La dotation de continuité territoriale permet à la Corse de couvrir ses dépenses de transports aériens et maritimes en atténuant le handicap de l'insularité. Une subvention de l'ordre de 187M€, allouée annuellement par l'Etat, et pour laquelle subsiste un reliquat reversé en majeure partie à la CDC.
La dotation de continuité territoriale est un concours financier particulier alloué par l'Etat à la collectivité territoriale de Corse ayant pour objectif d'organiser ses liaisons aériennes et maritimes avec Paris, Marseille et Nice.
Instaurée pour la première fois en 1976 - et ne s'appliquant alors que pour le secteur des transports maritimes -, elle est destinée à "atténuer les contraintes de l'insularité" par "des dessertes dans des conditions d'accès, de qualité, de régularité et de prix" qui ne seraient pas de nature à handicaper l'île par rapport aux autres régions du territoire national.
Depuis sa création, la subvention publique qui l'alimente a considérablement augmenté : de 24 millions en 1976, à 166 millions en 2003, son montant est maintenu constant depuis 2013 à hauteur de 187 millions d'euros par an.
Une somme fixe, quand parallèlement, les dépenses de continuité territoriale se sont considérablement réduites au cours des dernières années, passant de 189,5 millions en 2014 à 161,2 millions en 2019, indique la Chambre régionale des comptes (CRC) dans un rapport d'observations de plus de 60 pages rendu public ce 2 novembre.
Près de 100 millions de reliquats reversés à la CDC entre 2015 et 2020
En conséquent, l'office des transports de la Corse, en charge du budget, a pu dégager des résultats excédentaires entre 2014 et 2019 : 130,7 millions d'euros cumulés. Sur ce reliquat, seuls 30,5 millions sont restés en propriété de l'OTC. La majeure partie de la somme, 99,8 millions d'euros soit 76%, a été reversée à la Collectivité de Corse.
Ce transfert d'économie est prévu par la loi, et encadré par l'article L4425-26 du code général des collectivités territoriales, qui indique que "les reliquats disponibles sont affectés en priorité à la réalisation d'équipements portuaires et aéroportuaires, [...] puis à la rénovation ou à la réalisation d'infrastructures routières et ferroviaires ou à des opérations d'investissement s'inscrivant dans le cadre d'un projet global de développement du territoire de la Corse".
Absence de lisibilité des affectations des excédents
À ce titre, la Collectivité est tenue de justifier chaque année de l'emploi du reliquat, "en dressant la liste des opérations d'investissement qui bénéficient d'un tel financement", rappelle la CRC. Et c'est là l'un des trois principaux griefs pointés par la Chambre régionale des comptes : l'absence d'un suivi précis et fiable par la CTC de l'emploi du reliquat sur la période 2015 à 2019.
Si une annexe dédiée aux recettes grevée d'une affectation spéciale a bien été renseignée par la collectivité à partir du compte administratif 2015, il faut attendre 2019 pour qu'une liste des opérations financées soit établie. "Jusqu'en 2018, il n'était donc pas possible [...] d'identifier les opérations d'investissements financées par le reliquat et donc de vérifier leur éligibilité à ce dispositif", reprend le rapport.
La Chambre régionale des comptes précise néanmoins que des améliorations sont constatées depuis 2019, avec l'annexion la même année d'un tableau "au rapport de présentation du budget de manière à apporter des informations complémentaires. En 2020, à l’occasion de l’adoption du compte administratif 2019, la collectivité de Corse a pour la première fois produit au terme d’un exercice clos une justification par opération de l’utilisation du reliquat."
Non-respect des priorités d'affectation
Le second reproche porte sur l'affectation des reliquats : une trop grande partie a été consacrée aux financements des infrastructures routières (52,4 M€, soit 58 % du reliquat reversé entre 2015 et 2019, et 44,7 M€, soit 66 % du reliquat reversé entre 2017 et 2019), estime la CRC, quand l'article L4425-26 donne la priorité à la réalisation d'équipements portuaires et aéroportuaires destinés au transport et à l'accueil de voyageurs et de marchandises.
Plus encore, moins d'1 % des excédents ont été consacrés à financer "les opérations d'investissement s’inscrivant dans le cadre d'un projet global de développement du territoire de la Corse, notamment au titre des politiques publiques menées en faveur des territoires de l'intérieur et de montagne", poursuit le rapport, qui voit là un déséquilibre, et même des irrégularités.
Risque financier associé à des contentieux
Dernier point de crispation : la Collectivité de Corse, estime la CRC, n'aurait pas constitué suffisamment de provisions avec ces résultats excédentaires. Une gestion qui présente des risques, quand la Collectivité est engagée dans quatre contentieux introduits par la compagnie de transport Corsica Ferries.
Alors que le risque financier est évalué à hauteur de 95 millions d'euros, la région n'a constitué qu'une provision de 25 millions, soit environ 26 %.
Des conclusions commentées par l'exécutif
Des critiques auxquelles Gilles Simeoni a répondu dans un courrier. Concernant le manque de visibilité de l'utilisation du reliquat, le président du conseil exécutif indique s'être emparé, dès la transmission d'un précédent rapport en 2017, "de cette problématique", et "la Chambre fait elle-même aujourd'hui le constat d'une nette amélioration."
"Cette amélioration s'est poursuivie en 2021 par la mise en oeuvre d'une nouvelle procédure interne aux services permettant, dès l'affectation, qu'une dépense puisse être fléchée comme étant éligible aux financements par le reliquat de la DCT", poursuit Gilles Simeoni, qui insiste sur des difficultés techniques auxquelles a été confrontée la Collectivité depuis sa création, en janvier 2018.
Au sujet de la répartition des excédents, le président de l'exécutif défend leur affectation, estimant qu'un effort était nécessaire sur le réseau routier. Plus encore, ces améliorations profitent "au développement de l'intérieur en assurant notamment les liaisons entre les territoires de plaine et ceux de montagne voire de haute-montagne", tranche-t-il.
Enfin, si les provisions effectuées sont en deça des estimations, "avant notre arrivée aux responsabilités, il n'y avait aucune provision. 25 millions, c'est mieux que 0", tranche Gilles Simeoni le 22 septembre au micro de France 3 Corse ViaStella.