En Corse, la prime soignants ne passe pas : "Il y a quelques mois on nous gazait, aujourd'hui on nous fait la charité"

Le décret sur la "Prime Covid" a été publié aujourd'hui dans le Journal Officiel. La Corse fait partie des régions où on versera 1.500 euros par soignant. Mais pour beaucoup d'entre eux, ce n'est que de la poudre aux yeux.

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"C'est ridicule. C'est du bricolage par rapport à ce qu'on demande depuis des années. C'est presqu'insultant, leur prime..."
Aux Urgences de Bastia, on ne décolère pas. 
Le ras-le-bol est presqu'unanime. 

"Ce n'est pas une prime qu'on veut, c'est une reconnaissance"

"Bien sûr qu'on va le prendre, l'argent. On est payé une misère, alors on ne va pas dire non. Mais c'est nous faire la charité. Ce n'est pas une prime qu'on veut. On n'en a rien à faire. Ce qu'on demande, depuis des années, c'est une revalorisation de notre salaire, de nos conditions de travail !"
 


Infirmières, aides-soignants, ils sont trois à répondre à nos questions. Et assurent qu'ils parlent pour l'immense majorité de leurs collègues.
Mais ils préfèrent que l'on ne cite pas leur nom.

D'abord, parce que les consignes sont claires.
Pas de contacts avec la presse. Pour le Covid-19, bien sûr, et le nombre de malades, de réanimations, et de décès.

Mais les soignants des Urgences ont compris qu'il valait mieux ne pas trop en dire, tout court. 
Ou en tout cas ne pas le dire à visage découvert.
 


"Avec l'arrivée du Covid, on avait, pour la première fois, un vrai moyen de pression"

"C'est bien pratique, ce genre d'annonce du gouvernement, c'est pour l'opinion publique, histoire de donner l'impression qu'ils nous considèrent. Nous, ils s'en fichent. Et on est coincés, on ne peut même pas manifester notre désaccord, et se mettre en grève..."

"Tout ça, c'est de la poudre aux yeux,
reprend un collègue. On nous dit qu'on va faire en sorte que les salariés nous fassent cadeau de certains jours de repos ! Il éclate de rire, un rire un peu amer. On va en faire quoi ? On est à la rue, à l'hôpital, on est en sous-effectifs, on ne peut même pas prendre les nôtres, les congés..."
 

Une infirmière, très remontée, saisit la balle au bond :
"Ca va sembler provocateur, et même horrible, mais on a laissé passer notre seule chance de nous faire entendre à l'arrivée de l'épidémie.
Là, pour la première fois, on avait un vrai moyen de pression, on pouvait dire "non, on travaille pas. Vous avez besoin de nous, mais on vient pas". Ils auraient dit oui à tout! On aurait eu 3.000 euros par mois direct ! Evidemment on l'aurait jamais fait, j'ai jamais entendu un collègue proposer ça. Et même les syndicalistes les plus radicaux..."

 

"Rien ne changera après la crise. Rien."

Leur rôle, c'est de soigner des gens, et de sauver des vies. Et, à Bastia comme ailleurs, ils en sont conscients.
C'est pour cela qu'ils ont voulu faire ce métier.
Pas question de prendre les patients en otage. 
 

Le problème, alors, semble insoluble.
Et les équipes sont à bout.
Elles tiennent, parce qu'elles savent toute la responsabilité qui est la leur, mais elles ont du mal à supporter la situation. 

"On nous a mis à terre, on nous a gazé il y a quelques mois, quand on essayait de dire que la situation était catastrophique. Et aujourd'hui, on nous fait la charité. Rien ne changera, après la crise. Rien. Y a énormément de collègues qui pensent à une réorientation. 
On ne peut plus faire ce métier dans ces conditions..."




 
LA "PRIME COVID"
La somme sera versé lors de la prochaine paie, fin mai. Ou en juin. 
Elle avait été promise par Emmanuel Macron fin mars. 

40 départements se verront dotés de 1.500 euros. Ceux qui ont été les plus touchés par l'épidémie.
Pour les autres soignants, la prime ne sera que de 500 euros. 
Elle est exonérée d'impôts. 

En tout, cela représente une somme de 1,3 milliard d'euros.  

 
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