Dans un entretien au JDD ce dimanche, le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne prône un tourisme local et annonce que la règle des 100 km pourrait être élargie de façon concentrique. Les professionnels espèrent au plus vite, dans le respect des règles sanitaires.
Pour cet été il y aura un tourisme "affinitaire assez important", annonce Jean-Baptiste Lemoyne, le secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur, du tourisme et de la francophonie dans un entretien au JDD ce dimanche. Cette expression, il l’a déjà utilisée, elle signifie pour la Corse "la venue des habitués et de la diaspora", déclarait-il à nos confères de Corse-Matin.
Car pour le Secrétaire d’Etat, l’île ne peut pas espérer davantage pour l’instant. "Même si l'aérien est indispensable, pour des destinations insulaires comme la Corse ou les outre-mer, les Français privilégieront sûrement les déplacements en train ou en véhicules individuels", juge-t-il ce dimanche.
La zone des 100 km que nous sommes autorisés à parcourir depuis le 11 mai devrait s’élargir progressivement "de façon concentrique" à partir du 2 juin, détaille-t-il."Même si l'aérien est indispensable, pour des destinations insulaires comme la Corse ou les outre-mer, les Français privilégieront sûrement les déplacements en train ou en véhicules individuels."
La zone des 100 km élargie de façon concentrique
Dans cette perspective, la Corse pourrait-elle accueillir des touristes ? Rappelons que la règle des 100 km ne permet même pas de se déplacer dans l’ensemble de l’île. De là à pouvoir espérer une liaison avec le continent...Si le gouvernement souhaite créer une plateforme pour encourager les Français à opter pour le tourisme local, les Corses, eux, se sont déjà organisés. Le groupe Facebook créé par la communicante bénévole Aurélie Ravier "Cet été, je re-découvre mon île !" compte déjà plus de 12.000 membres. Des professionnels du tourisme y proposent par exemple des offres spéciales pour les résidents corses, certains membres viennent simplement ajouter des photos de paysage ou de balade qui pourraient inspirer les touristes locaux.
"J’ai créé ce groupe en me disant que cet été il y aurait peu de tourisme et que nous, nous [les Corses, ndlr] allions peu bouger", explique la fondatrice du groupe. Restaurateurs en drive, bergeries... Certains professionnels ont vu leurs réservations en large hausse après s’être fait connaître sur ce groupe.
Mais pour Alain Venturi, président de la Fédération Corse de l’Hôtellerie de Plein Air, la perspective d’un tourisme uniquement local équivaut à "pas de touriste du tout". "Avec une population de 300.000 habitants sédentaires vous ne pouvez pas avoir un tourisme important, c’est logique."
"Il faudrait envisager de neutraliser la distance qui nous sépare du continent", juge-t-il. Car pour l’heure, la plupart des réservations qu’Alain Venturi enregistre dans ses quatre structures de la côte orientale provient du continent. En l’absence d’annonces officielles contraires, il continue à les enregistrer dans l’espoir de relancer son activité durant la saison estivale après avoir "perdu les avant-saison".
Pour ce qui est de la levée des mesures de restriction de circulation au sein de l'Union européenne, il faudra attendre "encore plusieurs semaines", annonce le Secrétaire d’Etat chargé du tourisme. "Cette question sera à l'ordre du jour de la réunion avec les Ministres du tourisme de l'UE à laquelle je participerai mercredi prochain."
La saison estivale pourrait débuter le 21 juin
Dans son entretien au JDD, Jean-Baptiste Lemoyne espère que la saison d’été sera lancée dès le 21 juin, et que "le maximum de lieux soit accessible". "Peut-être même avant si les conditions sanitaires le permettent". Le secrétaire d’Etat envisage aussi de prolonger, si possible, la saison.
"On peut largement déborder en octobre", répond Alain Venturi, même dans l’hébergement de plein air. "Nous faisons déjà des saisons de plus de six mois."
Concilier tourisme et mesures sanitaires
Reste une autre question : comment espérer étoffer l’offre touristique sans risquer de propager le virus ?On se rappelle que la Collectivité de Corse s’est prononcée en faveur d’un "Green pass", qui contraindrait les voyageurs venant sur l’île à présenter un test négatif au Covid-19.
Le gouvernement a pour sa part évoqué la possibilité de placer en quarantaine ceux qui visitent la Corse. Mais en l’absence de reprise notable de l’épidémie, le Préfet de région a déclaré qu’il n’en était pas question pour l’instant.
Une charte dans l'hôtellerie-restauration
Dans l’hôtellerie-restauration, des protocoles sanitaires sont mis en place avec l’aide des professionnels du secteur. Les mesures préconisées vaudront pour le personnel et les clients."On nous a dit ‘vous pouvez rester ouvert’ mais avec une sorte de flou juridique : en cas de maladie, qui est responsable du personnel, quels sont les moyens qu’on doit leur donner ou pas ?", explique Benoît Chaudron, hôtelier à Porticcio.
Son établissement fera figure de site pilote pour l’établissement d’une charte qui sera ensuite distribuée à l’ensemble des établissements.
"Pour nous l’idée était de dire ‘on va essayer d’accompagner les gens avec le maximum de préconisations’, précise Benoît Chaudron, parce que tous nos hôtels sont différents. Entre un hôtel de 30 chambres, un hôtel de 500 chambres, c’est totalement différent dans les protocoles."
Dans son hôtel, les clients paient désormais à l’avance. Ils annoncent leur heure d’arrivée pour ne pas avoir à stationner dans le hall et se tiennent à distance du réceptionniste, qui prend soin de désinfecter l’ensemble de son espace de travail à sa prise de poste.
"Dans les chambres on a fait disparaître le plateau de courtoisie avec la bouilloire, le thé, le café et tout ce qui était petits produits d’accueil, pour qu’il ne puisse pas y avoir de transmission entre les clients. Une fois que la femme de ménage rentre, la chambre a déjà été aérée 3-4 heures", précise Benoît Chaudron.Dans les chambres on a fait disparaître le plateau de courtoisie avec la bouilloire, le thé, le café et tout ce qui était petits produits d’accueil, pour qu’il ne puisse pas y avoir de transmission entre les clients.
L’enjeu, c’est aussi de rassurer la clientèle qui pourrait craindre, à la sortie du confinement, de retrouver des espaces communs dans les hôtels ou restaurants.
Le tourisme en Corse, un enjeu de taille
L’enjeu est de taille lorsqu’on sait que la Corse compte 451 hôtels (dont 53% ouverts à l’année), 344 Villages de Vacances et Résidences de Tourisme, et des milliers de Meublés de Tourisme. Le tourisme représente en moyenne 31% du P.I.B, soit 2,5 milliards d’euros par an. Il génère 10% des emplois, soit 8 000 équivalents temps plein, et jusqu’à 20 000 emplois en juillet et août, au plus fort de la saison.La baisse de l’activité touristique fait craindre des conséquences pour d’autres domaines comme l’agriculture ou les commerces.