Le spaziu culturale Arte Locu voit le jour à Volpajola

C'est un projet culturel ambitieux qui voit le jour dans cette petite commune de Haute-Corse. Durant toute l'année, Arte Locu organisera des rencontres et des spectacles, pour que l'art puisse réinvestir le rural.

Le samedi 25 juin est un jour particulier pour Patrick Vignoli. A la tombée de la nuit, le projet qu'il porte depuis de longs mois, va enfin voir le jour. Et prendre forme, concrètement, avec la représentation de la pièce de théâtre Corsican Way Of Life, sur la place de l'église de Volpajola.

C'est le premier spectacle qui se tiendra dans son village, dans le cadre d'Arte Locu, le spaziu culturale qu'il a créé, et auquel il a consacré une bonne partie de son temps, depuis des mois. 

L'art, à domicile

L'idée est née il y a quelques temps, dans les pays de l'Est de l'Europe, où Patrick se produit parfois, avec son groupe de polyphonies, Tempvs Fvgit. "Il nous arrive d'être invités dans des endroits reculés, un peu paumés, pour donner un concert. Et ça marche très bien. Il y a du monde, une vie culturelle...". 

Le chanteur ne peut s'empêcher, alors, de faire le parallèle avec son village de Volpajola. "Dans la microrégion, on est à mi-chemin de Bastia et de Corte, à 40 minutes de la Balagne, mais beaucoup ont l'impression d'être en marge de toute activité culturelle. Ici, les gens ne prennent pas leur voiture spontanément pour aller à la rencontre de l'art. Alors j'ai eu l'idée d'importer l'art en milieu rural, à domicile", sourit le quadragénaire. 

 Patrick Vignoli laisse murir l'idée, sur laquelle pèsent de nombreuses inconnues pratiques et financières. Mais au bout de quelques semaines, il en est sûr, il doit le faire. Il commence par aller voir les habitants de Volpajola, pour leur présenter son projet. Puis la municipalité, qui accueille l'idée avec bienveillance. Mais sans moyens financiers. 

"C'est une petite mairie, je me doutais bien qu'ils ne pourraient pas dégager un budget. Mais ils ont mis gracieusement les bâtiments communaux à disposition du spaziu culturale naissant, pour les spectacles".  Arte Locu n'ayant pas de local particulier dédié à sa mission, Patrick Vignoli va opter pour l'itinérance, en utilisant tout ce qu'il a à disposition : place de village, ruelles, parvis d'église... "On aimait bien l'idée de les détourner, durant un moment, de leur fonction première". 

Convaincre

L'étape suivante, la plus difficile, était de convaincre, pour trouver des financements. Dossiers sous le bras, Patrick Vignoli va démarcher la communauté de communes de Castagniccia-Casinca, qui accepte d'être partenaire, puis la Collectivité de Corse, qui elle aussi, rejoint le projet. Mais Patrick sait que ce n'est pas un chèque en blanc, et qu'il va falloir faire ses preuves. "Certains étaient un peu frileux au départ, et les moyens alloués ne sont pas encore à la hauteur du projet qu'on a imaginé, mais ça suffira pour démarrer le truc. Il faut rassurer. Pour les six mois qui arrivent, nous avons un budget total de 16.000 euros, cela nous permettra de mettre Arte Locu en route, et on étoffera ensuite". 

Les artistes devront monter avec un esprit acoustique, plus intime, avec une jauge modeste. Il leur faudra accepter de jouer le jeu, mais nous pensons que ça en vaut la peine.

Lorsqu'on lui demande s'il pourra financer le spectacle par mois qu'il ambitionnait pour le spaziu culturale Arte Locu, Patrick Vignoli affirme qu'il y a toujours un moyen. "C'est un peu juste, pour tenir jusqu'à la fin de l'année. Mais on explique aux artistes que s'ils veulent venir à Volpajola, ils devront accepter le cachet que nous proposons. Nous avons fixé un plafond à 600, 800 euros pour les artistes solo, et de 1.500 euros pour les troupes, ou les groupes. Il leur faudra monter avec un esprit acoustique, plus intime, avec une jauge modeste. Il leur faudra accepter de jouer le jeu, mais nous pensons que ça en vaut la peine. L'idée, c'est de travailler hors saison, entre septembre et mai, pas l'été, lorsque le village est plein ... C'est une période creuse, où les cachets ne sont pas légion pour les artistes, alors ça peut être un partenariat gagnant-gagnant". 

Ambitions

Pierre Savelli et la troupe de Corsica Way of Life, eux, ont décidé de donner l'exemple, en acceptant les conditions proposées par Arte Locu, pour inaugurer le programme 2022. Et ont repensé la représentation, pour coller aux contraintes de la date. De quoi encourager Arte Locu, qui voit déjà plus loin : "on veut également, en plus des spectacles mensuels, pérenniser des ateliers en hiver, pour assurer une activité artistique tout au long de l'année. Le lundi soir, en février, si quelqu'un veut faire de la photographie ou jouer la comédie, il faut qu'il n'ait plus besoin de prendre sa voiture."

Au côté de Patrick, pour porter ce projet, depuis le début, Elodie Pinet, originaire de Lozzi et professeure d'art plastique à l'université de Corte. Et au fur et à mesure, les énergies viennent s'agréger, à l'image du maire de Scolca, Jean-Marc Mattei. "Il est très dynamique, il a plein de projets en tête, et il va bientôt intégrer l'association. Il travaille sur les sentiers de randonnée, et nous avons plein de nouvelles idées, pour mêler art, patrimoine et environnement". Arte Locu peut compter aussi sur plusieurs sponsors, des sociétés qui travaillent dans le rural, hors saison, et qui se sentent proches du projet.