Chjama Patriotta, né à l'automne dernier, à la suite d'un communiqué du FLNC, tiendra son assemblée générale constitutive le 28 janvier prochain à Corte. Jean-Philippe Antolini, son porte-parole, nous en dit plus sur ses origines et ses objectifs.
Le mouvement nationaliste A Chjama Patriotta, né au mois d'octobre dernier, est toujours en construction. Et nul ne sait vraiment quelle forme il prendra. Mais avant l'assemblée générale constitutive, le 28 janvier prochain à Corte, A Chjama entend déjà occuper le terrain. Et veut définir clairement son identité. Jean-Philippe Antolini, du collectif Patriotti, à l'origine de la démarche, l'a répété à plusieurs reprises lors de l'entretien qu'il nous a accordé : A Chjama Patriotta veut "remettre les militants au centre du débat et recentrer sur les fondamentaux du nationalisme corse, qui ont été un peu oubliés par tout le monde".
Quelques mois après la naissance d'A Chjama Patriotta, quel bilan tirez-vous de cette initiative ?
Nous avons initié la démarche, avec le collectif Patriotti, à la suite de l'invitation du FLNC à refonder le courant patriotique corse, en août dernier. Nous avons décidé de prendre les choses en main, et nous avons appelé tous ceux qui se reconnaissent dans les fondamentaux du nationalisme corse, et qui ont été un peu oubliés par tout le monde, à nous rejoindre. Le succès a été considérable, d'abord à Corte, en octobre, puis lors des dix réunions que nous avons tenues dans dix microrégions de Corse. Les gens sont venus, ont débattu avec nous, et nous ont fait part de leurs préoccupations et de leurs inquiétudes.
Quelles sont-elles ?
Certains sujets se dégagent clairement, la colonisation de peuplement, la spéculation immobilière et la cherté de la vie. Ce sont des thèmes dont on a décidé de s'emparer, et on va essayer de sauver ce qui peut l'être.
Nous avons lancé un appel à transcender les partis et les associations, les syndicats, les collectifs, sous la forme que les militants décideront
Mais pour l'heure, Chjama Patriotta est une idée, plus qu'autre chose...
C'est exactement cela. Pour l'heure, nous consultons, nous rencontrons les militants, et le 28 janvier prochain, nous nous réunirons à Corti pour l'assemblée générale constitutive, et ces derniers décideront de la suite à donner à la démarche.
Néanmoins, on peut imaginer qu'elle s'articulera autour d'un axe Patriotti/Corsica Libera
Non. Elle va s'articuler autour des fondamentaux politiques, et les militants décideront. Il n'est pas question de faire une union de structures. Patriotti et Corsica Libera ne seront pas prenantes en tant que telles. Nous avons lancé un appel à transcender les partis et les associations, les syndicats, les collectifs, pour officialiser tous ensemble cette démarche, sous la forme que les militants décideront.
Vous parlez de "fondamentaux oubliés par tout le monde". Mais par "tout le monde", vous entendez Gilles Simeoni ?
On n'est pas là pour nous opposer à la majorité territoriale. Nous sommes là pour remettre les militants au centre du débat. On ne veut pas exister contre, mais exister pour. Pour construire, pour retrouver ce qui nous a unis par le passé. Nous, à Patriotti, avons été prisonniers politiques, nous avons pris les armes contre l'Etat français, certains ont perdu la vie, et aujourd'hui nous continuons notre combat, à visage découvert, en nous recentrant sur les fondamentaux qui ont été oubliés par le mouvement national. Mais nous avons aussi notre part de responsabilité. On n'est pas là pour désigner des coupables. Notre but, c'est de défendre a terra, a lingua, u populu, u suciale.
Cette idée de communauté de destin a été définie par le FLNC en 1987. Mais assurément, l'époque a changé.
Est-ce que la lutte contre la colonisation de peuplement que vous dénoncez passe par un abandon de l'idée de communauté de destin ?
Cette idée de communauté de destin a été définie par le FLNC en 1987. C'est au FLNC qu'il appartiendra de revenir dessus. Mais assurément, l'époque a changé. Nous étions 250.000 habitants, et aujourd'hui nous sommes 350.000. Dans ces conditions, la machine extraordinaire à fabriquer des Corses qu'a été la Corse pendant des millénaires n'est plus en capacité de le faire.
En 1987 le FLNC disait que les gens qui se reconnaissaient dans la lutte de libération nationale étaient les bienvenus. Aujourd'hui, on reçoit tout le monde, et ça fait 100.000 personnes en plus qui font partie de la communauté de destin... On ne peut pas accepter cela. Il faut absolument remettre le peuple corse dans ses droits fondamentaux sur cette terre.
À quoi est dû cet afflux ?
Depuis les années 90 l'Etat noie les autochtones sous une colonisation de peuplement, à un rythme effréné. Il y a les Français qui débarquent de partout, on leur trouve des emplois dans la fonction publique. Avant, c'était les catégories A et B, et maintenant c'est même les catégories C. On trouve des emplois même à leur femme ! Pendant ce temps-là, nos jeunes n'ont pas de travail. Si nous continuons de recevoir tout le monde, nous serons bientôt une minorité sur notre propre terre.
La perspective d'une autonomie ne vous rassure pas, dans le domaine ?
Certainement pas. L'autonomie promise par Macron, sans pouvoir législatif, sans reconnaissance du peuple corse, sans citoyenneté et sans reconnaissance de la langue, ne changera pas quoi que ce soit.
La question de l'immigration étrangère, particulièrement maghrébine, s'est invitée dans le débat politique ces dernières semaines, et un mouvement nationaliste, Palatinu, dénonce ouvertement cette immigration, ce qui est une nouveauté dans le débat interne au nationalisme. Quelle est votre position ?
Nous sommes là pour faire notre route, pas pour commenter les positionnements des autres mouvements. Ce qui est clair, c'est que nous ne stigmatisons aucune communauté. Nous sommes là pour dire que nous ne pouvons plus accepter personne, en l'état actuel des choses. Quelle que soit l'origine. Sinon, bientôt, le peuple corse ne sera plus qu'une carte postale dans les livres d'Histoire. Il y a un seul peuple sur cette terre qui a des droits, c'est le peuple corse.