Depuis le 28 novembre dernier, la SNCM est en redressement judiciaire assorti d’une période d’observation de six mois. Un délai qui doit permettre de trouver un repreneur. Mais le spectre de la liquidation est toujours présent. Analyse.

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La  SNCM est en redressement judiciaire depuis le 28 Novembre 2014. Le tribunal de commerce de Marseille a fixé une période d’observation de six mois. Ce délai doit permettre, aux yeux du tribunal, de trouver un repreneur qui assurerait la relève de l’actuelle compagnie. Car l’enjeu, officiel, est bien celui là : trouver un repreneur, pour éviter la liquidation judiciaire.

Seulement voila, le spectre de la liquidation est toujours présent. Plusieurs obstacles se dressent sur le chemin d’éventuels repreneurs. Après appel d’offres quatre repreneurs ont déposé une offre auprès du tribunal, le 4 février. Depuis cette date, les administrateurs provisoires discutent avec les candidats, avec un principe : leur demander d’améliorer leurs offres.

Mais plusieurs problèmes demeurent. Le contrat de Délégation de Service Public (DSP) avec ses subventions, peut-il être transmis à un repreneur et, si oui, dans quelle condition ? La Commission Européenne (CE) réclame le remboursement rapide de 220 millions d’€ à la compagnie. Ces obstacles et bien d’autres encore, pourraient dissuader les candidats à la reprise.


Pas de reprise sans DSP

Trois des quatre candidats sont considérés comme « sérieux » par les autorités chargées d’étudier les offres.

Ces offres proposent de reprendre la totalité de l’activité actuelle de la compagnie au départ de Marseille, à savoir les lignes  du Maghreb (Tunisie-Algérie) et de Corse (quatre cargos de la DSP).

Le principal obstacle est la « transmissibilité » du contrat de DSP, accompagné de ses subventions.

Pour la partie SNCM de la DSP, le montant annuel s’élève à 56 millions par an. Le contrat a débuté en Janvier 2014, pour dix ans. La DSP est attribuée à deux compagnies : la CMN (La Méridionale) et la SNCM. Il s’agit d’un service de cargos mixtes entre Marseille et six ports de Corse.

                                        Subvention annuelles (DSP)
                                              SNCM (4 cargos) : 59 895 €   
                                              CMN (3 cargos) :   40 104 €


Cependant la Commission Européenne estime que cette DSP ne peut être transmise à un repreneur, si  la future SNCM ressemble à l’actuelle.
En Décembre dernier, le Secrétaire d’État chargé des transports, Alain Vidalies, a donné des garanties en ce sens devant l’assemblée nationale. "La Commission européenne vient de donner son accord pour que la DSP, en plusieurs lots, fasse partie de la reprise",  Alain Vidalies semblait formel.

Pourtant, à ce jour, aucun document écrit de la Commission  ne confirme ses propos. Le doute sur la « transmissibilité » de la DSP demeure. Tant et si bien que le tribunal de commerce de Marseille s’est montré prudent. D’abord dans la rédaction du cahier des charges, lors de l’appel d’offres. Il rappelle, notamment,  que le paiement des amendes européennes pourraient incomber au  repreneur en cas d’inclusion de la  DSP « dans le périmètre de reprise ». Page 3 de l’appel d’offre que l’on peut lire ici.

Les autorités chargées du redressement ne sont pas convaincues par les propos du Secrétaire d’État chargé des transports. Un des administrateurs provisoires s’est rendu à Bruxelles le lundi 9 Février. Il cherchait des informations sur la fameuse « transmissibilité ».  Fréderic Abitbol a rencontré des représentants de trois directions générales de la CE (Marché intérieur, Transports et Concurrence).

Le même jour, France 3 Corse a contacté la DG Concurrence, la plus impliquée dans ce dossier de « transmissibilité ». La réponse de son porte parole est prudente : « je ne peux commenter sur l’existence ou le contenu des réunions techniques entre la Commission et d’autres parties ».  Le  porte parole poursuit : « Il appartient aux autorités françaises de s’assurer de l’absence de cette continuité économique, afin d’éviter que là ou les nouvelles entités soient également tenues de rembourser les aides incompatibles ».
A travers cette réponse, on peut quand même comprendre que l’obstacle n’est pas levé.

Il est évident que si la DSP n’est pas transmissible, aucun candidat ne sera intéressé par la reprise de la SNCM.


Une Commission agressive

La CE accentue sa pression.  Le jeudi 5 Février,  la Cour de Justice européenne de Luxembourg entend les différents protagonistes sur le dossier du remboursement des subventions dites du « service complémentaire ». 

Sur plainte de Corsica Ferries France, la CE demande le remboursement de 220 millions d’€  à la SNCM.  L’État tarde à réclamer cette somme.  La CE plaide devant la Cour de Luxembourg. La position de la Commission était « particulièrement agressive » selon des personnes présentes. Le journal Le marin parle de « sévérité ».

Les magistrats luxembourgeois ont été surpris par la pugnacité de la CE, d’autant plus que tous les recours juridiques ne sont pas épuisés. Cela veut dire que la Commission « entend faire payer la SNCM, le plus vite possible ». C’est ainsi qu’un syndicaliste de la compagnie traduit l’attitude de la Commission.

L’avocat général rendra ces conclusions le 26 Mars,  le jugement devrait être connu courant Avril.
Si la Cour suit les arguments de la Commission Européenne, l’État se verrait contraint de réclamer les 220 millions à la compagnie.

Cela mènerait la SNCM à la liquidation judiciaire. De nombreux observateurs sont convaincus que c’est le but recherché par la CE.


Toujours la situation financière

Officiellement, il resterait trois mois de trésorerie disponible dans les caisses de la compagnie. C’est juste la durée de la période d’observation.  Mais il reste, au moins, deux écueils à éviter :
.L’affaire des 220 millions réclamés, par anticipation, par la Commission.
. Le risque d’un conflit social.  Si un syndicat venait à déclencher une grève, cela assécherait la trésorerie de l’entreprise et la mènerait à la liquidation anticipée.


Du redressement à la liquidation

La nuance est mince. Il reste trois mois pour déterminer le nom du repreneur. Mais nous avons vu les obstacles dressés sur sa route.

Pourquoi, en Novembre dernier, le tribunal a-t-il choisi le redressement plutôt que la liquidation ?

Le redressement, c’est le plan conjoint des deux principaux actionnaires : Transdev et l’État.
Liquider en Novembre, cela voulait dire que les actionnaires n’avaient pas fait d’efforts pour chercher des repreneurs. Cela aurait conforté la position de l’intersyndicale qui est convaincue que le duo Transdev-État veut, en fait, la liquidation. Dans cette lecture là, on serait dans un « redressement prétexte ».

L’intersyndicale (à l’exception du STC) est convaincue que les différents protagonistes recherchent effectivement la liquidation.


Les personnels saisissent la Commission

Le 26 Janvier,  le Comité d’Entreprise de la SNCM a saisi, par courrier, Marianne Thyssen Commissaire européenne en charge des affaires sociales.

Le Comité d’Entreprise demande la création d’un groupe de travail qui comprendrait trois directions générales de la Commission (Concurrence, Transports et Emploi).  Le CE estime que ce « triumvirat » serait « plus neutre, moins en situation de conflit d’intérêt (…) ».

C’est une manière de noter que la DG Concurrence  ne « tient pas compte de l’aspect social du dossier ». La réponse de cette partie de la Commission sera intéressante à observer.

Nous devrions connaitre rapidement qu’elle est le terme de l’alternative, redressement ou liquidation.

Le redressement, ce sera une SNCM fortement réduite. La liquidation, c’est sa disparition.
Le coût social et politique ne sera pas le même.
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