Le quatrième comité stratégique relatif à l'avenir institutionnel de la Corse se tient ce mercredi 7 juin à Paris. Il sera notamment question du foncier, sujet sur lequel les élus insulaires avaient été invités par le ministre de l'Intérieur à formuler leurs propositions. Des propositions retoquées pour la plupart tout ou en partie dans des rapports émanant des services du ministère.
Qu'en est-il de l'urbanisme, du foncier et du logement en Corse ? Les membres de la délégation insulaire ont rendez-vous ce mercredi 7 juin à Paris, à l'occasion du quatrième comité stratégique relatif à l'avenir institutionnel de l'île.
Reportée à deux reprises, faute au calendrier trop chargé du ministre de l'Intérieur, la réunion devra aborder l'épineuse question du foncier. Un sujet au centre de nombreuses préoccupations des Corses, et pour lequel Gérald Darmanin avait demandé aux élus insulaires de formuler des propositions.
Des propositions analysées et commentées par les services du ministère, dans trois documents transmis aux membres de la délégation et que France 3 Corse ViaStella a pu se procurer.
Des niveaux de prix dans les grandes villes de Corse "inférieurs à ceux des autres villes du littoral français de taille comparable"
Le premier, long de 28 pages, pose le diagnostic et les dispositifs existants dans le domaine. La conclusion y est sans appel : si la Corse est bien sujette à un parc immobilier tendu, avec notamment une très large représentation de résidences secondaires (37% du parc de logement en Corse) - bien que considérée comme "assez proche des moyennes du littoral continental" -, les niveaux de prix restent inférieurs à ceux d'autres villes du littoral français.
Ainsi, pour des surfaces inférieures jusqu'à 2500 m2, le prix des terrains des communes corses littorales reste inférieur aux prix constatés sur le littoral Méditérranéen, souligne le document, et les rejoint au-delà de 2500 m2.
Même constat pour le loyer moyen d'un appartement type à Ajaccio (15,4 € du m2 en 2021), un niveau inférieur aux villes du littoral méditerranéen de taille comparable (17,5 €/m2 à Cannes, et 17,6 €/m2 à Antibes), ou à Bastia (12,9 €/m2), soit un peu supérieur au loyer moyen pratiqué à Saint-Malo (12 €/m2), mais inférieur par rapport à Grasse (13,9 €/m2) et Bayonne (13,2 €/m2).
Et il en va de même pour l'achat, poursuit le rapport : le prix moyen pour un appartement type à Ajaccio est de 3735 €/m2, contre 5488 €/m2 à Cannes, et 4551 €/m2 à Antibes. À Bastia, il faut en moyenne débourser 2728 €/m2, contre 3026 €/m2 à Grasse, 3754 €/m2 à Bayonne, et 3998 €/m2 à Saint-Malo. En bref, "dans les grandes villes de Corse, les niveaux de prix sont inférieurs à ceux des autres villes du littoral français de taille comparable".
En clair : que ce soit en matière de location, d'achat de bien ou de terrain, le gouvernement ne reconnaît pas un quelconque phénomène de spéculation immobilière. Mais si les prix moyens et leurs comparatifs dans chacun des cas sont bien exposés, on constate qu'ils le sont sans remise en perspective aucune avec le niveau de vie réel de la population.
En Corse, le revenu médian annuel de vie est ainsi de 20.950 €, contre 21.860 € pour la moyenne française (chiffres Insee 2019). Avec en 2019 18% des ménages vivant sous le seuil de pauvreté, soit le taux le plus élevé des régions de métropole, les habitants de l'île ont par déduction un budget d'achat et de location en moyenne moins élevé. Autre indicateur : le produit intérieur brut par habitant, de l'ordre de 25.571 €, et inférieur de 12% à la moyenne des régions de France métropolitaine hors Île-de-France (29.175 €) (chiffres Insee 2020).
Le statut résident quasiment écarté, les propositions retoquées
Le diagnostic effectué, le gouvernement apporte, dans le second et troisième dossiers, ses réponses aux diverses propositions des élus insulaires. Et la tonalité n'est guère différente : mantra des nationalistes et considérée comme une clé de voûte, l'idée d'un statut de résident devient quasiment utopique.
À en croire les services du ministère, le droit de l'Union Européenne ferait selon toute vraisemblance obstacle à sa mise en place. Les deux exemples existants de "statut de résident" au sein de l'Union Européenne, au Danemark et à Malte, ont été négociés lors de l'adhésion respective de ces Etats. "Obtenir une dérogation similaire pour la Corse impliquerait une renégociation des traités de l'UE, ce qui requiert l'unanimité des Etats membres", est-il remarqué.
Les propositions, pourtant de moindre ampleur, formulées par les députés nationalistes à l'Assemblée nationale se heurtent également à une fin de non-recevoir... À l'image de celles concernant une fiscalité immobilière spécifique à la Corse, portées par Jean-Félix Acquaviva.
On y retrouve, entre autres, un article visant à majorer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires d'un taux compris entre 20 et 90 % dans les communes insulaires. Problème, selon le document, "l'analyse complémentaire de la proposition de loi fait apparaître des risques d'inconstitutionnalité".
Enfin, la droite insulaire, par l'intermédiaire de Marie-Anne Pieri, avait remis un inventaire de 35 pages de propositions. Elles visaient principalement l'indivision successorale et les donations. Même verdict : elles sont là encore retoquées. "Le coût pour les finances publiques des mesures proposées serait potentiellement très élevé", est-il ainsi souligné.
L'agacement des élus insulaires
Un refus jugé sotto voce incompréhensible et exaspérant par les élus de droite, qui défendent des mesures "concrètes" et qui plus est formulées à droit constant, c'est à dire sans nécessité d'un changement institutionnel.
Le ton est encore plus sévère chez les nationalistes qui remettent en cause l'avenir même de ce processus de négociation. Face à ces retours peu encourageants, une réponse politique sera sollicitée dès ce mercredi matin.
Reste à savoir si elle sera différente de celles formulées dans ces documents par les services de Beauvau.