Santé Publique France enregistre des hausses de 16 à 110 % des taux d'incidence de maladies sexuellement transmissibles entre 2020 et 2022. La population la plus touchée : les 15 à 24 ans. Une problématique qui n'épargne pas la Corse.
Chlamydia, Syphilis, gonococcies et VIH... Ces infections sexuellement transmissibles (IST) ont un point commun : toutes ont vu leur taux d'incidence a considérablement augmenté ces dernières années.
C'est ce qui ressort d'un bulletin de surveillance des IST en France métropolitaine de Santé publique France, qui compare les cas déclarés en 2020 et en 2022. Les chiffres donnent presque le tournis : +16 % pour la Chlamydia, +91 % pour les gonococcies, et +110 % pour la Syphilis. Les détections de cas de VIH sont également à la hausse, avec 5.700 découvertes de séropositivité en 2022, contre 4.856 en 2020.
Ces nouveaux malades sont pour beaucoup jeunes, voire très jeunes : les dernières données de l'OMS (organisation mondiale de la santé) indiquent que près de 50 % des détections d'IST concernent des 15 et 24 ans.
Plus de cas, mais aussi plus de dépistages
La Corse n'est pas épargnée par le phénomène : dans les centres de santé sexuelle de l'île, on constate aussi une augmentation conséquente des cas chez les jeunes. Alarmant, oui, mais Clothilde Bonifacy, infirmière au centre de santé sexuelle d'Ajaccio, met toutefois ces données en perspective : "Si nous enregistrons plus de dépistages positifs, c'est aussi parce que les jeunes viennent de plus en plus se faire dépister. Nous avons donc plus de chances, logiquement, de trouver des cas positifs".
Des dépistages qui pourraient devenir encore plus nombreux : depuis le 1er septembre 2024, les jeunes de moins de 26 ans peuvent se faire tester gratuitement et sans ordonnance en laboratoire pour l’hépatite B, la syphilis, l’infection à chlamydia et la gonorrhée. Auparavant, seul le dépistage du VIH était gratuitement accessible à tous, sans ordonnance ni avance de frais.
Parmi ceux qui se rendent au centre de santé sexuelle pour se faire dépister, les femmes sont un peu plus nombreuses, indique l'infirmière. "Elles ont tendance à être un peu plus attentives à leur santé et à venir même pour faire des points de contrôle", quand les hommes viennent plutôt "en dernier recours, après avoir eu un rapport qu'ils estiment très à risque. Du coup, ils arrivent souvent très stressés."
Autre élément à prendre en compte dans l'augmentation du nombre de cas détectés : "Nous disposons aussi de méthodes de dépistages de plus en plus efficaces : on peut désormais réaliser des tests PCR, qui sont plus sensibles, et détectent donc des IST qui n'auraient pas forcément été découvertes autrement", indique Clothilde Bonifacy.
Deux facteurs qui influent sur les données et viennent logiquement grossir les chiffres des malades d'IST... Mais qui ne justifient pas tout pour autant. "Les pratiques sexuelles ont aussi beaucoup évolué, avec des comportements désormais plus à risque. Le chemsex [la prise de drogues lors de l'acte sexuel] est plus répandu, et quand on mélange sexe et drogues, on a moins tendance à penser à la contraception", souffle l'infirmière.
Les pratiques sexuelles ont aussi beaucoup évolué, avec des comportements désormais plus à risque.
Laetitia Costa, également infirmière au centre de santé sexuelle d'Ajaccio, poursuit cette idée. "De manière générale, les jeunes font moins appel à la contraception que par le passé, ce qui augmente forcément les risques de transmission d'IST."
"Il y a aussi, peut-être, un certain relâchement avec les années, corrobore Angèle Alaris, infirmière aux centres de Sartène et Propriano. Quand ils sont plus jeunes, qu'ils sortent des cours d'informations sur la protection pendant les rapports sexuels au collège et au lycée, ils font attention. Et puis après, au fil des années, ils se relâchent."
Vers une banalisation des IST ?
Les infirmières font un dernier constat, et sans doute le plus inquiétant : "Les infections sexuellement transmissibles sont en presque en passe d'être banalisées chez les plus jeunes. Parce qu'il y a des traitements, ils pensent que ce n'est plus quelque chose de grave, que dans tous les cas ça se soigne, et que donc s'ils en attrapent une, ça se réglera dans le temps."
Ces professionnelles évoquent notamment le cas de jeunes convaincus, aujourd'hui, que la maladie du Sida se guérit. "C'est une confusion qui naît du fait qu'ils n'arrivent pas à faire la différence entre traitement de stabilisation, c’est-à-dire ce qui existe aujourd'hui pour le sida, et guérison, indique Laetitia Costa. Il y a une incompréhension du message, qui s'explique sans doute par un manque d'information ou une mauvaise information, et qui fait qu'une partie des jeunes se disent qu'ils n'ont pas besoin de se protéger."
Les infirmières insistent : en terme de sexualité, il est essentiel de se projeter dans l'avenir, "parce que ça n'arrive pas qu'aux autres". Et parce qu'il vaudra toujours mieux être trop prudent que (très) désolé.
Peu de dépistages du VIH, mais des détections souvent tardives
Le bulletin de surveillance des IST en France, publié en novembre 2023, révèle que la Corse a le plus bas taux de sérologies VIH réalisées en laboratoires. On y enregistre 68 tests pour 1000 habitants en 2022, contre 220 pour 1000 habitants en Guyane, le territoire au taux le plus élevé, où encore 113 pour 1000 habitants en PACA.
Bien que l'île ait également le plus faible taux de découverte de séropositivité (17 personnes pour 1.000.000 habitants), elle enregistre une part importante de diagnostics tardifs, 80 % des cas étant détectés à un stade avancé, ce qui complique leur prise en charge.
Comparativement, seuls 4 % des diagnostics de VIH pour des personnes domiciliées en Corse le sont à un stade précoce.
Concernant les IST bactériennes, en 2022, le taux de dépistage des infections à Chlamydia trachomatis en Corse est de 41 pour 1000 habitants. Le taux d'incidence d'infection s'élève à 94 pour 1000 habitants.
Le taux de dépistage des gonococcies en Corse est de 51 pour 1000 habitants. Pour les gonococcies, le taux de dépistage est de 51 pour 1 000 habitants, avec un taux de positivité de 0,9 %, le plus faible enregistré en France en 2022.