Le 11 mai dernier, Dominique Simonnot, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, a publié son rapport d'activité 2022, dans lequel elle dénonce "une nette aggravation de la surpopulation carcérale" au niveau national. En Corse, si la situation serait encore contenue, des difficultés commencent à poindre.
142,2%. C’est le taux d’occupation moyen des maisons d’arrêts françaises. Avec 73 080 détenus au 1er avril 2023, la France a atteint un nouveau record d’incarcérations.
C’est le constat que dresse Dominique Simonnot, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), dans son rapport d'activité 2022, publié le 11 mai dernier.
Conditions de détention "déplorables"
Si la surpopulation carcérale est dénoncée depuis des années, elle a connu "une nette aggravation en 2022". Aucune des visites réalisées dans les maisons d’arrêt par la contrôleuse générale "n’a permis de voir un taux d’occupation inférieur à 135% et trois prisons affichaient des taux supérieurs à 200% au moment du contrôle", indique le rapport.
Derrière les chiffres, des conditions de détention "déplorables", qui infligent "aux prisonniers de vivre à trois par cellule, 21 heures sur 24 – dans moins d’1m2 d’espace vital par personne – d’être grignotés par les punaises, envahis par les cafards et les rats", décrit Dominique Simonnot.
"Contraints, pour 2 100 d’entre eux à dormir sur un matelas au sol", ajoute-t-elle.
"Le système a ses limites, on ne peut pas pousser les murs"
Maxime Coustie, représentant Ufap-Unsa Justice pour la Corse
Dans les établissements de l’île, on est encore loin de ces descriptions cauchemardesques, selon Maxime Coustie, représentant Ufap-Unsa Justice pour la Corse. "Pour le moment ça va, il n’y a pas de surpopulation", indique-t-il.
Surveillant pénitentiaire depuis 17 ans à Borgo, le responsable syndical note néanmoins une augmentation continue du nombre de détenus. "Il y a une quinzaine d’années, les détenus étaient seuls en cellule, ce n’est plus le cas", constate-t-il. Pour lui, cette augmentation est en rapport avec "l’évolution de la population".
Si la situation serait encore contenue, des difficultés commencent à poindre. "On ne peut plus isoler certains profils. On essaie de faire au mieux mais le système a ses limites, on ne peut pas pousser les murs", témoigne-t-il.
Densité carcérale
Un constat qui se retrouve dans les chiffres, malgré des disparités. Selon les dernières statistiques des établissements et des personnes écrouées en France du ministère de la Justice, publiées le 1er mai dernier, la maison d’arrêt d’Ajaccio dispose de 53 places, pour 69 détenus, soit une densité carcérale de 130,2%.
Le centre pénitentiaire de Borgo présente, pour sa part, une capacité de 193 places pour 223 détenus, soit une densité carcérale de 115,5% pour ses quartiers "maison d’arrêt" (NDLR : Ces quartiers reçoivent les personnes prévenues en détention provisoire ainsi que les personnes condamnées dont la peine ou le reliquat de peine n’excède pas deux ans).
Pour ses quartiers "centre de détention", Borgo compte 48 places pour 46 détenus, ce qui représente un taux d'occupation de 95,8% (NDLR : Ces établissements accueillent les détenus condamnés à une peine supérieure à deux ans).
Enfin, le centre de détention de Casabianda compte 194 places pour 122 détenus, soit une densité carcérale de 62,9 %.
"Les établissements de Corse sont dans la fourchette basse"
Direction interrégionale des services pénitentiaires Sud-Est-Marseille
Si ces données peuvent paraître élevées, notamment concernant Ajaccio, elles sont à mettre en perspective avec celles des autres régions, selon la direction interrégionale des services pénitentiaires Sud-Est-Marseille, dont les établissements de l’île font partie.
"Les établissements de Corse sont dans la fourchette basse", analyse-t-on.
Reste que la maison d’arrêt d’Ajaccio fait tout de même partie des 103 établissements ou quartiers d’établissements dont la densité carcérale est supérieure ou égale à 120%. Le centre pénitentiaire de Majicavo à Mayotte détenant, au niveau national, la triste palme de la surpopulation avec 225,4% de densité carcérale.
Anticipation
"Ici on n’a pas des matelas au sol. On ne connait pas les problèmes récurrents qu’on peut trouver ailleurs, mais on peut vite y arriver", commente Maxime Coustie.
Pour le responsable syndical, la solution résiderait dans la construction d’un nouvel établissement. "On n’anticipe pas assez, déplore-t-il. Une prison, cela se fait sur cinq ou six ans."