Tous les avocats de la défense ont demandé, ce matin, le renvoi du procès du double assassinat de Bastia-Poretta. Une demande à laquelle le président de la cour n'a pas choisi d'accéder. Les débats ont repris ce jeudi après-midi, en l'absence des prévenus en détention, qui ont refusé de rejoindre le box.
Pas de renvoi, pas d'accusés dans le box, et des conseils majoritairement absents de la salle d'audience.
Ouvert depuis le lundi 6 mai devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, le procès du double homicide de Bastia-Poretta évolue d'incidents de procédures en retournement de situation. Suspendu la semaine passée à la suite du mouvement de protestation des agents pénitentiaires après l'attaque meurtrière d'un fourgon dans l'Eure, le procès s'est rouvert ce 21 mai avec la récusation par onze des quatorze accusés de leur avocat.
Une situation qui laissait planer l'hypothèse d'un renvoi de ce dossier, pourtant annoncé par l'accusation comme historique de par sa durée, son ampleur et les liens supposés par la justice entre plusieurs des accusés et la Brise de mer.
"Un simulacre de défense"
Réouverte ce jeudi matin, l'audience a dans un premier temps vu se succéder à la barre les quatorze conseils des prévenus. Tous ont demandé le renvoi du procès, dénonçant tour à tour un temps de préparation bien trop restreint pour pouvoir correctement assurer la défense de leur client.
"J'ai le vertige lorsque je rentre dans la salle d'audience et que je vois le nombre d'étagères qui supportent les dossiers", a indiqué une avocate commise d'office, quand une autre parle d'un "simulacre de défense", et une troisième insiste que "pour préparer un dossier d'assises, il faut autant de temps que de temps d'audience [soit dans ce cas précis, deux mois, ndlr]".
Une demande de renvoi à laquelle s'est associée la partie civile, et également réitérée par les accusés. Laconique, Christophe Guazzelli - suspectée d'être la tête de cette affaire - a exprimé son désir d'un procès "équitable. Présenté comme il l'est aujourd'hui, il ne l'est plus", a-t-il regretté. Des propos dans l'ensemble similaires à ceux avancés par les autres prévenus.
Ange-Marie Michelosi s'est lui directement adressé au président de la cour, Jean-Yves Martorano : "On ne fait pas de bras de fer. Je vais vous faire une confidence : on ne peut pas gagner un bras de fer avec la justice, les perdants, c'est forcément nous." Avant de l'interroger : "Sommes-nous devant la cour d'assises d'Aix-en-Provence, ou bien devant le tribunal de Libreville au Gabon ?"
L'avocat général, Christophe Raffin, s'est de son côté fermement opposé à l'idée d'un renvoi. "Ce qui se passe résulte de la responsabilité de ceux qui ont fait le choix de déserter, a-t-il estimé. Il ne peut pas y avoir d'entrave, de coup de force, il n'y a pas de chaos ou de naufrage."
Pas de nouvelle audience, et plus d'avocats
Une dernière position à laquelle la cour a décidé de donner raison. Après quinze minutes seulement de suspension, le président a annoncé la poursuite de l'audience dans l'après-midi, estimant que "la récusation par les accusés de leurs avocats ne leur confèrent pas le droit d'avoir une nouvelle audience [...] Les accusés se sont volontairement mis dans cette situation, qui ne résulte pas de la cour ou de l'avocat général".
Problème, à 14h, heure annoncée de reprise, le box des accusés est resté vide. Les neuf prévenus qui comparaissent détenus ont refusé de réintégrer la salle, et sont ainsi restés, malgré plusieurs sommations effectuées par un huissier, dans les geôles du palais de justice d'Aix-en-Provence.
Plus encore, l’ensemble des avocats commis d’office ont été remplacés par la bâtonnière d'Aix-en-Provence elle-même, Me Monika Mahi-Ma-Somga. Après une brève prise de parole, cette dernière a à son tour quitté la salle, et annoncé qu’il n’y aurait de fait pas d’avocats sur les bancs de La Défense.
Seuls cinq accusés, c'est-à-dire ceux comparaissant libres, et trois conseils de la défense - les seuls à ne pas avoir été récusés mardi - restent ainsi présents dans la salle d'audience. Une situation complexe qui ne fait qu'ajouter à la tension générale ressentie, tant du côté des accusés, que de leur famille, des avocats ou du ministère public.
L'interview de Me Adrien Milani, avocat de Gaëlle Sker, compagne de Richard Guazzelli :