"C'était une boucherie", un homme condamné à 8 ans de prison ferme pour avoir agressé sa compagne à coups de cutter à l'Île-Rousse

Adil Miloudi a été condamné par le tribunal correctionnel de Bastia a 8 ans de prison assortis d'une interdiction définitive du territoire français pour violences agravée avec arme blanche sur sa conjointe. Le 29 mai, il avait violemment agressé cette dernière, sur la commune de L'Île-Rousse, avant de tenter de prendre la fuite.

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Une affaire "effroyable", des blessures "qui font froid dans le dos", et des propos "glaçants" de l'auteur des faits. Le procureur, Frédéric Metzger, ne mâche pas ses mots : c'est une agression d'une violence "inouïe" que le tribunal correctionnel de Bastia a été amené à juger, ce jeudi 1er juin.

L'affaire remonte au début de semaine, le 29 mai. Iryna H., une Ukrainienne de 46 ans logée à l'Île-Rousse depuis deux mois, est blessée de sept coups de cutter par Adil Miloudi, 41 ans, ressortissant marocain.

Il est aux environs de 15h45, et l'agression prend place à proximité du port de la commune. Adil Miloudi prend la fuite, et la victime parvient à prévenir une de ses connaissances, qui contacte à son tour les secours. Iryna H. est héliportée dans un état stable mais souffrant de multiples plaies importantes vers le centre hospitalier d'Ajaccio. L'agresseur, réfugié non loin dans le maquis, est lui appréhendé deux heures plus tard par les gendarmes.

Quatre noms et une identité invérifiée

Resté muet tout le long de sa garde à vue, indiquant ne vouloir s'exprimer que face à un juge, Adil Miloudi présente un discours émaillé de confusions.

Premier flou et pas des moindres : son identité, qui n'a pas pu être formellement vérifiée par les services de justice. Pour cause, l'homme est inscrit sur le fichier français des empreintes génétiques sous quatre identités différentes, avec toujours la même date et lieu de naissance, à Marrakech, mais pas le même nom. "C'est parce que je n'ai pas de papiers, se justifie-t-il. Je suis obligé de changer de nom pour pouvoir travailler." Arrivé en France en 2009, Adil Miloudi raconte avoir vécu 8 ans en Balagne, avoir ensuite déménagé quelque temps à Marseille, puis 5 ans en Allemagne, avant de décider de revenir en Corse, il y a deux mois.

Pour quelle raison a-t-il ainsi violenté Iryna H. ? Si cette dernière se présente comme sa compagne, elle ne serait selon lui qu'une simple amie. Une amie qu'il a rencontrée il y a treize mois, alors que l'un et l'autre se trouvaient en Allemagne, et qu'il a convaincu de le rejoindre en Corse en avril dernier. Les deux se fréquentaient régulièrement et avaient des relations intimes - mais sans pouvoir pour autant les qualifier de couple ou d'amoureux, insiste-t-il -.

15.000 euros disparus

L'attaque aurait pour origine une disparition d'argent, affirme Adil Miloudi : 15.000 euros, amassés au gré de petits boulots, qu'il conservait dans une sacoche qu'il avait dissimulée. Seuls la victime et lui-même connaissaient la localisation de sa cachette, ajoute-t-il.

Le matin du 29 mai, Adil Miloudi s'aperçoit de la disparition de ses précieuses économies. Le quadragénaire en est alors convaincu : Iryna H. est la coupable. L'Ukrainienne, estime-t-il, aurait renseigné un autre homme, qu'ils connaissent tous deux, sur l'endroit où étaient conservés les 15.000 euros. Adil Miloudi contacte Iryna H. dans la matinée et lui demande de se retrouver dans un café sur le port de la commune. "Je lui ai demandé où était l'argent, où était l'autre homme, et elle m'a dit qu'elle ne savait pas", souffle-t-il.

"Je vais faire une chose, tu le sauras après, et je m'en fiche si je fais de la prison"

"La victime rapporte que vous étiez calme, ce matin-là, qu'elle n'a pas senti d'agressivité, mais que vous lui avez dit : "Je vais faire une chose, tu le sauras après, et je m'en fiche si je fais de la prison"", indique le procureur. Des propos ni confirmés ni commentés par l'accusé.

Iryna et Adil se retrouvent une seconde fois dans la journée. Ils sont filmés à 15h15, marchant vers les îles de Pietra, par les vidéos de surveillance d'Ile-Rousse. "Vers un endroit sans caméras", commente Frédéric Metzger. À 15h45, Adil Miloudi est cette fois filmé seul, faisant rapidement chemin inverse. 

"C'était une boucherie"

"Que s'est-il passé quand vous étiez tous les deux sur la plage ? Comment décidez-vous de lui porter des coups ?", interroge la présidente. "Je ne sais pas du tout, répète l'accusé. Je voulais lui parler, je voulais qu'elle me dise pour l'argent et où était l'autre homme, mais elle n'a m'a rien dit et elle a commencé à s'énerver. J'avais le cutter sur moi, je ne comprends pas ce qui m'est arrivé."

Le témoignage de la victime donne une idée plus claire de la scène : "Elle dit que vous lui avez fait une crise de jalousie, que vous l'avez accusé d'avoir découché la veille, et de vous avoir volé de la drogue et de l'argent, détaille la présidente. Elle raconte qu'elle était allongée au soleil, en train de bronzer en maillot de bain, et que vous vous êtes assis sur elle en position dominante, que vous lui avez arraché ses vêtements, son haut de maillot, et que vous avez sorti un cutter et avez commencé à l'attaquer."

"La personne qu'elle a réussi à contacter et qui l'a trouvée en premier a dit qu'elle avait un morceau de viande qui pendait du bras"

Me Marie-Mathilde Pietri, avocate de la partie civile

Au total, sept coups sont portés : le premier sur la joue gauche, puis sur les hanches, les cuisses, les genoux, le poignet et les avant-bras. Aucune plaie susceptible d'engager le pronostic vital, mais assez pour que le premier certificat médical issu fasse état de 15 jours d'incapacité temporaire de travail.

"La personne qu'elle a réussi à contacter et qui l'a trouvée en premier a dit qu'elle avait un morceau de viande qui pendait du bras", lance Me Marie-Mathilde Pietri, conseil de la partie civile. "C'était une boucherie, et c'est cela la réalité de ce dossier."

La préméditation en question

Adil Miloudi insiste : "C'est la première fois que je fais ça. Je n'ai pas de casier judiciaire. Je suis choqué, je ne comprends pas ce qui m'est arrivé." Il l'assure : rien dans cette attaque n'a été prémédité.

Une version qui ne convainc ni l'avocate de la partie civile ni le procureur. "Les gendarmes rapportent dans le procès-verbal que vous avez fait exprès de la frapper au visage, que vous avez expliqué : "Elle ne m'a pas rendu mon argent, elle aura un souvenir de moi quand elle se regardera dans la glace et elle ne m'oubliera pas"."

Des propos tenus hors auditions, interjette l'avocate de la défense, Me Charlotte Albertini. "Les mêmes mots ont été tenus face à l'expert psychiatrique", continue Frédéric Metzger.

Une victime traumatisée et un silence "assourdissant"

Pour le procureur, les simples photos des blessures de la victime suffisent à démontrer "l'horreur" de cette affaire. "Il est rare d'avoir un dossier dont la gravité intrinsèque ressort d'une seule image, pointe Frédéric Metzger. Les photos font froid dans le dos."

Plus encore, le représentant du ministère public constate une "absence totale d'explications" de la part de l'accusé. "Ce sont les droits de la défense, bien sûr. Aucune infraction ne peut sanctionner quelqu'un qui garde le silence. Mais nous avons ces faits. Madame traumatisée et défigurée à vie, face à un silence assourdissant. C'est son droit de garder le silence, et c'est le nôtre d'en tirer les conséquences."

Cette agression "ne s'inscrit pas dans un délire psychopathique de dangerosité totale isolé, mais après un an de violences conjugales", reprend-il, témoignage de la victime pour preuve. Cette dernière indique également que son passeport et plusieurs de ses effets personnels auraient été confisqués par son conjoint.

"Il garde le silence, pas un regret, pas une explication, et nous sommes obligés d'essayer de deviner ses motivations, ses intentions."

Frédéric Metzger, procureur

Un homme soumis à plusieurs addictions - testé positif au cannabis et à la cocaïne par les gendarmes notamment - et un contexte d'emprise et de violence perverse décrit par le procureur, qui désigne un motif à cette agression : la jalousie maladive d'Adil Miloudi, "qui voit madame comme sa chose et n'a pas supporté qu'elle lui échappe. Alors il lui a charcuté la joue, la cuisse, l'avant-bras. Et après cela, il garde le silence, pas un regret, pas une explication, et nous sommes obligés d'essayer de deviner ses motivations, ses intentions. S'il s'excuse aujourd'hui, c'est du bout des lèvres pour sauver sa peau."

"Il se confie même aux gendarmes en disant qu'avec sa blessure à la joue, elle se souviendra de lui. Vous imaginez la perversité. Vous imaginez la jouissance narcissique", souffle-t-il.

Frédéric Metzger requiert ainsi la peine maximale, à savoir dans le cadre des comparutions immédiates 10 ans, ceci assortis d'une interdiction définitive du territoire français. 

Un contexte "inventé" et des investigations insuffisantes pour la défense

Aux réquisitions du procureur fait suite la défense. Face au tribunal, Me Charlotte Albertini condamne "évidemment" les violences, "qui sont inacceptables". "Les faits sont reconnus et je suis horrifiée. Mais j'avoue que les réquisitions me laissent perplexe, parce qu'il est fait état d'un contexte qui à mon sens n'est pas réel", continue-t-elle. "Les faits sont assez graves. Il n'est nul besoin d'inventer une histoire annexe, ce qui a été fait, à mon sens, par le procureur."

Sur les violences conjugales antérieures dont est accusé Adil Miloudi, "il n'y a jamais eu de plaintes, de mains courantes, rien". Face au caractère "diabolique" de son client présenté tout au cours de l'audience, Me Albertini dresse un autre portrait : celui d'un homme sans-domicile fixe, qui vit dans sa voiture, "un immigré sans papiers, un orphelin qui va de pays en pays, de ville en ville, qui gagne un peu d'argent grâce à des emplois précaires".

"Les faits sont assez graves. Il n'est nul besoin d'inventer une histoire annexe, ce qui a été fait, à mon sens, par le procureur."

Me Charlotte Albertini, conseil de la défense

L'avocate s'interroge : concernant les 15.000 euros qui auraient été volés, "c'est vrai, il n'y en a pas de trace. Mais pourquoi des investigations n'ont-elles pas été menées ? Même la victime connaissait le nom de la troisième personne qui les aurait dérobés. Mais on n'a pas essayé de comprendre, puisque le dossier était déjà tracé."

Ces 15.000 euros, "Monsieur Miloudi a réussi à les économiser au fil de ses différents travaux. Ils devaient lui servir à avoir une vie un peu plus confortable, un peu plus digne. Et effectivement, quand il s'est rendu compte que la sacoche d'argent n'était plus là, on connaît la suite. Tout ceci n'excuse pas les faits, mais ça permet de comprendre."

Après délibérations, le tribunal correctionnel de Bastia a condamné Adil Miloudi à huit ans de réclusion criminelle, assortis d'une interdiction définitive du territoire français. Une décision motivée, lui précise la présidente, "par la gravité des faits, et de votre positionnement sur les faits". 

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