L'écrivain anglais Daniel Tammet était à Bastia ce dimanche 11, pour présenter son nouveau livre au Parc Galea. Identifié autiste à l'âge de 25 ans, il est polyglotte et maîtrise pas moins de 11 langues. Grâce à la synesthésie, il joue avec mots, chiffres, couleurs, textures, sensations et émotions.
Malgré la pluie battante, des centaines de personnes étaient amassées, ce dimanche 11 mars, au Parc Galea à Bastia. Et pour cause, il accueillait un invité de marque : l'écrivain anglais Daniel Tammet venu présenter son nouvel ouvrage, "Chaque mot est un oiseau à qui l'on apprend à chanter".
Les mots, il les manie comme il l'entend. Identifié autiste Asperger à l'âge de 25 ans, il maîtrise pas moins de 11 langues différentes, chacune apprises en un temps record - il a notamment appris l'Islandais en une dizaine de jours.
"C’est vrai que j’ai un cerveau différent des autres", concède l'auteur dans un français parfait. "Aujourd'hui, j'ai parfaitement apprivoisé les codes sociaux. Mais j'ai eu une enfance pas toujours facile", ponctuée de moqueries de ses camarades, d'incompréhensions. Mais aussi de "beaucoup d'amour, de tendresse et de lecture. La lecture m'a apporté énormément de choses".
"Il est possible d'avoir une scolarité dite normale"
Son enfance en tant qu'autiste, Daniel Tammet se la remémore non sans difficultés. Identifié à seulement 25 ans, il a suivi un parcours scolaire classique. "Dans beaucoup de cas, je pense qu'il est possible d'avoir une scolarité dite normale, d'avoir la possibilité de s'affronter aux enfants qui ne sont pas semblables." Mais, dans un souci d'éviter les généralités, il précise :
Chaque personne née sous le spectre autistique est unique, chaque forme d'autisme est unique.
Son souhait : que l'on mette "tout le monde sur un pied d'égalité. On est tous nés curieux, on est tous nés avec cette envie d'apprendre. Ce qui est dans les livres, mais peut-être plus encore, ce qui est dans le coeur ou dans la tête."
"Il faut que l'apprentissage soit un jeu"
Pour cette conférence, Daniel Tammet foulait pour la toute première fois le sol de Corse. Après quelques jours sur l'île, il confie : "Je suis très attaché à toute langue régionale, toute langue ancestrale. Chacune apporte une richesse inédite, infinie.
Chaque fois qu'une langue disparaît, il s'éteint à jamais avec elle tout un savoir, toute une manière de percevoir le monde, l'humain, notre existence.
Selon lui, l'avenir du corse réside dans la capacité des jeunes à se réapproprier la langue. "Je pense qu'il faudrait faire en sorte que ce ne soit pas ressenti comme une obligation mais presque comme une évidence. On a envie parce que quelqu'un écrit tellement bien en corse, ou chante tellement bien en corse, ou fait des blagues tellement drôles en corse, qu'on a envie de répondre en corse."
Une autre particularité de son mystérieux cerveau : comme beaucoup d'autistes Asperger, Daniel Tammet est également atteint de synesthésie : "un phénomène neurologique qui fait que quand je regarde un mot sur une feuille blanche, je ne le vois pas en noir mais en couleurs."Il faut que l'apprentissage soit un jeu. À partir du moment où l'apprentissage est réduit à des règles ou à passer un examen, cela n'a plus de sens. Il faut que ce soit quelque chose qui apporte du bonheur parce que ça nous grandit et ça agrandit notre monde.
Quand j'écris une phrase, n'importe laquelle, ça devient quelque chose de vivant, d'esthétique.
Alors, la Corse, c'est en quelle couleur ? "Le mot Corsica, c'est un mot doré. Il brille et luit comme le soleil. Je dirais aussi qu'il est en forme du 49, 7x7. 49, c'est bleu et violet." Comprendra qui pourra.
► Voir l'interview de Daniel Tammet dans son intégralité :
Entretien réalisé par Maia Graziani et Matthieu David.