L’association de lutte contre l’implantation de la mafia en France et en Europe, Crim’halt, a organisé un voyage de formation à Milan. Après la visite de biens immobiliers confisqués, les stagiaires découvrent le travail de mémoire réalisé autour des victimes innocentes du crime organisé. Une série de reportages qui intervient à quelques jours de d'une session extraordinaire de l'Assemblée de Corse consacrée à la mafia.
Dans les rues et les jardins de Milan, les stigmates de la violence de la mafia sont gravés à jamais dans le marbre. Sur des stèles commémoratives, les visages des juges Falcone et Borselino, de Lea Garofalo, épouse d’un lieutenant de la ‘Ndrangheta, assassinée dans les rues de la ville.
Un des jardins publics milanais est entièrement dédié à la mémoire de cette femme. Elle était la fille, la sœur et l’épouse de chefs mafieux. Un jour, elle décide de quitter son époux et de collaborer avec la justice. Mais en 2009, elle est tuée par ce dernier en pleine rue. “Il y a 15 ans, Lea a décidé de fuir la réalité mafieuse 'Ndranghetiste et de s’installer avec un jeune homme qu’elle connaissait à peine à Milan. Elle pensait qu’ici, les codes seraient différents”, explique Paola Terri, membre de l’association antimafia Libera.
Le groupe de l’association Crim’halt, à l’initiative de ce voyage de formation en Italie, souhaite promouvoir en France la mémoire des victimes innocentes de la mafia. Dans le groupe, Carla-Serena Manunta.
“Quand on compare à la Corse, je vois le décalage”
À l’âge de 11 ans, elle se retrouve sous un déluge de tirs de kalachnikov en rentrant chez elle, à Ajaccio, avec son père et sa mère. “Quand on compare à la Corse, je vois le décalage. Il y a ce côté minimaliste qu’on a chez nous et ici, même si ça fait des années que ça s’est passé, j’ai l’impression que c’est comme si ça s’était passé hier. Rien n’est oublié, comparé à nous où ça s’est passé, c’est de l’histoire ancienne, on n’en parle plus”, estime-t-elle.
Devant les élèves d’un lycée, la jeune fille raconte son histoire. “Il est important de défendre ces victimes et d’en parler parce que ça fait reculer l’impunité, ça fait reculer les mafieux. C’est ce que nous apprennent les Italiens”, souligne Fabrice Rizzoli, membre de l’association Crim’halt.
Victimes innocentes, ou plutôt collatérales affirment certains, dans un bois confisqué à un narcotrafiquant de Cosa Nostra, une centaine de noms de victimes de la mafia sont gravés sur les arbres, ou dans la pierre.