A Sisco, dans le Cap Corse, un parasite, le Schistosoma haematobium, pourrait être présent dans les rivières. Ce ver est porteur d'une maladie, la bilharziose. Une maladie rarissime en Europe, mais qui avait déjà fait son apparition en Corse, en 2014... Le maire a pris un arrêté d'interdiction.
"C'est ce matin, aux aurores, que l'un de mes administrés est venu frapper à la porte de la mairie. Et quand il m'a raconté cette histoire, j'étais un peu perdu. Je ne savais même pas que ça existait, la bilharziose ! Alors j'ai fait comme tout le monde, je suis allé voir sur internet. Et j'ai compris tout de suite que ce n'était pas à prendre à la rigolade", raconte Ange-Pierre Vivoni, le maire de Sisco.
Reprenons du début. L'habitant du village qui est venu trouver Ange-Pierre Vivoni a reçu un coup de téléphone de la Timone, à Marseille. A l'autre bout du fil, un ami à lui, qui, quelques jours plus tôt, passait une partie de ses vacances d'été à Sisco. Ce dernier, inquiet en raison d'urines teintées de sang, va voir un médecin, qui faot des analyses. Et lui pose une question : s'est-il baigné récemment dans une rivière ?
L'homme répond "oui, en Corse". A la Timone, on lui conseille alors de prévenir au plus vite les habitants de l'endroit où il s'est baigné. La raison, une suspicion de bilharziose. Une maladie que l'on attrape dans les cours d'eau. Quelques minutes plus tard, le patient attrape son téléphone, et téléphone à Sisco.
"Quand j'ai entendu ça, vous imaginez bien que j'ai appliqué sans attendre le principe de précaution ! J'ai donc publié l'arrêté. On n'est pas sûrs, pour l'instant, que c'est cette maladie qui est à l'origine des problèmes urinaires du patient. On ne le saura que dans 72 heures, après les résultats des analyses. Mais on n'est jamais trop prudent..." conclut Ange-Pierre Vivoni.
Résultat, plus de baignades et plus de pêche, à Sisco, tant que tout risque ne sera pas levé. L'ARS, de son côté, a ouvert une enquête, comme il est d'usage dans ces cas-là, et devrait très vite effectuer des examens.
La bilharziose, qu'est-ce que c'est ?
Il existe deux cas de bilharziose.
-La schistosomiase intestinale, qui provoque une diarrhée, du sang dans les selles et des douleurs abdominales. Les complications se matérialisent par l'augmentation du volume du foie et de la rate.
- La schistosomiase urogénitale, qui se traduit par la présence de sang dans les urines. Cette maladie peut entraîner des lésions au niveau de la vessie, de lurètre et des reins.
C'est cette dernière qui pourrait être présente à Sisco, d'après les symptômes. Elle est causée par des vers parasites, dont les larves se développent dans des gastéropodes d'eau douce. Elles pénètrent ensuite dans l'organisme humain par la peau, et progressent par le sang jusqu'aux intestins et la vessie, où elles vont provoquer une réaction inflammatoire de l'organisme.
Les eaux de baignades sont contaminées, à l'origine, par les excréments de personnes porteuses du parasite, qui l'ont emmené parfois d'un autre pays ou d'un autre continent.
Une maladie très rare dans l'hémisphère nord...
Ce qui interpelle, au-delà de la virulence de la maladie, c'est sa rareté. Du moins sous nos latitudes.
La Bilharziose est considérée comme une maladie tropicale, ou subtropicale. En clair, cette maladie est présente dans l'hémisphère sud, pour l'immense majorité des cas en Afrique, le continent concentrant 80 à 90 % des malades.
Pour l'Organisation Mondiale de la Santé, cette maladie est un enjeu de santé publique d'envergure mondiale. Elle tue entre 20.000 et 200.000 personnes chaque année. Pour autant, nous le rappelons, les scientifiques sont formels, lorsqu'elle est diagnostiquée tôt, la bilharziose est facile à traiter.
En Europe, elle est extrêmement rare. Très peu de cas ont été recensés, depuis la première, au Portugal, en 1925. Et aucun en France. Jusqu'au début de la décennie actuelle...
...mais déjà présente en Corse par le passé
La première apparition de la bilharziose sur le territoire national, c'est en Corse qu'elle a eu lieu. Entre 2011 et 2013, 17 cas de Bilharziose sont détectés dans les eaux du Cavu et de la Solenzara, en Corse-du-Sud. Un phénomène qui avait alerté les spécialistes bien au-delà de l'île, comme le montre ce sujet réalisé par France 3 Corse :
A l'époque, ils avaient craint une épidémie, qui n'avait pas eu lieu, et la rivière avait été interdite d'accès en 2014. Aujourd'hui elle est rouverte au public, mais elle fait encore l'objet d'une surveillance particulière.
Un nouveau cas de bilharziose, sur la même île, quelques années plus tard, semblerait, de ce fait, étonnante pour un observateur extérieur. Surtout si l'on prend en compte la distance entre les deux cours d'eau, qui ne se trouvent pas dans le même départemement...
Mais en matière de science et de médecine, pas de place pour ce genre de supputations. Et les médecins marseillais prennnent très au sérieux cette possibilité.
En attendant d'en savoir plus, la plus grande prudence reste donc de mise.