Le manoir de Sainte-Catherine et son domaine de 26 hectares vont finalement revenir exclusivement aux mains de la commune. Après plusieurs années de bataille juridique, la justice a donné la priorité à la mairie pour l'achat de l'édifice. Désormais, plus aucun investisseur privé ne peut se porter acquéreur, reste à trouver les financements.
C'est un soulagement pour Ange-Pierre Vivoni, l'édile de Sisco. Après plus de 30 ans de combat autour de la vente du manoir Sainte-Catherine, la mairie a remporté la bataille.
Le 23 février dernier, à Paris, la commune a signé une promesse de vente. L'achat du manoir Sainte-Catherine lui est donc autorisé au prix d'1,7 millions d’euros. "C’est l’aboutissement de plus de 30 ans de travail. Je suis heureux pour les Siscais, pour les Cap-Corsins et pour la Corse entière", confie, avec émotion, le premier magistrat de Sisco.
Un dénouement facilité par une décision de la Cour d'appel de Paris et après plusieurs années de négociations avec l'Agence de Gestion et Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (AGRASC).
Un rachat semé d’embûches
La bataille juridique avait pris un tournant en 2017. A l'époque, le propriétaire du manoir, un avocat parisien, souhaitait vendre l'édifice pour plus de 2 millions d'euros. Très vite, sa mise en vente avait attiré les convoitises de nombreux investisseurs privés. Face à eux, la municipalité de Sisco se battait pour garder ce patrimoine insulaire.
"Je vais vous raconter une anecdote. Une personne m’a téléphonée, elle m’a demandé ‘combien vous voulez le payer ? Multipliez le prix par deux et le lendemain, vous aurez le chèque pour votre commune’. Ça veut dire que la personne était prête à nous donner 3,5 millions d’euros", confie Ange-Pierre Vivoni.
Mais il n’y aura pas de prix pour acheter Sainte-Catherine.
Ange-Pierre Vivoni, maire de Sisco
Depuis 2017, le rachat de Sainte-Catherine a subi de nombreux rebondissements. En mai 2018, le propriétaire du manoir avait été mis en examen dans une procédure judiciaire ouverte à Paris le visant, entre autres, pour des faits d'escroquerie. Le juge d'instruction en charge de l'affaire avait procédé à une saisie du manoir à titre conservatoire.
Les sollicitations des investisseurs privés sont allées jusqu'aux pressions selon le maire. En mars 2021, Ange-Pierre Vivoni avait déposé plainte après avoir reçu des intimidations au sujet de la vente du manoir. Par téléphone, un interlocuteur anonyme lui aurait ordonné de retirer son offre de rachat. "On m’a ordonné de me retirer de l’acquisition du manoir de Sainte-Catherine sous peine de rencontrer de sérieux problèmes", avait-il écrit sur la page Facebook de la commune. Six mois après les faits, faute de preuves, l’affaire avait été finalement classée sans suite.
Des logements et un parc marin
Désormais, aux mains de la commune, le manoir va retrouver une seconde vie. De nouveaux logements et un musée devraient voir le jour. Le siège du parc marin du Cap Corse pourrait aussi y être installé. "Tout sera défini par la population de Sisco. Je ferai des réunions publiques qui permettront de savoir ce que veulent les Corses de cette terre qui leur appartient", précise le maire.
Quant au domaine de 11 hectares, la commune souhaite y voir s'installer des agriculteurs.
Ange-Pierre Vivoni indique avoir des pistes pour assurer le coût des travaux de réhabilitation. "Nous avons déjà désigné deux AMO (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage) qui vont faire la recherche de financements".
Nous avons la Banque des territoires qui nous suit sur 2 millions d’euros pour faire l’acquisition. Je souhaite que cette acquisition se fasse avec d’autres financements, des financements d’Etat, de la collectivité de Corse et même avec des privés.
Ange-Pierre Vivoni, maire de Sisco
Un berceau du christianisme
"Que ce domaine revienne dans le public, on ne peut que saluer le courage et l'engagement de la mairie et de sa population. Le couvent de Sainte-Catherine est un site majeur pour l'histoire de la Corse et de la méditerranée", se réjouit Christian Andreani, président du Centru culturale San Martinu Corsica et connaisseur du site de Sisco.
Pour la commune et la région, préserver ce site est un "intérêt patrimonial majeur" car "le couvent de Sisco est une sentinelle de la Corse", poursuit Christian Andreani.
Perché sur un promontoire rocheux face aux côtes de la terre ferme, le couvent a longtemps eu une position stratégique. "Pendant la période médiévale, c'était un lieu emblématique avec des liens importants avec l'Italie".
Occupé à l'Antiquité, christianisé, un temps islamisé, le domaine révèle de nombreux aspects remarquables. Son couvent serait le premier de Corse et ses soubassements pourraient remonter au XIIe siècle. Des reliques ont été déposées au XIVème siècle par un bateau qui a évité un naufrage.
L'équipage a fait vœu de déposer ces reliques dans l'église de Sainte Catherine.
Christian Andreani
En pleine période pisane de la Corse, le site devient un lieu de pèlerinages pour les habitants. A partir du XVIème siècle, une tour est construite près de l'église pour héberger le prêtre et surveiller contre les incursions barbaresques. "C'est vraiment un patrimoine emblématique de la Corse et il faut respecter les lieux sacrés, ce sont les témoins pour le monde de demain".
L'avenir de Saint-Catherine reste donc à écrire... La mairie a jusqu’au 31 janvier 2024 pour pouvoir honorer le contrat d'offre d'achat.