La Corse, avant le Covid, était la région la plus pauvre de France. Dans quel état sortira-t-elle de la pandémie ? Les premiers indicateurs, sans surprise, sont alarmants. La nouvelle assemblée de Corse aura fort à faire pour essayer de relancer la machine économique.
La misère serait moins pénible au soleil, dit la chanson...
Reste à en convaincre les très nombreuses personnes qui vivent avec moins de 1080 euros par mois en Corse, la région la plus pauvre de France. Près d'1 Corse sur 5 vit sous le seuil de pauvreté, soit 18,5 % de la population. Dans certaines micro régions moins urbanisées de l'île, le rapport est de 1 sur 3.
On pourrait penser que cela est dû à la crise sanitaire mondiale sans précédent, qui a fortement frappé l'économie mondiale. Mais ce n'est pas le cas. Ces chiffres datent de 2018. La Corse est pauvre depuis bien avant l'apparition du Covid19.
La Collectivité de Corse et l'Etat ont donc demandé à l'INSEE de livrer un rapport sur la pauvreté sur l'île, en fonction de ses spécificités économiques et sociales. Histoire de commencer à se projeter dans l'après Covid. Et ses conséquences possibles.
Un après Covid préoccupant
A la suite du premier confinement, au printemps 2020, un quart des Corses avait déclaré une baisse de revenu, et, selon l'INSEE, les premiers indicateurs disponibles montrent déjà une augmentation des bénéficiaires des minima sociaux. Les chiffres les plus récents ne sont pas connus, mais on peine à imaginer qu'ils amorcent un changement de tendance, après un an de plus passé sur le même rythme.
Une radiographie rapide de l'économie insulaire l'explique aisément :
- L'île, on le sait, vit en grande partie du tourisme. Alors sans surprise, avec l'épidémie et les restrictions de déplacements, elle a connu la plus forte baisse d'activité des régions françaises. Le PIB de la Corse, dans lequel le tourisme pèse plus de 30 %, va en payer les conséquences.
Et les effets sur le revenu moyen risquent d'être spectaculaires. Parmi les bas salaires en Corse, on dénombre déjà énormément de personnes travaillant dans la restauration et l'hôtellerie, et plus généralement le secteur touristique, en raison principalement de la saisonnalité. Leur paupérisation risque de s'être accentuée au cours des derniers mois.
26,5 % des travailleurs indépendants de Corse sous le seuil de pauvreté.
- Il en va de même pour les travailleurs indépendants. Ils représentent un actif sur cinq en Corse. Et 97 % d'entre eux, ne pouvant continuer leur activité en télétravail, se sont retrouvés au chômage. L'INSEE rappelle que 26,5 % des travailleurs indépendants insulaires vivaient déjà avec moins de 1 080 euros par mois avant la pandémie...
- C'est tout le secteur privé, plus largement, qui a été gravement touché. La baisse des heures rémunérées, qui s'affiche à 11 % sur l'ensemble de la France, est de 20 % en Corse. Elle culmine même à 25 % en Balagne, ou dans l'extrême-sud, des régions dont l'activité économique est fortement liée au tourisme.
- Un dernier trait particulier de la pauvreté insulaire, qu'il conviendra de prendre en compte, c'est le cas des retraités.
La Corse est l'une des deux régions de France qui compte le plus de seniors. Et si, ailleurs dans le pays, la pauvreté touche plus les actifs que les retraités, c'est l'inverse en Corse. Sur l'île les seniors affichent un taux de pauvreté de 22 %, contre 15 % pour le reste de la population active.
La menace d'un basculement des ménages modestes
Les pauvres risquent d'être plus pauvres encore. Et ceux qui ne l'étaient pas pourraient le devenir, faisant un peu plus monter le taux de pauvreté de l'île. En effet, une personne est considérée comme pauvre lorsqu'elle se situe à 60 % du niveau de vie médian.
La catégorie au-dessus est qualifiée de "modeste". Elle doit composer, au quotidien, avec 60 à 90 % du niveau de vie médian.
Pour l'INSEE, "une perte de revenu, même limitée, notamment consécutive à une crise telle que l'actuelle, peut faire basculer certains ménages modestes sous le seuil de pauvreté".
En Corse, 26 % des ménages sont considérés comme modestes. Le calcul est vite fait...
Le temps des solutions
Le rapport de l'INSEE, dans une région où le taux de chômage était de 7 % en 2020, est préoccupant. A la CdC, les sortants ont mené une réflexion au sujet de la pauvreté insulaire depuis des années à travers u "pianu di lotta contr’a precarità è a puvertà". Et ces derniers mois, en raison de l'épidémie, avec le plan "Salvezzu è rilanciu".
L'après Covid sera le principal chantier économique de la nouvelle assemblée de Corse, et de son exécutif. Ils savent déjà qu'ils sont attendus au tournant. Et que le temps des solutions est désormais venu.