"Cet été, je redécouvre mon île", annonce un groupe Facebook qui compte plus de 13.000 membres. Ailleurs sur le web, une monnaie locale favorise le commerce insulaire. Les professionnels du tourisme savent que cet été, ils devront compter sur le tourisme corse.
C’est un mot anglais qui nous vient à l’esprit pour parler de cette initiative pourtant 100% locale : "buzz". Le 27 avril, Aurélie Ravier crée le groupe Facebook Cet été , je re-découvre mon île !, trois semaines plus tard, il compte près de 14.000 membres.
Le but : permettre aux professionnels du tourisme en Corse de faire connaître leurs établissements et aux particuliers de partager les lieux qu’ils aiment. En publiant leurs offres, les professionnels sont incités à faire un geste en faveur des résidents corses : réductions, petit-déjeuners gratuits ou panier apéritif, par exemple. "Mais il n’y a pas d’obligation à le faire", précise Aurélie Ravier.
Communicante de profession, elle consacre bénévolement 18 heures par semaine à "modérer" le groupe, à sélectionner les plus belles publications des particuliers et faire en sorte que seuls les professionnels du tourisme puissent promouvoir leurs actions, car ils risquent gros dans la crise qui s’annonce.
Promouvoir les établissements professionnels
"Je ne peux pas laisser passer tout le monde, sinon ça devient Le Bon Coin, justifie la créatrice du groupe, J’essaie de promouvoir de beaux établissements, des choses un peu insolites ou des guides qui ont de vraies valeurs." Sur les publications de particuliers à propos de balades où de lieux à voir, elle insiste : "On ne met pas la photo comme ça, on précise où c’est, c’est du partage avant tout."Pendant le confinement, Aurélie Ravier s’est beaucoup interrogée : "comment aider?" face aux difficultés que rencontre son île. Elle décidé de mettre à profit sa principale compétence : la communication.
"Il devait y avoir une attente puisque ça a pris comme une traînée de poudre", s’enthousiasme-t-elle. Si elle n’a pas une vision globale de ce que son groupe a apporté aux professionnels, certains, reconnaissants, lui ont apporté leur témoignage : "J’ai eu le cas d’un hébergement qui est passé de rien du tout et des annulation à un surbooking jusqu’à juillet !" Un restaurateur qui avait proposé des repas en drive avec 20% de réduction lui a dit avoir a fait sa meilleure soirée depuis deux et avoir gagné une nouvelle clientèle. "Il est hyper content et j’en suis hyper fière", relate-t-elle.
Dans un entretien au JDD ce dimanche, Jean-Baptiste Lemoyne, le secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur, du tourisme et de la francophonie encourageait le tourisme "affinitaire" et annonçait qu’une plateforme nationale serait mise en place par le gouvernement pour encourager les Français à visiter l’hexagone. Les Corses l’ont devancé !
Une monnaie locale pour encourager les transactions insulaires
Le projet de monnaie locale et virtuelle Corsicoin était dans les tuyaux depuis un moment mais il a été lancé il y a un peu plus d’une semaine, à la fin du déconfinement. "En réfléchissant à ce qu’on pourrait apporter pendant la crise, on a développé sur l’application un marketplace qui permet aux commerçants de créer gratuitement et simplement leur boutique en ligne", explique Guillaume Figlie, co-fondateur de l’application.Depuis, Corsicoin compte plus de 3000 utilisateurs particuliers. Ils peuvent payer environ 150 commerces et associations partenaires via l’application. "Tous ceux qui font de l’encaissement peuvent s’en servir. Qu’ils soient professionnels du tourisme, commerçants ou dans le secteur paramédical par exemple", détaille Guillaume Figlie.
Le principe est simple : télécharger l’application, charger son compte en euros. Les euros se "transforment" alors en Corsicoins, utilisables uniquement dans des commerces partenaires donc locaux. Pour retransformer ses Corsicoin en euros, il faut payer un taux de change de 1% : "Pour les commerçants par exemple, si leurs fournisseurs sont corses ils peuvent les payer directement via l’application avec l’argent encaissé pour leurs ventes, ils ne paient rien à l’application", précise Guillaume Figlie. Les utilisateurs, eux sont encouragés à utiliser l’application en gagnant des Corsicoins à chaque achat.Tous ceux qui font de l’encaissement peuvent s’en servir.
"Le but initial était de créer une monnaie locale, précise Guillaume Figlie, mais avec le confinement, on s’est dit que c’était le moment ou jamais de la lancer, avec un marketplace : cela donne de la visibilité aux commerçants qui l’utilisent, cela répond à un besoin d’hygiène car on peut envoyer de l’argent instantanément et à distance. Les hôteliers ou les locations de vacances peuvent être sur l’application et peuvent proposer des réductions pour capter un maximum de clientèle, donc notre application est tout à fait complémentaire avec une initiative portée sur le tourisme local."
Les initiatives portées par Aurélie Ravier ou Guillaume Figlie n’ont pas un but lucratif. Mais certaines agences de voyages ont compris que cette année, elles avaient intérêt à miser sur le local.
Il suffit de lire les commentaires sur les réseaux sociaux, d’écouter les conversations, pour comprendre que le tourisme local n’enthousiasme pas tous les Corses. Certains se sont sentis délaissés par les professionnels du tourisme et voient de l’opportunisme dans leur appel à voyager local.
Solidarité ou opportunisme ?
Pour la fondatrice du groupe Cet été je re-découvre mon île, l’enjeu, était justement "de recréer du lien entre les acteurs du tourisme et les insulaires parce que les Corse ont parfois l’impression d’être un peu négligés ou oubliés. Désormais certains me disent qu’ils sont contents d’avoir accès à de beaux hôtels ou des accès insolites parce qu’en temps normal, c’est vrai que c’est soit plein soit pas dans leurs moyens."Pour elle, il y a plus de commentaires satisfaits que mécontents : "On dit souvent qu’on connaît moins bien notre île que les touristes et il y a peut-être une part de vrai là-dedans."Recréer du lien entre les acteurs du tourisme et les insulaires parce que les Corse ont parfois l’impression d’être un peu négligés ou oubliés.