Jacques Mariani comparaît depuis 6 décembre, avec sept autres prévenus, devant le tribunal correctionnel de Marseille. Il est accusé d'extorsion, tentative d'extorsion et association de malfaiteurs. Les débats reprennent ce matin.
"Si on en est là, monsieur le Président, c'est que les gens ne tiennent pas parole". Si Jacques Mariani a envoyé des proches récupérer des sommes d'argent, auprès d'entreprises et de commerces insulaires, il l'assure, c'était pour récupérer ce qui lui était dû, ou ce qui était dû à son père, Francis Mariani, pilier de la Brise de mer durant des décennies.
Jacques Mariani, qui a passé 34 années en prison, et qui est poursuivi pour extorsion, tentatives d'extorsions, et association de malfaiteurs, n'hésite pas à se qualifier de "Robin des bois" dans l'affaire qui l'a amené à comparaître, depuis lundi 6 décembre, devant la 7ème chambre du tribunal correctionnel de Marseille.
"Victimes" peu loquaces
Celles et ceux qui, selon le ministère public, ont été ses "victimes", ont défilé toute la semaine à la barre. Aucune d'entre elles ne s'est porté partie civile. Si elles sont là, c'est parce que la défense les a fait citer. Et on comprend pourquoi. Le témoignage que la plupart livrent devant le tribunal n'est pas vraiment à charge.
Ainsi, Bastien Vanucci revient sur les circonstances qui l'ont emmené à rencontrer Jacques Mariani. En 2017, un projet de restaurant chinois voit le jour à Biguglia, à proximité du restaurant que tient Virginie Luccini, l'ex-compagne de Jacques Mariani. Bastien Vanucci est propriétaire du hangar qui devrait accueillir le restaurant.
"La vérité, c'est ce qui est dit aujourd'hui. Ce qu'il y a sur les procès-verbaux, on s'en fout.
La perspective d'une concurrence aussi proche n'aurait pas ravi l'ex-compagne de Jacques Mariani, qui s'en serait ouverte à lui. Le quinquagénaire est alors en libération conditionnelle à La Baule. C'est là-bas que Bastien Vanucci le rencontre, pour parler du projet.
A aucun moment, le témoin, à la barre, ne parle de menaces, ou de racket. Le président lui lit alors les enregistrements effectués par les enquêteurs, où Jacques Mariani conclut l'entretien d'un : "Chinois, pas chinois, si on ne trouve pas un arrangement, y a personne qui ouvre. Tu ne veux pas, tu fermes". Mais Bastien Vanucci n'en démord pas, cette entrevue s'est passée dans un "climat normal".
Revirement
Lorsque Christophe Filippetti, ancien gérant de la Conca d'Oro, à Oletta, se présente devant le tribunal, appelé lui aussi par la défense, la tonalité est la même. Il aurait, selon l'accusation, été victime de racket, pour environ 20.000 euros. Mais Christophe Filippetti l'affirme, "je ne suis victime de rien, je n'ai pas été extorqué".
Bruno Bosi, lui, avait déclaré aux enquêteurs, au cours de l'instruction, "j'ai peur de Jacques Mariani, j'ai peur qu'il arrive quelque chose à ma femme. Il n'a pas besoin d'être dehors pour me tirer dessus. J'ai lu les journaux et je sais ce dont il peut être capable".
Le sexagénaire aurait bénéficié de la protection de Francis Mariani alors qu'il menait à bien un projet immobilier d'envergure. Et, selon le président du tribunal, Jacques Mariani et sa sœur, Pascale Mariani, qui comparaît également, auraient voulu récupérer 330.000 euros,"une somme qu'ils estimaient leur être due au titre des actions menées par leur père". Le magistrat prend soin de préciser que ce dernier n'avait pas été partie prenante, financièrement, du projet immobilier.
A la barre, Bruno Bosi est beaucoup moins catégorique que durant sa première déclaration devant les autorités. Il était déjà revenu sur ses déclarations initiales lors des auditions suivantes. Il affirme aujourd'hui que "l'intervention de Francis Mariani a permis de faire l'opération [d'immobilier]. Ce n'[était] pas du racket".
"Le café, en Corse, c'est Gérard et René Agostini, pas la Brise de mer, pas les voyous, ni Mariani, ni qui que ce soit !"
René Agostini, lui, a été plus virulent : "Mariani, la Brise de mer, Kimbo, ça a empoisonné toute ma vie !" Pour le quadragénaire, tout vient d'une confusion sur les rapports entre Georges, son propre père, premier distributeur du café sur l'île, et Francis Mariani, qui faisait de la course automobile. Le lien financier entre Kimbo et la famille Mariani reposerait juste sur un sponsoring sportif. "Si j'avais eu peur, j'aurais porté plainte. La vérité c'est ce qui est dit aujourd'hui, ce qui est sur les procès-verbaux, on s'en fout".
Monsieur le Président, j'ai passé ma vie à arranger les gens. La Brise de mer arrangeait tout le monde.
"Le café Kimbo est à moi", clame René Agostini à la barre. Mais, il le reconnaît, avoir la famille Mariani à son côté, c'était l'assurance de la tranquillité... Quand le tribunal demande ce qu'il entend par tranquillité, Jacques Mariani répond très simplement, au risque de plonger les magistrats dans la confusion, après le témoignage de René Agostini : "on passait dans les bars, et on faisait mettre le café. Le café se vendait et il existe encore. C'est nous qui l'avons mis, c'est normal de récupérer de l'argent."
Devant notre micro, à la sortie de l'audience, René Agostini, très remonté, a réitéré : "il faut arrêter avec ça. Le café, en Corse, c'est Gérard et René Agostini, pas la Brise de mer, pas les voyous, ni Mariani, ni qui que ce soit. La mauvaise publicité ça suffit. Il faut que les patrons de bar, en Corse, ils le sachent. Le café c'est nous, c'est pas eux".