"Risque de guerre civile", "concours de popularité" : l'élection américaine vue par les Corses installés aux États-Unis

Ce mardi 5 novembre, les États-Unis élisent leur prochain président. Alors que les estimations promettent un coude-à-coude entre la démocrate Kamala Harris et le républicain Donald Trump, nous avons échangé, à la veille du scrutin, avec des Corses résidant à New York, en Floride ou encore en Californie. Entre curiosité et inquiétude, ils nous livrent leur ressenti sur la campagne américaine, vécue de l’intérieur.

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Le jour est déjà tombé sur la Corse, lorsque Jérôme Eymery-Pancrazi apparaît sur l’écran de l’ordinateur, tournant le dos à une vue imprenable sur la skyline new-yorkaise. Il est midi dans la plus grande ville des États-Unis et le jeune chef d’entreprise a écourté sa pause déjeuner pour s’entretenir avec nous, dans la dernière ligne droite avant l’élection présidentielle américaine. 

Originaire de Borgo, l’homme de 38 ans vit depuis dix ans dans la mégapole qui a vu naître le magnat de l’immobilier Donald Trump, candidat à un nouveau mandat face à la démocrate Kamala Harris. 

"Guerre civile"

À la veille d’un scrutin capital, Jérôme Eymery-Pancrazi brosse le portrait d’un pays fracturé. "Il y a d'un côté des gens qui veulent renouer avec des valeurs très traditionnelles et remettre en cause les acquis sociaux, notamment le droit à l'avortement. Et de l'autre, une course en avant, avec une aspiration à des changements radicaux des structures à la fois économiques et sociales", décrit-il, allant jusqu’à pointer un risque de "sécession" voire de "guerre civile". 

Et pour cause. En l’espace de quelques années, ce dirigeant d'une société spécialisée dans l'intelligence artificielle affirme avoir vu le climat se dégrader dans le pays. “Il y a quelques mois, lors d'un voyage d'affaires au Texas, j'étais en pleine conversation en anglais avec mes collègues américains, quand un inconnu est venu nous interpeller. Il m'a abordé, a entendu mon accent, m'a demandé d'où je venais et m'a dit de rentrer chez moi. Cela ne m'était jamais arrivé avant.”  

Pour lui, cet épisode malheureux est "symptomatique d'un changement au sein de la société américaine" notamment sur la perception du "multiculturalisme". Un concept cher à ce père de deux petites filles, toutes deux titulaires de la nationalité américaine, qui serait aujourd’hui "remis en question" notamment par le camp Trump.

L'ancien président républicain compte de nombreux partisans en Floride, où réside Franck Bondrille. Cet Ajaccien vit à Fort Lauderdale, une ville située à une quarantaine de kilomètres de Miami. "Ici, c’est vraiment pro-Trump. Et les gens s'impliquent beaucoup : on voit des autocollants sur les voitures, des drapeaux au nom des candidats, des pancartes dans les jardins... Les gens n'ont pas peur d'afficher vraiment qui ils supportent. Et c'est ça qui fait la différence avec la France." 

Ce producteur est installé aux États-Unis depuis 25 ans. Il a vécu trois élections présidentielles et perçoit, cette fois, une effervescence particulière. “On sent un engouement, on voit de grandes files d’attente dans tous les bureaux de vote. Il faut compter une heure minimum pour pouvoir voter”. Dans certains États américains, il est en effet possible de voter de manière anticipée depuis le 20 septembre. 

Très investi en politique, l’homme de 57 ans avait brigué en 2022 le siège de député des Français d'Amérique du Nord. Sous la bannière "divers droite", il était arrivé quatrième sur douze candidats avec 5,31% des suffrages. Élu au sein de l'Assemblée des Français de l'Étranger (AFE), une instance représentative au rôle consultatif, il s'occupe également de l'association des Corses de Floride. 

Titulaire d’un passeport américain depuis plus de dix ans, Franck Bondrille a pu voter pour l’élection américaine. Entre les lignes, on comprend que son cœur balance côté républicain, comme de nombreux habitants du Sunshine State. "Je suis quelqu’un plutôt de droite, et ici à droite on a tendance à voter pour Trump, même si c’est un personnage qui dit beaucoup de choses avec lesquelles on peut ne pas être d’accord, admet-il. Pendant sa présidence, l’économie allait bien, il a fait plein de choses pour les entreprises. C'est une personne qui peut parler avec des chefs d'État et régler des conflits, peut-être celui en Ukraine."

À plus de six heures de vol de la Floride républicaine, la Californie démocrate. C’est là que Jean-Roch Donsimoni a posé ses valises depuis trois mois. Également natif d’Ajaccio, ce consultant en management suit une formation au sein de la prestigieuse université de Berkeley.  

Il décrit une situation contrastée dans l’État qui a vu l’ascension de Kamala Harris, depuis son élection en tant que procureur de San Francisco en 2003 jusqu’à son accession à la vice-présidence du pays.  

Si le Golden State reste dans le giron démocrate, c’est surtout grâce aux résultats engrangés dans les agglomérations de Los Angeles et San Francisco. "J’habite dans une région très libérale avec un fort sentiment pro-Harris, relate le jeune homme. Mais récemment, j'ai fait une balade en voiture jusqu'à Seattle, via l'Oregon, Washington et le nord de la Californie et j’ai pu constater que tout l'arrière-pays californien est, en fait, très conservateur, très pro-Trump." 

Pour le trentenaire, les expatriés redoutent bien davantage l’issue du scrutin que les principaux intéressés. "La majorité des Américains considère que le président n'a pas une influence extraordinaire sur leur vie de tous les jours, car les États ont beaucoup de pouvoir. Le gouverneur de Californie est plus important pour eux. Mais il y a davantage de nervosité chez les étrangers. J'ai beaucoup d'amis indiens, ukrainiens, européens ou venant d’Amérique latine qui sont inquiets : si Trump passe, y aura-t-il un impact sur la demande de travailleurs étrangers et sur nos visas ?", s’interroge Jean-Roch Donsimoni, qui soutient plutôt Kamala Harris, même s’il admet n’avoir "pas vu grand-chose de tangible" dans son programme.

C’est, pour lui, davantage un positionnement "anti-Trump", dans un scrutin qui, regrette-t-il, tourne davantage au "concours de popularité". 

 

À l’autre bout de la mythique Highway 1, cette route qui longe la côte Pacifique sur 900 kilomètres : Los Angeles. Nicolas Biddle, 38 ans, architecte, vit dans la banlieue sud de la Cité des Anges, à Irvine.  

S’il est né et a grandi à Boston, il passe chacun de ses étés à Tirolu, un hameau de Levie dont sa mère est originaire. De l’immensité des villes américaines aux chemins montagneux de l’Alta Rocca, le contraste est vertigineux. Pourtant, le trentenaire jongle parfaitement entre les deux univers. Plus encore, il estime que sa double culture lui offre une clé de lecture différente des enjeux de cette élection. 

"Si j’avais grandi au Kansas, dans une ferme au milieu d’un champ, peut-être que le message de Trump aurait plus de puissance, notamment sur l’immigration, avec l’idée que les migrants “volent” le travail des Américains...  Mais comme j’ai voyagé, que ma propre mère est venue s’installer en Amérique, j’ai une autre perspective sur les personnes qui viennent d'autres pays. Ma double nationalité m’apporte beaucoup", confie le jeune homme, qui pointe l'importance des "fake news" et de la "théorie du complot" dans les ressorts du vote Trump, même au sein des catégories sociales les plus aisées, tout comme la volonté de "payer moins de taxes".

"Trump est dangereux"

Né aux États-Unis d’un père américain, il possède le droit de vote. Et son choix est clair : ce sera Kamala Harris. "J’étais un grand fan de Obama, et Kamala Harris est dans le même esprit, tout comme Joe Biden qui est quelqu’un de très bien, j’aime sa politique, c’est une personne droite. Kamala Harris est un peu moins connue, son programme politique est plus flou, car elle était aux côtés de Joe Biden durant tout son mandat et maintenant, elle a un peu de mal à se faire entendre... Mais je suis anti-Trump, donc je ne pourrais pas voter pour lui. Je ne l’aime pas, je n’ai pas beaucoup de respect pour lui, et je le trouve dangereux en tant que président." 

Pour autant, il n’a pas fait campagne pour la candidate démocrate. "Je préfère que les gens votent pour ce qu’ils pensent, je n’aime pas quand ils sont influencés par les autres", confie-t-il.

Les premiers résultats pourraient être connus aux environs de cinq ou six heures du matin, heure française, comme ce fut le cas en 2016. En revanche, si les scores s’annoncent particulièrement serrés, il pourrait en être tout autrement : en 2020, le vainqueur n’avait été annoncé que trois jours plus tard… Il faudra donc peut-être s’armer de patience pour connaître le nom du 47ème président des États-Unis. 

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