Une diversité culturelle et linguistique est-elle encore possible en France? C’est la question que se pose le collectif « Pour que vivent nos langues » qui œuvre pour la sauvegarde des langues régionales. Il vient de déposer une lettre à l’Elysée pour dénoncer la réforme Blanquer.
Devant les portes de l’Elysée, une délégation du collectif « Pour que vivent nos langues » se rassemble. Elle vient déposer une lettre à l’attention d’Emmanuel Macron en faveur « de la diversité du patrimoine linguistique en France ».
Sa cible : la réforme du lycée et du baccalauréat du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. Réforme qu’ils considèrent « linguicide » et dont « les effets sont désastreux pour la place des langues régionales dans le système éducatif ».
Le coefficient passe de 2 à 0,6
Créé en 2019, en réaction au projet de Jean-Michel Blanquer, le collectif regroupe 34 structures du monde associatif et éducatif issues de régions à forte identité comme la Corse, le Pays Basque, la Bretagne ou encore l’Alsace. Il réclame « la suppression de tous les effets de l’application de la réforme du baccalauréat quant à l’enseignement des langues régionales, explique François Alfonsi, député européen et à l’origine du collectif avec le député du Morbihan Paul Molhac, si on ne prend que l’exemple de l’enseignement optionnel au lycée [le plus gros des effectifs en Corse ndlr.], le coefficient passe de 2 à 0,6 alors qu’il reste le même pour les langues anciennes. »
Quant à l’enseignement de spécialité, qui peut représenter jusqu’à un quart de la note final du baccalauréat avec un coefficient 26 pour quatre heures de cours hebdomadaires en première et 6 heures en terminale, il est considéré pour certaines associations comme « confidentiel ». En Corse, seuls 47 élèves ont choisi cette option sur l’ensemble de l’académie. Sur le reste du territoire national, ils sont « 40 inscrits sur les 865.737 élèves de première : soit : 0,03 % pour le breton, l’occitan, l’alsacien et le basque réunis », alertait en 2019 l’association AILCC (associu di l'insignanti di lingua è cultura corsa).
À terme, « Pour que vivent nos langues » craint un « effondrement des effectifs, une suppression ou une précarisation des possibilités et filières existantes dans de très nombreux établissements. » « La réforme Blanquer est une atteinte aux droits acquis jusqu’ici. Il y a un véritable mépris du gouvernement alors que la reconnaissance des spécificités des régions pourrait donner de l’oxygène à celles qui en ont besoin notamment au niveau économique. On peut le voir en Allemagne avec les Länder », soutient Fabiana Giovannini, relais du collectif en Corse et militante nationaliste.
Soutien de 100 parlementaires
Depuis son lancement, le collectif a multiplié les actions. Sans succès. « Le 30 novembre dernier, nous avons organisé une manifestation devant le ministère de l'Éducation nationale qui a réuni 1.000 personnes. Nous avons été reçus, mais le dialogue n’a pas abouti. Nous avons aussi envoyé un courrier au ministre, en janvier, auquel il n’a jamais répondu », regrette François Alfonsi.
Mais cette fois-ci, le collectif se présente avec le soutien de 100 parlementaires (sénateurs, députés ou encore députés européens). « C’est la preuve que la question du sort réservé aux langues régionales est réellement préoccupante pour la représentation parlementaire », se félicite François Alfonsi. Le député européen espère par-là recevoir, enfin, une réponse de l’Etat.
Délégation Pour Que Vivent Nos Langues à l’Elysée. Lettre ouverte au Pdt République contre loi Blanquer linguicide dés langues territoriales : assos, enseignants parents d’élèves. Soutien de 100 parlementaires pour le respect de la diversité culturelle https://t.co/RmTYu3sFYO pic.twitter.com/LW0c0wWcWA
— François Alfonsi (@F_Alfonsi) June 18, 2020
Il l’assure, le collectif continuera à demander audience et prévoit des actions dès la rentrée.
L'enseignement de la langue Corse en chiffres
Les éléments présentés ci-dessous concernent l'année 2019- 47 lycéens ont choisi la spécialité langue et culture corse
- 144 lycéens ont choisi le corse en LV2, ils était 141 en 2018
- 180 lycéens ont privilégié l'option corse contre 167 en 2018
11.000 élèves de primaire sont inscrits en filière bilingue, soit 47 % des effectifs, et 56 % des écoles maternelles sont bilingues. La Corse compte cinq écoles maternelles immersives.