Elle ne mesure que trois millimètres mais elle est un véritable fléau pour les jardins et les arbres fruitiers. La fourmi Tapinoma Magnum fait partie des 200 espèces animales invasives présentes en Corse. On a tous une astuce pour tenter de s'en débarrasser, et si la solution était plutôt de la domestiquer ? Réponses de spécialistes dans le magazine "Empreinte Verte".
Invasif, exotique ou envahissant, trois adjectifs qui font beaucoup parler d'eux ! On les associe régulièrement à des espèces animales et végétales qui se répandent en dehors de leurs zones naturelles d'origine. Et le principal vecteur de cette invasion, c'est l'activité humaine, par le biais du transport de végétaux, de matériaux ou tout simplement par le déplacement des personnes. Aujourd'hui, en Corse, on dénombre 200 animaux invasifs et près de 20% de la flore est non indigène. Des chiffres qui montrent la progression de ces espèces envahissantes sur notre île. Les conséquences sont bien entendues environnementales (perturbation de l'écosystème), mais aussi économiques (incidence sur les cultures) ou sanitaires (vecteur de maladies).
Pour les végétaux, à ce jour pour la Corse, il y a 63 espèces exotiques envahissantes avérées et 340 potentiellement envahissantes
Yohan PetitConservatoire botanique de Corse
Ce sujet de préoccupation est au cœur des débats du magazine "Empreinte Verte" à voir ce mercredi 19 juin à 20h45 sur ViaStella. Différents scientifiques seront en plateau pour nous aider à mieux comprendre comment s’implantent et vivent ces espèces invasives sur notre territoire. La fourmi Tapinoma fait partie des espèces qui fait le plus parler d'elle de par sa prolifération et ses effets néfastes.
La Tapinoma Magnum en bande organisée ! Des super-colonies pouvant couvrir jusqu'à 20 hectares
Depuis quelques années, cette espèce de fourmi indigène de Méditerranée, venant principalement du Maghreb et de l'Italie, se répand à toute vitesse en Corse, devenant une espèce invasive. Elle gâche la vie des habitants en milieu rural tout en menaçant la biodiversité chez les invertébrés endémiques, comme les escargots du Ricantu.
Elle a la particularité de former ce qu’on appelle des super-colonies. Les reines de chaque colonie fonctionnent en totale collaboration les unes avec les autres et se mobilisent très rapidement pour conquérir un territoire pouvant atteindre plusieurs hectares. Cette super-colonie peut contenir plusieurs milliers de reines, la plus grosse colonie recensée en France mesure 20 hectares.
Un fléau qui a poussé certaines familles à fuir vers les villes afin d’éviter l’invasion de leurs domiciles. La fourmi Tapinoma Magnum est reconnaissable à son corps entièrement noir et à l’odeur de beurre rance des phéromones qu’elle dégage lorsqu’elle est écrasée ou se sent menacée.
Réchauffement climatique et insecticide favorisent la propagation de la fourmi Tapinoma
Présente du littoral jusqu’à 1.300 mètres d’altitude, cette fourmi a en partie été favorisée par le réchauffement climatique. En effet, ces dernières apprécient particulièrement les climats chauds et secs, elles ont petit à petit gagné du terrain jusqu’à se répandre dans les montagnes.
Mais ce sont également nos pratiques insecticides qui ont aidé à sa prospérité. En cherchant à l’éradiquer à l’aide de produits nocifs, nous avons perturbé l’équilibre des espèces et tué d’autres invertébrés. Plus résistante, la Tapinoma réapparaît chaque année, contrairement à ses concurrents.
Bêcher le sol l'hiver pour limiter l'invasion de la fourmi Tapinoma dans nos jardins.
L'éradiquer complètement semble donc impossible. Plusieurs méthodes ont été testées pour perturber sa reproduction. Comme l'utilisation de phéromones censées la repousser. Ces essais se poursuivent même si les premiers retours semblent peu concluants.
Il reste cependant des pistes prometteuses. L’une d’elles consiste à naturaliser nos espaces urbains et laisser les espèces s’équilibrer elles-mêmes. Sans intervention humaine sur la biodiversité, la Tapinoma peut encore être chassée par d’autres fourmis et invertébrés. Cependant, ce processus requiert du temps et supposerait que la Tapinoma continue à envahir nos jardins pendant quelques années.
On peut aussi attendre l’hiver pour laisser les populations se concentrer dans des lieux restreints et à faible profondeur. En bêchant le sol, nous allons les déranger et les contraindre à s'exposer au froid. Au printemps, les nouvelles reines se préparent à naître, l’occasion parfaite pour affaiblir les colonies avec une bêche et de l’eau savonneuse chaude.
Prochaines menaces : les fourmis de feu et électrique
Nous l'avons compris, la Tapinoma Magnum est bien implantée en Corse et n'est pas près de disparaître. Deux autres espèces commencent à inquiéter et pourraient prochainement arriver sur notre territoire. Il s'agit de la fourmi de feu (Solenopsis invicta) localisée en Sicile et la fourmi électrique (Wasmannia auropunctata) présente dans le Var. Comme la Tapinoma, elles peuvent rapidement devenir invasives. À l’inverse de cette dernière, elles piquent et provoquent une vive douleur, pouvant s'accompagner d'une réaction allergique. Pour agir avant que ces deux espèces ne prolifèrent, l'Office de l'Envrionnement de la Corse demande aux usagers et aux professionnels de leur signaler toute piqûre de fourmi douloureuse.
"Empreinte Verte : Espèces invasives, combattre, cohabiter ou domestiquer ?", à voir mercredi 19 juin à 20h45 sur ViaStella, disponible en replay sur France.tv
Les invités : Marie Cécile Andrei-Ruiz (Observatoire Conservatoire des Invertébrés de Corse), Cyril Berquier (Entomologiste OEC), Bernard Kaufmann, Professeur d’écologie, Université Claude Bernard Lyon 1, Yohan Petit (Conservatoire botanique de Corse), avec vous nous nous intéresserons aux végétaux invasifs, Marie Garrido, Office de l’Environnement de la Corse, Observatoire des zones humides de Corse.
Un article écrit en collaboration avec Antoine Zedda