Du raisin jusqu'à plus soif, les artistes de l'École de Nancy savaient apprécier les bonnes choses

Aimer la nature et ses bienfaits. C'était le point commun des artistes de l'École de Nancy. Aussi la vigne, le raisin et le vin ont fait partie de leur palette artistique.

L'École de Nancy est à la fois un courant artistique et industriel qui connut ses heures de gloire à la Belle Époque, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Il apparut après la guerre de 1870 et se développa jusqu'à la guerre de 14-18. Il fait partie intégrante de l'Art Nouveau.

Un brin de botanique

Voici une goulée d'ampélographie. Si, comme moi, vous ignorez tout de cette discipline, sachez qu'elle se trouve à la jonction entre la botanique et l'œnologie. Elle traite des cépages de vignes. La vigne appartient à la famille des vitacées ou ampélidacées. C'est une espèce grimpante et caduque. Elle possède un système de racines très développé et peut ainsi s'installer sur des terrains pauvres. Il existerait plus de 6.000 cépages dans le monde.

Une touche artistique

Une fois n'est pas coutume, commençons par des œuvres légèrement postérieures à la période qui nous occupe depuis le début de l'année. Le mouvement École de Nancy s'est éteint avec la Première Guerre mondiale. Les ateliers Daum ont résisté et créent cependant encore. Leurs œuvres prennent un tournant plus sobre en matière de décor, moins voluptueux et définitivement Art Nouveau, voire Art Déco. J'avoue un coup de cœur pour ce vase rond de 1923.

 Les décors se font alors moins chargés.

Mais revenons à la période qui nous occupe, celle de l'École de Nancy, qui couvre une trentaine d'années depuis la décennie 1880 jusqu'en 1914. Ce qu'on a appelé plus largement dans l'Europe entière la Belle Époque. Celle où les industries se multiplient, où les conditions de vie se modernisent, où les colonies enrichissent les pays d'Europe. Une époque où tout semble possible, imaginez l'ambiance : l'automobile commence à remplacer les voitures à cheval, les premiers aviateurs deviennent des héros pour toute la population ; C'est la diffusion de la photographie, puis bientôt du cinéma en 1895. La révolution est industrielle, mais aussi culturelle. La modernité se diffuse peu à peu et les esprits éclairés, comme ceux des industriels de l'École de Nancy ou Alliance Provinciale des Industries d'Art la revendiquent pour tous. On crée des objets à la fois beaux et en grande quantité, pour embellir le quotidien d'abord des notables, mais en espérant une diffusion plus large. 

Les ateliers verriers rivalisent de technicité.

 

 

Pour changer des vases et autres objets purement décoratifs, voici un petit encrier, ustensile disparu de nos tables, au charme désuet.

Où l'on retrouve la maîtrise du vitrail chez Jacques Gruber, dans cette œuvre exposée au Musée de l'École de Nancy, "Luffas et Nymphéas", conçue entre 1907 et 1908.



Une mise en bouche 

Si l'on parle de vigne, on pense au raisin bien sûr, mais surtout au vin. Ce que ne manquèrent pas de figurer les artistes de l'École de Nancy. Voici des panneaux peints par Francis Jourdain, qui se trouvent en frise murale, juste sous le plafond de la salle à manger de la Villa Majorelle. L'artiste y a représenté la basse-cour et des arbustes à fruits. Une nature vivante et bonne à déguster.

Après les décors muraux, il faut songer aux contenants : voici quelques exemples de cruches ou carafes aux décors de raisins.



Et une fois encore, laissez-moi vous présenter une jeune fille en fruit d'Alphons Mucha.

Une cuvée bonus

À travers Mucha, voici une transition toute trouvée pour évoquer une autre dimension de l'École de Nancy et plus largement de l'art Nouveau, je veux parler de l'art graphique au service du commerce. N'oublions pas que nos artistes artisans vivent de leurs productions et qu'ils doivent les mettre en valeur. Au même titre qu'ils décorent les façades et les intérieurs des magasins, comme les pharmacies dont nous avons déjà parlé, ils créent des affiches publicitaires pour leurs propres besoins et pour d'autres commerçants ou services. Des affiches sont commandées par les chemins de fer de l'Est, ou par les grands magasins de la ville de Nancy.

Ou valorisent leurs propres expositions, parce qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même : 



 

En point d'orgue, signalons les affiches des expositions internationales. Ainsi, celle de Nancy en 1909, qui dura six mois et mis à l'honneur tous les artistes et commerçants de Nancy, dans un décor de maisons alsaciennes, au cœur du parc Sainte-Marie. Il en reste d'ailleurs une de nos jours, seul vestige de cette glorieuse époque. Mais imaginez un peu l'événement que cela constituait. Le catalogue des exposants compte 200 pages. L'exposition aurait accueilli 2.400.000 visiteurs.

On peut y lire en introduction : "Nancy est en fête. L'Exposition internationale de l'Est de la France s'est ouverte à la date fixée. Dans un parc splendide et des palais richement décorés, se tient, six mois durant, l'une des plus belles expositions provinciales que l'on n'ait jamais vues." Plus loin : "Les promoteurs, hommes de bonne volonté et de progrès, animés du plus vif patriotisme, ont su s'inspirer des traditions d'art et d'élégance qui ont fait de l'ancienne capitale de la Lorraine, une ville coquette et séduisante entre toutes ; mais ils ont voulu, aussi, montrer que la région de l'Est, si souvent et si durement éprouvée au cours de l'histoire, a rétabli sur des bases nouvelles et durables sa prospérité matérielle et son prestige.".

C'est dire l'enthousiasme et le dynamisme inoculé par les acteurs de l'Alliance Provinciale des Industries d'art. S'ensuit une litanie des industries florissantes de Lorraine : La production du minerai de fer, les usines d'acier qui produisent alors 1.400.000 tonnes d'acier pour la métallurgie, avec à Lunéville par exemple la production de wagons et d'automobiles. Vient ensuite la production de sel, qui représente la moitié de la production nationale d'alors. Puis le textile, les vêtements, les chapeaux, les chaussures et la dentelle. Et enfin toutes les industries du verre, de sculpture, de céramique de l'école de Nancy. Sans oublier, la cristallerie de Baccarat, les faïenceries de Lunéville, Toul et Longwy. Les industries alimentaires ne sont pas en reste avec les meuneries et les brasseries, les confiseries, les biscuiteries. Et enfin le papier et les imprimeries qui nous permettent de retomber sur nos pattes du graphisme et des affiches. Un territoire qui possède un tissu industriel complet. De quoi se sentir fier et orgueilleux.

Notons que lors de cette exposition, la part belle est faite également aux régions limitrophes et aux provinces des colonies. Les producteurs de Champagne, qui connaissent le même essor, à la même époque, sont bien sûr présents sur l'exposition.

Les maisons de Champagne vont reprendre à leur compte ce principe d'affiches publicitaires. Elles connaissent à cette époque (1880-1914), elles aussi un succès phénoménal, aussi bien dans la bonne société que dans les familles qui commencent à arroser les anniversaires avec le précieux breuvage. Ce ne sont pas les graphistes de l'École de Nancy qui vont dessiner ces affiches publicitaires, qu'on retrouve dans les revues à la mode et sur les murs d'affichage. D'autres dessinateurs du courant Art Nouveau s'illustrent alors sur l'affiche de propagande, tel que le tchèque Alphons Mucha cité plus haut. (Les chocolatiers et biscuiteries suivent le mouvement, mais on ne peut pas tout répertorier !). Voici donc quelques exemples d'affiches de Pierre Bonnard, Alphons Mucha ou encore d'Hingre. (Pour plus d'infos sur les artistes et le champagne).

La traditionnelle planche botanique revisitée par Florence Houvet. 

Article initialement publié le 17 septembre 2021.

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