Les trois parties civiles du procès en appel de Yassin Salem devant la cour d’Assises de Corse-du-Sud ont été entendues ce vendredi 7 octobre. Des récits qui décrivent le bouleversement total de leur vie depuis les faits qui sont jugés, viols et agression sexuelle, commis les 24 juin, 2 juillet et 8 juillet 2017.
Après un week-end passé avec un ami, Sylvie* décide de se détendre sur une plage peu fréquentée de plaine orientale. Ce 2 juillet 2017, elle croise un homme et un couple avant d’installer sa serviette sur le sable.
Elle ouvre un livre, voit un homme passé rapidement, et s’allonge sur le ventre, son chien couché à ses pieds. « J’ai lu, je crois même que j’ai dû m’assoupir un peu et puis j’ai senti quelqu’un derrière moi, je me suis retournée. L’homme se tenait là, je ne le voyais pas bien parce qu’il était à contre-jour, et puis il cachait un peu son visage », déclare-t-elle.
Sylvie essaye alors de lui parler, elle lui pose quelques questions. Il ne répond pas. « Je finis par lui dire ‘bon, je m’en vais’, je cherche ma robe pour me rhabiller. C’est à ce moment-là qu’il me saisit par derrière, il me plaque au sol et me place un couteau sous la gorge. Il est très nerveux, il me dit : ‘ta gueule ou je vais te planter toi et ton chien.’ »
La victime le supplie de ne pas « lui faire de mal ». En vain. L’homme la viole. « C’est allé très vite », se remémore Sylvie. « À ce moment-là, je n’arrive pas à parler. Je sens le couteau dans mon cou, sur mes seins, et un peu partout sur mon corps. J’ai cru que je mourrai. Ça m’a arraché les tripes, j’ai ressenti une douleur physique et morale comme jamais avant dans ma vie. J’essayais de ne pas le provoquer, de ne pas le regarder. Je voulais m’en sortir le mieux possible.» L’homme repart.
Sylvie, elle, se précipite vers un homme sur la plage. Lui dit qu’elle vient d’être violée. Les gendarmes sont appelés et arrivent très vite sur les lieux.
« Le parcours du combattant »
Commence alors pour Sylvie un « parcours du combattant » comme le décrit la directrice d’enquête à la barre.
Ainsi, ses vêtements sont saisis sur place ; elle voit un médecin puis un gynécologue ; elle est auditionnée dans les locaux de la gendarmerie jusqu’à minuit ; elle est convoquée le lendemain pour établir un portrait-robot de l’agresseur. « J’ai pour habitude de faire plusieurs auditions très rapidement en demandant le plus de détails possibles. Car plus on tarde à entendre un témoin ou une victime, plus il y a une perte de données », précise la directrice d’enquête.
Face à la gendarme, Sylvie est décrite comme « prostrée », « apeurée », « fatiguée ». « Mais malgré tout ceci, elle n’a jamais refusé quoi que ce soit, elle a toujours accepté de faire ce qu’on lui demandait », souligne-t-elle.
"Mes nuits sont remplies d'insomnies et de cauchemars"
L'homme dont il est question, confondu par son ADN, est Yassin Salem. Le jeune homme de 27 ans comparaît en appel devant la cour d'Assises de Corse-du-Sud depuis le 6 octobre pour viol commis sous la menace d'une arme, agression sexuelle et exhibition sexuelle. En plus de Sylvie, deux autres femmes ont déposé plainte contre lui pour un viol commis le 24 juin 2017 et une agression et une exhibition sexuelle le 8 juillet de la même année.
Des faits qui ont bouleversé la vie des trois femmes. "Depuis ce jour-là, je ne suis plus la même. Je n'ai plus jamais eu de relation avec un homme. Je suis en thérapie depuis cinq ans, j'ai pris des médicaments, j'ai du mal à faire confiance aux gens et à moi-même. Je me suis isolée, mes nuits sont remplies d'insomnie et de cauchemars. J'ai été salie, réduite à moins-que-rien. Il faut composer avec ça et ce n'est pas facile", confie Sylvie à la barre.
Un changement radical qu'a également vécu la seconde victime de viol, Karen*. "Je suis restée un moment sans pouvoir aller à la fac, sans pouvoir sortir le soir, en ayant peur de rester toute seule. Encore aujourd'hui, je ne suis pas comme j'étais avant. Je suis une thérapie, je prends des somnifères, des antidépresseurs. Ce jour-là, je me suis vue mourir", explique-t-elle.
Les mains tremblantes, en mimant la scène qu'elle a vécue, Charlotte* retient ses larmes le plus possible. À la barre, elle rappelle que ni certains de ses proches, ni des hommes, ni des agents de sécurité n'ont cru ses dires lorsqu'elle essaye de donner l'alerte durant la nuit du 8 juillet 2017. "Le lendemain, je n'ai pas pu aller travailler. J'ai raconté ce qu'il s'est passé à ma mère et on a porté plainte." Elle garde un peu le silence et, en sanglotant déclare : "Je me dis que face à ce qu'ont vécu les deux autres femmes, je n'ai pas à me plaindre". Depuis les faits, la jeune femme est sous antidépresseurs et somnifères.
Le "soulagement" des aveux
Si Yassin Salem a toujours nié les accusations qui lui sont reprochées, accusations pour lesquelles il a été condamné à 18 ans de réclusion criminelle en première instance, il a avoué les deux viols et l'exhibition sexuelle dans la matinée de vendredi. "J'ai commis les faits et je présente mes excuses aux victimes et à ma famille", lâche-t-il depuis le box des accusés.
Des aveux qui résonnent comme un soulagement pour Sylvie. "C'est important pour ma reconstruction et c'est une reconnaissance de ma souffrance. J'existe un peu plus dans cette histoire. Mais ça n'efface pas tout." Karen, elle, y voit le règne de la vérité. "Je savais que je disais la vérité depuis le début et maintenant, tout le monde le sait."
Le procès en appel de Yassin Salem se poursuit lundi avec les réquisitions et les plaidoiries des différentes parties.