Vin : ce nouvel étiquetage qui divise les vignerons corses

À partir du 8 décembre 2023, de nouvelles règles d’étiquetage des vins entreront en vigueur. Objectif : apporter plus de visibilité aux consommateurs. Si les contours du texte demeurent encore flous, il suscite déjà des réactions. Tour d’horizon.

Son opacité et sa technocratie sont souvent pointées du doigt…

Mais, avec cette nouvelle disposition, la commission européenne de Bruxelles trouve un écho favorable chez Antoine Guelfucci, vigneron cortenais.

La volonté de l’institution : apporter plus de lisibilité à la production viticole.

Cela va se traduire, à partir du 8 décembre prochain, par l’affichage obligatoire de la valeur nutritionnelle et de la liste des ingrédients entrants dans les vins sur l’étiquette des bouteilles.

Pour le client, ce sera un gage de propreté du vin

Antoine Guelfucci

« C’est une opportunité car cela va donner une indication au client de ce qu’il va boire, confie-t-il d’emblée. Nous risquons d’étonner car, pour notre part, nous mettons une très faible quantité de sulfites dans notre vin. »

À la tête d’un petit domaine de 3 hectares, le seul dans la cité universitaire du centre corse, Antoine Guelfucci est un fervent défenseur du bio. Sa production reste relativement faible, elle oscille autour de 10.000 bouteilles par an.

« Pour le client, ce sera un gage de propreté du vin. Cela va permettre de justifier la différence de prix entre les vins puisque la propreté fait aussi le produit. Pour nous, bien que notre démarche soit connue, il n’y a aucune contrainte, il s’agit d’une garantie pour le client»,  explique-t-il.

« Plus une contrainte qu’une opportunité »

En revanche, sans surprise, ce point de vue n’est pas partagé par tous les professionnels du vin.

Ceux qui produisent une quantité importante seront les plus affectés.

« Pour nous, c’est plus une contrainte qu’une opportunité mais nous nous y plierons… », indique Pierre-Michel Tardy, directeur général de l’Union des vignerons associés du Levant (UVAL).

Basée à Borgo, cette coopérative compte 40 vignerons répartis sur la côte Est de la Corse, couvrant environ 900 hectares de vignes. Chaque année, ce sont 2 millions et demi de bouteilles qui partent à la vente.

Désormais, il faudra mentionner, évidemment outre la quantité de raisin, les additifs, conservateurs et autres régulateurs d’acidité… Devra figurer sur l’étiquette tout ce qui représente plus de 2% du produit fini. Des noms parfois barbares pourraient faire leur apparition dans la liste des ingrédients.

« Peut-être qu’il y a des personnes qui vont découvrir des produits, mais il n’y a pas tant que cela, vous verrez… Un peu de transparence, ce n’est pas un problème», poursuit Pierre-Michel Tardy.

Interrogé sur l’image qui entoure parfois les coopératives concernant l’ajout, en quantité, de produits, le directeur général de l’UVAL n’élude pas la question.

« Nous sommes plus contrôlés par les autorités que les petites caves particulières. Les produits à ne pas mettre, nous ne les mettons pas. Il faut relativiser concernant les produits ajoutés dans le vin », affirme-t-il sans détours.

Pour faire figurer ces nouvelles mentions obligatoires, deux possibilités sont proposées : soit faire apparaître la déclaration nutritionnelle sur la contre-étiquette, soit utiliser un QR-code sans possibilité d’en faire un usage commercial. En clair, un élément de plus à intégrer sur des étiquettes déjà relativement chargées…

Le casse-tête du design

« Encore une obligation supplémentaire… Ca bride la créativité », soupire Marie Maestrali. La jeune femme est à la tête d’U Vinu Sacru, une entreprise de communication agricole avec laquelle travaille plus d’une dizaine de vignerons.

On en a entendu parler, on ne savait pas que c’était acté

Marie Maestrali

« On en a entendu parler, on ne savait pas que c’était acté. Il faut déjà faire figurer toutes les obligations légales. Quand vous les mettez toutes, il ne reste plus beaucoup de place… » ajoute avec dépit celle qui, par ailleurs, est également Présidente des Corsican Business Women. Elle craint que cela tende vers une standardisation des designs des étiquettes.

La jeune entrepreneuse ne le cache pas, les vignerons qui travaillent à ses côtés sont dans le flou.

« Faudra-t-il payer des analyses supplémentaires du vin ? interroge-t-elle. Si tel est le cas, ce sera une donnée de plus à prendre en compte dans le coût de fabrication d’une bouteille… »

Deux ans pour se conformer

Pour faire face à cette nouvelle charge financière, les vignerons insulaires pourront compter sur le soutien du Groupement Intersyndical des AOC de Corse, plus communément appelé GIAC.

« Notre cœur de métier, c’est d’accompagner les professionnels pour mutualiser les coûts. Les analyses nécessaires pour établir la déclaration nutritionnelle sont différentes de celles réalisées aujourd’hui», avance Nathalie Olmeta-Pierrini, sa directrice. L’instance regroupe la totalité des vignerons de l’île.

Les contours de cette nouvelle disposition, dont l’entrée en vigueur est prévue dans 9 mois, restent à préciser par la commission européenne. Mais l’institution a d’ores et déjà annoncé qu’elle fera preuve de souplesse puisque les vignerons disposeront de 2 ans pour s’y conformer.

« Il y a un gros buzz autour de ce problème d’étiquetage des vins, considère Nathalie Olmeta-Pierrini. Tout n’est pas encore bien bordé mais on ne ressent pas d’inquiétude chez les vignerons. »

Une des craintes de la profession concernait les bouteilles étiquetées antérieurement à cette disposition. Elles seront exemptées. Un soulagement de l’aveu de certains.

Quant à l’impact commercial de cette nouvelle mention ? « Pas de quoi bouleverser les choses en Corse… », prédit Nathalie Olmeta-Pierrini. In vino veritas.

L'info en plus :

Comment calculer la valeur énergétique d’un vin ?

À ce jour, les lignes directrices de la Commission Européenne n’ont pas été précisées. Trois options sont sur la table : le calcul par des coefficients de conversion en partant de la teneur en alcool et en sucres d’un vin, l’utilisation de données acceptées par le secteur ou bien une analyse en laboratoire pour tous les paramètres.

Retrouvez le reportage de Pierrick Nannini et Enzo Giugliano :

durée de la vidéo : 00h04mn40s
Nouvel étiquetage des vins ©P. NANNINI - E. GIUGLIANO / FTV

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