Témoignage d'une victime de viol par son mari : "dès le premier coup, dites stop. Ou ça empirera. Jusqu'à la mort"

Rose*, victime de viol et de violences de la part de son époux, a accepté de nous raconter son histoire, et les quatre années de combats qui ont mené à la condamnation de son époux à 12 ans de prison.

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A l'énoncé du verdict rendu par la cour d'assises, Rose* et son avocate peinent à dissimuler leur satisfaction, mêlée de soulagement. "Je suis tellement contente", souffle maître Dominici-Campagna en quittant la salle d'audience. A l'extérieur, les proches de Rose l'enlacent.

Son ex-époux, Ahmed Souidi, a été condamné à 12 ans de réclusion pour viol sur conjoint

La jeune femme, d'une trentaine d'années, a accepté de revenir pour nous, accompagnée de son avocate, sur le long parcours du combattant qui l'a menée jusqu'au palais de justice de Bastia, durant ce mois de juin 2022. Pour que cela serve d'exemples à toutes celles, mais aussi à tous ceux, qui n'osent pas franchir le pas. 

Comment vous avez vécu ces jours de procès ? 
Rose : Jusqu'à la dernière minute je ne voulais pas venir. En quatre ans, il y a de l'eau qui a coulé sous les ponts, j'avais tout fait pour mettre ça de côté, pour me reconstruire, même si les séquelles, anxiété, insomnies, étaient toujours là. Ca a été très, très éprouvant pour moi. J'ai tout revécu. Ca fait un mois que je ne dors pas... J'en ai vécues, des choses, dans ma vie. Mais le niveau d'anxiété de ces trois jours, c'était inédit. Je me demande comment je vais me sentir demain, quand tout sera retombé. 

Il faut partir, et il faut dénoncer.

Rose

Vous considérez ce verdict comme une victoire ? 
R : C'est surtout un message pour toutes les victimes de viol ou de violences conjugales. Dès qu'on lève la main sur vous, sur vos enfants, qu'on vous rabaisse, qu'on vous parle mal, ne laissez pas passer. Et dès le premier coup, il faut dire stop. Trop de victimes pensent que c'est une passage, que ça changera. Mais il, ou elle, d'ailleurs, ne changera jamais. Ca empirera jusqu'à la mort. Un jour ou l'autre, soit vous partirez, soit vous le ou la tuerez pour protéger vos enfants, soit vous en mourrez. C’est comme ça. Il faut partir. Et il faut dénoncer.

Pourquoi si peu de gens sautent le pas ?
R : C’est très difficile d’aller au bout d’une procédure, on nous met plein de bâtons dans les roues. On se sent jugée, on nous fait comprendre que c’est de notre faute, que c’est nous qui sommes à l’origine de tout. Alors, déjà, ne serait-ce qu’en parler à quelqu’un, c’est difficile.

Mais vous, vous l’avez fait…
R : Ca ne s’est pas fait en un jour. Il n’avait jamais été violent avec moi, jusqu’à ce matin-là. Le jour où il a levé la main sur moi, c’était sûr, on avait franchi un point de non-retour. Mais je ne savais pas ce que j’allais faire. J’avais dans l’idée de régler mon problème seule au départ, de le chasser de chez moi. Dieu merci, le personnel hospitalier, le médecin, les infirmiers, m’ont incité à parler. Eux étaient là pour m’écouter.

Et tout c’est enclenché à partir de là ?
R : Disons plutôt que c’est là que le parcours du combattant a débuté. Après que je me suis confié à eux, une juriste du CIDDF, le centre d’information sur les droits des femmes et des familles, m’a contactée et m’a indiqué les procédures à suivre.

L'aide juridictionnelle est systématique dans ce genre de cas.

Maître Dominici-Campagna

Maître Dominici-Campagna : Ensuite, elle a pris contact avec moi. Il faut bien préciser que l’aide juridictionnelle est systématique dans ce genre de cas. Il ne faut pas hésiter à aller voir un avocat, même si l’on a des problèmes d’argent. Il faut une prise en charge très vite. C’est très grave, des faits pareils. Je l’ai envoyée à la gendarmerie, qui ne voulait pas prendre sa plainte. Alors j’en ai rédigé une moi-même, que j’ai déposée directement auprès du parquet. Il ne fallait pas perdre de temps, on redoutait qu’il reparte sur le continent, ou en Tunisie, et que l’on perde sa trace. Rose est retournée à la gendarmerie, cette fois elle a été auditionnée, et ils ont mis son mari en garde à vue. Elle a porté plainte pour viol et violences, deux plaintes qui venaient s’ajouter à la mienne.

Un rapport sexuel pour violence, contrainte, menace ou surprise, c'est un viol. Mariée ou pas.

Rose

C’était enfin sur les rails…
Maître Dominici-Campagna : Pas vraiment. Ils ont poursuivi uniquement pour les violences, et il n’en était pas question ! On a demandé au juge de la comparution immédiate d’ouvrir une instruction pour approfondir la question du viol, et c’est ce qu’il a fait. Le conjoint a été placé sous mandat de dépôt le temps de l’instruction. Et quatre ans après, il a été condamné à 12 ans de réclusion par les assises.

Vous voulez être un exemple, Rose ?
Rose : Je veux juste dire aux victimes que je sais ce qu’elles vivent, et qu’il faut qu’elles trouvent le courage de faire quelque chose. Pendant longtemps on peut rester dans le déni. C’est un mécanisme de survie. C’est tellement douloureux que parfois on arrive à se convaincre que ce n’est pas à soi que c’est arrivé. C’est pour ça qu’il faut marteler que le viol par conjoint, ça existe. Hier, une ex a témoigné, en visioconférence. Et c’est là qu’elle a réalisé qu’elle a été violée ! Elle nous a dit « moi ce n’est pas comme Rose, je n’ai pas été violée. Je couchais avec lui parce que j’avais peur qu’il me frappe. Une fois il m’a sodomisée alors que je ne voulais pas. Et une autre fois, il m’a pénétrée pendant que je dormais ». Si ça ce n’est pas du viol ! C’est très simple, et c’est primordial de le répéter : un rapport sexuel par violence, contrainte, menace ou surprise, c’est un viol. Mariée ou pas.    

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