Maladie "neurodégénérative", Alzheimer touche plus de 35 millions de personnes dans le monde. Un nombre qui devrait selon l'Organisation mondiale de la santé presque doubler tous les 20 ans. Sans traitement curatif, Alzheimer est la source de nombreuses craintes pour certains.
"C'est quand les personnes âgées ont du mal à se souvenir de qui on est ou même de qui ils sont, c'est ça ?" Assise avec ses amies sur un muret à proximité de son établissement scolaire, Livia, collégienne, hausse les épaules, un peu désolée.
Alzheimer, elle en a déjà entendu parler dans des magazines ou au journal télévisé, mais sans y prêter grande attention. "C'est connu, mais moi je ne connais personne qui en est malade. Alors je sais que ça attaque la mémoire, mais c'est tout..."
Entre 7500 et 8500 malades en Corse
La maladie n'est pourtant pas rare : en France, on estime que plus d'1,2 million de personnes en sont atteintes. 225.000 diagnostics sont posés par an - soit près de 616 nouveaux cas par jour -. Pourtant, une personne sur deux seulement serait diagnostiquée.
Plus inquiétant encore, le nombre de personnes malades, à échelle mondiale, devrait être multiplié par trois d'ici 2050, du fait d'une croissance de cas dans les pays à revenu faible et intermédiaire, selon l'Organisation mondiale de la santé.
En Corse, ils seraient entre 7500 et 8500 malades, indique le docteur Marie-Pierre Pancrazi, coordinatrice du Centre régional de mémoire, et vice-présidente de l’association Corse Alzheimer. Une estimation réalisée à partir "de statistiques INSEE sur la démographie de la population, croisées avec des études épidémiologiques".
Découverte en 1906, Alzheimer est un type de démence qui provoque des troubles de la mémoire, de la pensée et du comportement. Une maladie "neurodégénérative" qui aboutit jusqu'à la perte d'autonomie du malade, et pour laquelle il n'existe à ce jour aucun traitement curatif.
Une maladie qui fait peur
"Moi, ça me terrifie", avoue Sonia, la cinquantaine. Mère de deux enfants, elle raconte avoir découvert la maladie d'Alzheimer non pas par le biais de proches ou de médecins, mais d'une série télévisée bien connue, abordant le quotidien de personnels médicaux au sein d'un hôpital américain. "Dans Grey's Anatomy, la mère de Meredith, le personnage principal, est atteinte d'un Alzheimer précoce qui fait qu'elle n'est plus capable de prendre soin d'elle-même, oublie des années entières de sa vie, et doit être hospitalisée. Ça m'a fait beaucoup réfléchir sur ce qui se passerait pour moi s'il m'arrivait pareil, ou si mon mari en était atteint."
"Quand j'oublie quelque chose, où j'ai du mal à me souvenir de quelqu'un, j'ai toujours une petite voix dans ma tête qui me dit : ça y est, c'est mon tour."
Des craintes qui n'ont fait que se démultiplier avec le diagnostic, il y a maintenant quatre ans, de sa tante. "Elle n'avait que 68 ans quand on l'a découvert, et à chaque fois que je la vois maintenant, j'ai l'impression qu'elle ne fait que chuter. Il y a des jours meilleurs que d'autres, mais c'est une pente descendante qui ne remontera jamais, on a juste l'impression d'essayer de lutter avec l'inclinaison."
Sonia admet "en avoir fait des cauchemars". "Quand j'oublie quelque chose, où j'ai du mal à me souvenir de quelqu'un, j'ai toujours une petite voix dans ma tête qui me dit : ça y est, c'est mon tour."
Cette mère de famille n'est pas seule à avoir peur de la maladie d'Alzheimer : une étude Ipsos de 2017 faisait état de 66 % des Français craignent d'en être un jour atteints, notamment parmi les plus jeunes (18-24 ans) : 71 %.
La maladie d’Alzheimer est la 2ème maladie la plus crainte des Français (20%), derrière le cancer mais devant le SIDA et à égalité avec l’AVC.
35% des Français estiment qu’ils ont un risque important d’être un jour atteints par la maladie. La maladie d'Alzheimer est d'ailleurs la deuxième maladie la plus crainte des Français, derrière le cancer.
Des cas parfois très précoces, mais peu communs
Les Alzheimer jeunes, c’est-à-dire avant 65 ans, existent bien : les autorités sanitaires recensent quelque 33.000 cas d'Alzheimer et maladies apparentées chez les moins de 65 ans en France, dont 5.000 de ces nouveaux patients âgés de moins de 60 ans, et 5.000 nouveaux jeunes malades diagnostiqués chaque année. La maladie peut ainsi se développer même avant 30 ans. Le plus jeune cas à ce jour avait 19 ans quand le diagnostic a été posé.
Dans ces cas précis, un facteur héréditaire peut rentrer en compte, indique Marie-Pierre Pancrazi. "Pour ces familles qui sont touchées très tôt dans la vie, on va retrouver des facteurs génétiques".
Reste que les diagnostics d'Alzheimer précoce sont très rares, et ne représentent qu'une toute partie de l'ensemble des cas répertoriés. Pour l'immense majorité, les patients atteints ont plus de 65 ans. Les premiers symptômes de la maladie apparaissent généralement autour de 73 ans, indique l'association France Alzheimer, et la propension de personnes atteintes croît ensuite d'années en années.
"Si ma mère a la maladie d'Alzheimer à 80 ans, cela ne veut pas dire que je vais forcément l'avoir aussi."
Dr Marie-Pierre Pancrazi
"Nous avons des études épidémiologiques de cohortes [population de sujets qui répondent à une définition donnée et qui sont suivis dans le temps, ndlr] qui nous disent qu'à 60 ans, 0,4 % de la population est affectée, quand à 90 ans et plus, c'est 46 %", détaille le docteur Marie-Pierre Pancrazi.
Enfin, précise le docteur Pancrazi, si un facteur héréditaire peut rentrer en compte pour les Alzheimer précoces, "pour ces familles qui sont touchées très tôt dans la vie, on va retrouver des facteurs génétiques", ce n'est pas représentatif de l'essentiel des déclenchements, souligne-t-elle. "Concrètement, si ma mère a la maladie d'Alzheimer à 80 ans, cela ne veut pas dire que je vais forcément l'avoir aussi."
"On participe à une stigmatisation du problème, qui reste en définitive un peu tabou"
Comment alors tenter de prévenir la maladie d'Alzheimer ? Certains facteurs de risque sont non modifiables, à savoir l'âge et une possible prédisposition génétique. Mais d'autres points qui peuvent influer peuvent être travaillés : "l’hypertension artérielle, le diabète, le tabac, l’obésité et la sédentarité", liste le docteur Marie-Pierre Pancrazi.
Qui insiste pour conclure sur un point : "Il y a cette idée qu'une fois qu'une personne est malade, on ne peut plus rien faire, que c'est terminé. Et cela, c'est terrible, parce qu'on participe à une stigmatisation du problème, qui reste en définitive un peu tabou. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas trop tard, on a des études de plus en plus nombreuses qui montrent qu'il y a des facteurs de prévention, mais aussi après d'autres de stimulations, comme apprendre de nouvelles choses, voyager, tout ce qui va finalement stimuler les neurones."
La vie ne s'arrête pas après Alzheimer, et rester actif et entouré reste, à ce jour, le meilleur moyen de freiner la progression de la maladie.
Alzheimer, comment reconnaître les premiers symptômes ?
L'Alzheimer's Association liste sur son site 10 signes ou symptômes qui doivent alerter, et méritent une consultation chez un médecin pour en déterminer la cause. Il s'agit :
- De pertes de mémoire qui perturbent la vie quotidienne : l'oubli d'informations récemment apprises, ou de dates et d'événements importants...
- De difficulté à planifier ou résoudre des problèmes : difficultés de concentration ou plus de temps nécessaire pour accomplir certaines tâches...
- Des difficultés à exécuter des tâches familières à la maison, au travail ou durant les loisirs ;
- Des confusions avec le temps et le lieu ;
- Des difficultés à comprendre les images et les relations spatiales ;
- Des nouveaux problèmes d'expression orale et écrite ;
- La perte d'objets ou de capacité à reconstituer un parcours ;
- Un jugement amoindri ;
- Un retrait du travail ou des activités sociales ;
- Des changements d'humeur ou de la personnalité.