Ce week-end, la jeune fille de 18 ans va quitter son village de Borgo pour tenter de rafler le titre de championne du monde de twirling en Suède. C'est le seul qui lui manque encore. Forte de près de 80 titres nationaux et européens, Lia-Maria se bâtit un palmarès à nul autre pareil. En toute discrétion.
Ce vendredi 2 août, assise en terrasse d'une brasserie de Furiani, Lia-Maria Giovannoni savoure une pause bienvenue au cœur d'un été intense.
La veille, elle est rentrée d'un stage de cinq jours, avec l'équipe de France, sur le continent, enchaînant les séances de travail entre 8h30 et 18 heures.
Et le lendemain, elle mettra le cap sur Helsingborg, en Suède, pour tenter de remporter le titre de championne du monde de twirling. "La compétition ne débute qu'en milieu de semaine prochaine, mais on part plus tôt, avec l'équipe de France, pour prendre nos marques, découvrir le gymnase...", raconte Lia-Maria.
24 fois championne d'Europe
La jeune fille de 18 ans souriante et détendue qui est en face de nous est peut-être (et nous prenons cette précaution par politesse) la sportive insulaire la plus titrée de tous les temps.
Lia-Maria a gagné son premier titre européen à 9 ans, en Italie. Et depuis, elle en a remporté 24 autres compétitions européennes. En 2017, elle a réussi l'exploit de remporter le titre dans les cinq compétitions auxquelles elle a pris part. Une sorte de Grand chelem continental.
Les gens se font une fausse idée du twirling, c'est une discipline qui est méconnue Les gens pensent qu'on est des majorettes, et que c'est facile
Lia Maria
Elle est également vice-championne du monde en titre, et en ce qui concerne les titres nationaux, elle ne les compte plus. "Une cinquantaine, à peu près", estime-t-elle, après quelques instants de réflexion.
Rien que cette année, elle a remporté 5 titres en France, et 4 en Europe.
Autant dire que, sur les parquets de tout le continent, quand les concurrentes voient arriver Lia-Maria, elles voient également fondre leurs espoirs de titre.
Le public, lui, est bien plus enthousiaste. "On lui demande des autographes, les gradins se remplissent lorsqu'elle passe, et on sent pas mal d'admiration dans le regard des plus jeunes", confie son père, Anthony, pas peu fier de sa fille.
Frustration
En revanche, à Furiani, ce matin-là, Lia-Maria est peinarde. "En Corse, personne ne prend ça au sérieux, lâche la jeune fille dans un rire qui peine à cacher une certaine frustration. Les gens se font une fausse idée du twirling, c'est une discipline qui est méconnue. Les gens pensent qu'on est des majorettes, et que c'est facile."
Son père, lui, ne cherche pas à dissimuler son agacement. "Je suis un footeux, ma religion, c'est le football, et j'ai le sang bleu. Mais ici, il n'y en a que pour le foot, le sport automobile... Lorsque les journalistes insulaires se réunissent pour désigner les sportifs corses de l'année, Lia-Maria n'est jamais récompensée. Qu'est-ce que je dois répondre à ma fille qui me demanderait pourquoi, l'année où elle est quadruple championne d'Europe, quintuple championne de France et bâton d'or, la récompense qui est le Graal des compétitrices de twirling, elle n'est pas récompensée ? Je trouve ça cruel. Pour eux, c'est beau, mais ce n'est pas du sport. Ils ne se rendent pas compte de l'exigence que cela demande..."
Lia-Maria a découvert le twirling à l'âge de quatre ans. Un week-end, en sortant de son entraînement de baby-gym, elle est attirée par un autre cours, qui se tient dans une salle voisine. Elle y découvre un groupe de filles de son âge qui virevoltent en tenue colorée tout en faisant voler un bâton. "Ça a été le coup de foudre".
Depuis quinze ans, le twirling rythme sa vie, ses week-ends et ses vacances. Elle a découvert les samedis passés enfermée dans un gymnase, à répéter inlassablement les mêmes gestes, quand les filles de son âge allaient au cinéma ou à la plage. Elle a appris l'exigence, la rigueur, le sens du détail, et la discipline.
Et elle n'a jamais regretté son choix.
Études de médecine
C'est pourquoi ce voyage en Suède revêt un caractère particulier. Ce sera peut-être son dernier championnat du monde.
Lia-Maria a obtenu son bac avec mention très bien au printemps dernier au lycée de Montesoro, et à la rentrée, elle va entamer une première année en Médecine, à Corte. "J'espère de tout cœur arriver à combiner les études et le twirling, mais ça risque d'être compliqué. Et c'est très dur, de se dire que ça va s'arrêter à un moment..."
Pour sa famille aussi, ça va être difficile. Son père, sa mère et son frère ont également vécu au rythme des entraînements et des compétitions, traversant l'Europe, de la Croatie à l'Italie en passant par les Pays-Bas, pour soutenir Lia-Maria.
Anthony a ouvert son camion à pizza l'année de la naissance de sa fille, et lui a donné son nom. Les seuls jours de l'année où Pizza Lia-Maria reste fermé, c'est quand la jeune fille part défendre ses titres. "Ce sont mes vacances !"
Les 8, 9, 10 et 11 août prochains, PIzza Lia-Maria restera ouvert.
Pour la première fois, les familles des athlètes ne pourront pas faire le voyage, l'Equipe de France ayant professionnalisé le déplacement, et tout verrouillé, afin d'isoler les filles, et de les garder dans une bulle.
Alors, au cours des prochains jours, quand Lia-Maria cherchera du regard son père, qui s'assoit toujours au même endroit, passage après passage, elle ne le verra pas. Et sa mère ne sera plus sur le bord du parquet, pour filmer ses exploits. Ils seront à Borgo, devant la webtv qui diffusera la compétition.
Fusionnelles
Et puis il y aura toujours l'incontournable Toussainte Devoti, la créatrice et figure incontournable d'E Marinelle, l'unique club de twirling de Corse, qui l'accompagne depuis le premier jour, et avec qui elle a développé une "relation fusionnelle" au fil des ans.
"Sans Toussainte, elle ne partirait pas !" s'amuse Anthony, qui sait que sa fille sera en de bonnes mains.
Lia-Maria acquiesce avec un grand sourire, regarde sa montre et remonte en voiture pour rejoindre le village de Borgo, où elle est née et où elle vit encore aujourd'hui.
Elle a ses bagages à boucler, un avion à prendre...
Et un titre de championne du monde, le dernier qui manque à son palmarès, à ramener en Corse.
Découvrez la danse solo avec un bâton et deux bâtons qui a valu son bâton d'or à Lia-Maria en 2023 :