L'Insee a analysé les chiffres des derniers scrutins sur l'île, une analyse qui dessine deux électorats différents. Et qui explique, en partie, comment la Corse peut voter à la fois pour les nationalistes insulaires, et pour Rassemblement National.
En avril dernier, au second tour des dernières élections présidentielles, en Corse, Marine Le Pen virait largement en tête, avec 58,08 % des voix contre 41,92 % à Emmanuel Macron.
77.721 personnes avaient donc apporté leur suffrage au Rassemblement National.
Paradoxe
Pour beaucoup, le score réalisé sur l'île par la candidate a fait désordre. La polémique a enflé, et deux camps, schématiquement, se sont affrontés :
- Le camp de celles et ceux qui soulignaient l'incongruité d'un tel score, dans une région où, lors des élections locales, les nationalistes remportent victoire sur victoire depuis des années. Et envisageaient, parfois avec une certaine jubilation, que nombre de nationalistes aient voté pour une candidate qui, sur de nombreux points, était à l'opposé du spectre politique...
- Le camp de celles et ceux, majoritairement nationalistes, qui assuraient que ce n'étaient pas les mêmes qui votaient lors des scrutins nationaux et des scrutins régionaux. En clair, que ce n'étaient pas les nationalistes qui avaient glissé un bulletin RN dans l'urne, mais les autres...
Néanmoins, Paul-Félix Benedetti, leader de Core in Fronte, qui avait appelé à s'abstenir pour la présidentielle, ne se voilait pas la face. "La famille nationaliste ne s'est pas positionnée unanimement et seuls les indépendantistes ont assumé ce choix. Aujourd'hui, le vote pour le Rassemblement National est majoritaire en Corse et il y a des questions à se poser".
Deux électorats
Des questions qui, pour certaines, ont trouvé une réponse dans l'étude que l'Insee a publiée, le 17 novembre dernier. L'institut s'est penché sur les chiffres des différents scrutins en Corse depuis 2002. Et a livré ses conclusions.
Selon l'Insee, 32 % des abstentionnistes de la présidentielle se sont remobilisés pour les législatives en Corse, contre 6 % nationalement.
"Cette meilleure participation insulaire peut traduire une plus forte appétence à élire des représentants locaux. En effet, à l’occasion du premier tour des élections régionales de 2021, 57 % des électeurs corses s’étaient déplacés aux urnes, une participation sans commune mesure avec celle des autres régions françaises (33 % en France). De même, ils s’étaient d'avantage mobilisés au premier tour des élections municipales qu’au niveau national (56 % contre 45 %)", conclut l'Insee.
Voilà qui accrédite la thèse de deux électorats distincts sur l'île. Ou, à tout le moins, qui fragilise celle qui veut que ce soient les mêmes qui votent en majorité pour les nationalistes, et pour le Rassemblement national.
Vote intermittent
L'Insee souligne également la baisse du vote systématique, "qui désigne le comportement électoral d'une personne ayant voté à tous les scrutins", au profit du vote intermittent, "qui regroupe ceux qui ont voté au moins une fois mais se sont abstenus à un moins un tour de l'un ou de l'autre scrutin".
Alors qu'en France, l'abstention systématique augmente, cette tendance en Corse à voter de manière de plus en plus intermittente serait une preuve de plus que les électrices et les électeurs ne se détournent pas de la politique, mais plutôt de certains scrutins au profit d'autres.
L'étude de l'Insee apporte de nouveaux éléments de réflexion et d'appréciation, qui permettent de lire d'une manière plus cohérente les résultats des différents scrutins de l'année qui se termine. Mais il n'est pas dit qu'elle aide à mieux cerner l'électorat du R.N. en Corse.