ignoraient ces supposées violences. Par pudeur ?

Durant toute la journée l'ancien batônnier va s'attacher à démontrer que Loïc, jusqu'à ce soir de janvier 2017, n'avait pas été violent.  

La mère de Jennifer, qui n'a pas de mots assez durs pour qualifier le compagnon de sa fille, "une pourriture" selon elle, peine également à se souvenir de confidences de Jennifer à ce sujet. "L'histoire des coups je ne savais pas. J'étais sûrement préservée. Elle ne m'en disait rien". 

C'est ensuite l'ami, et amant occasionnel, de la jeune femme, qui se présente devant la cour, bouleversé par le drame malgré la fausse décontraction qu'il a essayé d'afficher, durant quelques courtes minutes. "Jennifer m'a dit, un soir, qu'il l'avait attrapée,qu'il avait été violent avec elle, qu'elle avait les bras violets. Tellement qu'elle avait été obligée de dissimuler ses bras pour aller travailler". 

Mais à une question de la défense, qui lui demande si, alors qu'il couchait avec elle au moins une fois par mois, il avait été témoin de quelque chose, il répond : "je couchais avec elle, mais je n'ai jamais vu de marques sur son corps"

Harcèlement moral

La plupart des témoins s'accordent, en revanche, sur les violences psychologiques que faisaient subir Loïc à sa compagne. Une jeune femme "brillante", "solaire", "pétillante". "Un amour, une perle". 

"Il lui pourrissait la vie, il la fliquait", pour l'un. "Il l'espionnait avec des faux comptes", pour une autre. Une troisième parle de rapports sexuels contraints. A la barre, les mots "harcèlement moral", "pressions", "jalousie" reviennent régulièrement. 

"Loïc était amoureux, trop amoureux, je pense. Il l'étouffait", conclut une voisine... 

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