Un troisième terroir de pinot noir reçoit l’appellation AOC Alsace Grand Cru : le Vorbourg, qui s’étend sur Rouffach et Westhalten. Pour la famille Muré, c’est l’aboutissement d’un long combat pour la reconnaissance de leur vin rouge et une avancée pour le pinot noir alsacien.
“Couleur rubis violacé sur sa jeunesse puis tuilé en vieillesse. Tanins élégants, belle structure, tout en gardant sa délicatesse et sa légèreté. De l’ampleur sur l’attaque et une belle longueur en bouche.” À partir de la récolte 2024, il répondra au nom de pinot noir Grand Cru Vorbourg. Après le riesling, le gewurtzraminer, le pinot gris et le muscat, l'apellation s'ouvre donc à un nouveau cépage. La famille Muré, avec les autres producteurs du terroir haut-rhinois, y travaille d’arrache-pied depuis des décennies. “Il a fallu prouver que le pinot noir du Vorbourg est un cépage local, loyal et constant. On a retrouvé des écrits du 18ème siècle qui parlent du rouge de Rouffach.”
Sur ce sol calcaro-gréseux du Vorbourg orienté sud/sud-est, le pinot noir se sent bien. “Les anciens sentaient ces choses-là. Maintenant, il y a des études scientifiques qui le prouvent.” Du côté de l’Association des Viticulteurs d’Alsace (AVA), qui participe à l’attribution de l’appellation, tout était réuni pour le grand cru du Vorbourg. La cartographie précise des sols, le respect des règles de production et la juste dégustation finale de l’été dernier. “Avec le changement climatique, la maturité des raisins est plus importante et la récolte avancée permet de conserver une belle acidité”, note Gilles Ehrhart, président de l’AVA.
Le chemin vers la reconnaissance
“Notre père avait commencé les démarches dans les années 80”, raconte Véronique Muré. A l’époque les rouges d’Alsace n’étaient pas très reconnus. “Le pinot noir était le grand oublié des grands crus, on n’y apportait pas l’attention nécessaire”, précise Thierry Fritsch, œnologue au CIVA (Conseil Interprofessionnel des Vins d'Alsace). Pour la famille Muré, il était impératif d’avancer collectivement. “Avec les autres producteurs du terroir, on a défini notre propre cahier des charges. Plus de pieds, moins de rendements par hectare de vignes (40 hL/ha maximum). Ça rend le vin plus dense, plus concentré. On a travaillé sur la qualité, pas la quantité.”
Synonyme de prestige, une telle distinction s’accompagne aussi d’une reconnaissance plus large des vins rouges d’Alsace. “À l’export, on suit les vins d’Alsace. On me parle du pinot noir de Vorbourg en Chine, aux Etats-Unis. L’appellation était très attendue”, assure Thierry Fritsch. Il colle aussi aux nouvelles tendances de consommation. “On assiste à une montée en puissance des vins frais, fruités, précis. Le pinot noir est un très bon représentant de ces tendances.”
L'Alsace compte 51 grands crus dont désormais trois ouverts au pinot noir après le Hengst et le Kirchberg en 2022. “C’est un cépage délicat. Il a besoin de beaucoup d’attention et de précision. Cette appellation, c’est la validation que le pinot noir d’Alsace est un grand vin.”