Tema : architecture, urbanisme et patrimoine ancien en Corse

L'architecture et l'urbanisme permettent d'organiser les lieux d'habitation et de développement de l'économie. À la découverte des différents aspects de l'évolution des villes, de la préservation ou de l'intégration du patrimoine ancien dans le territoire insulaire. 

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C’est en vieil habitué que Jean Andreoli, couvreur, se hisse sur les toits des maisons d’Orezza. Dans sa famille, on pratique ce métier de père en fils depuis au moins trois générations. Jean a appris le métier en travaillant au contact de son oncle. 

Le toit en Lauze sur lequel il effectue quelques réparations ce jour-là a été édifié par son propre père. C’était il y a une cinquantaine d’années. La pause s’est faite de manière traditionnelle. Les pierres sont disposées à même la charpente, sans aucun recours aux techniques modernes d’étanchéité. 

Le couvreur ne dispose que de quelques heures pour la réfection de ce toit, car le métier se perd et les quelques rares professionnels sont très sollicités. Plusieurs chantiers sont en attente. « Cette année, je laisse facilement 200 000 euros de travaux. […] On manque de main d’œuvre dans ce métier. Il faut former », explique Jean Andreoli. 

La formation est le combat de l’association Promolauze, présidée par Michel Guillaumin. Passionné, il déplore la perte du savoir-faire traditionnel, conséquence directe de l’importation de lauze. « Quand vous travaillez avec de vrais couvreurs, ils vous diront qu’ils préfèrent travailler la nôtre que celle qui vient. Mais à contrario, celle qui vient de l’étranger est calibrée donc il y a une plus grande facilité à la pause », précise-t-il. 

Cette maniabilité de la pierre venue d’Argentine, ou de Chine n’est pas sans conséquence. Dans la Corse schisteuse, du Fiumorbu au Cap, l’emploi des matériaux venus d’ailleurs vient parfois contrarier l’esthétique. Et l’importation est un frein à l’exploitation de la ressource locale.  

 


Renouvellement urbain à Ajaccio 


Focus sur Ajaccio et sa périphérie. Les immeubles et les centres commerciaux connaissent une forte expansion aux abords de la ville. C’est une nouvelle étape dans une histoire marquée aussi par des chantiers de rénovation urbaine pour retoucher des erreurs du passé.

Exemple marquant de cette politique dans le quartier des Cannes où une grande barre va laisser place à deux immeubles. Dans cette zone, les opérations de renouvellement urbain vont bon train. 

La profusion d’immeubles construits durant les Trente Glorieuses est une conséquence de l’exode rural. En moins de 60 ans, la population d’Ajaccio a doublé et l’esthétique n’était pas la priorité des promoteurs. 

Pourtant, des immeubles des années 1900-1920 témoignent qu’accroissement de la population et urbanisme cohérent ont pu faire bon ménage. Ainsi du Boulevard du roi Jérôme à la Rue Jean-Baptiste Marcaggi, les constructions illustrent le souci d’embellissement. « Entre 1850 et 1900 les grandes lignes de la ville se dessinent : des plans en damiers, des immeubles. […] On a vraiment un urbanisme qui est maîtrisé. Il s’inspire de l’urbanisme haussmannien et des règles ont été fixées qui sont applicables à toutes les villes de France », explique Pierre-Claude Giansily, historien de l'art.

Actuellement la population déborde sur les communes environnantes comme dans la plaine de Sarrola-Carcopino. L’arrière-pays ajaccien prend des airs de « plan de campagne » l’immense zone commerciale de Marseille. 

 
 

La périurbanisation


Regard croisé sur deux types de développement : la Conca d'Oru dans le rural et la périurbanisation des communes du sud de Bastia. D'un côté la valorisation de l'agriculture et du tourisme culturel, de l'autre, la périurbanisation. 

Visite guidée avec Sébastien Celeri sur la route en Bastia et Casamozza. C’est le trajet quotidien de plusieurs milliers d’habitants. En tant que président du conseil de l’ordre des architectes, il dresse un constat pessimiste : l’absence d’une réflexion urbanistique globale sur une zone de presque 20 kilomètres. 

« À la différence de ce qui fait une ville, ces endroits-là n’ont aucun espace public. Les seuls espaces de rencontre ce ne sont plus que les galeries des supermarchés. Mais on n’a aucune rue, aucune place, aucun parc. Les seuls espaces où on circule hors des bâtiments, ce sont les routes et les parkings », regrette Sébastien Celeri. 

Les communes en périphérie de Bastia, comme Furiani, ont connu le même sort que leurs homologues du grand Ajaccio. Les liens entre la plaine et le village historique sont quasi inexistants. Ce phénomène est arrivé en Corse avec 20 ans de retard vis-à-vis du continent. « Toutes les périphéries de villes françaises ont connu le même phénomène qu’on appelle péri urbanisation. On se retrouve sur des zones qui sont ni urbaines, ni rurales, mais entre les deux. La question qu’il y a aujourd’hui et qui est grave, c’est qu’on continue avec le retour d’expérience, et le constat d’échec absolu de ce modèle-là à le reproduire et en encore plus grand. C’est inquiétant », explique le président du conseil de l'ordre des architectes.  

Ce modèle implique une forte consommation de foncier. Parfois de manière inconsidérée. 

 


Bâtir en respectant le patrimoine et le paysage


L'histoire continue pour le couvent Saint François, à Sainte Lucie de Tallano. En cette matinée de juillet l'architecte et le maître d'ouvrage viennent visiter le chantier. En mars 2019 les travaux seront finis.

Pour Amélia Tavella, architecte, la restauration du couvent de Sainte de Lucie de Tallano c'est l'opportunité de travailler de concert avec les bâtiments de France. L'édifice est classé monument historique. A terme ce sera une médiathèque. Avant la livraison il y a deux étapes : la consolidation de l'existant d'abord puis l'extension. 

Le montant des travaux sous maîtrise d'ouvrage de la Collectivité de Corse s'élève à 2,7 millions d'euros. Lors de la passation du marché, l'enjeu aura été de trouver l'entreprise disposant des compétences nécessaires.

Le rôle des concepteurs est de restituer une cohérence entre le bâtiment et son environnement immédiat, au cœur de la Corse granitique. Mais le granit originel n'étant plus taillé sur place, il a fallu trouver d’autres solutions.

« Pour la strate contemporaine on a dû trouver d’autres matériaux que le granit mais tout aussi noble, le cuivre. Il ressemble au granit dans la mesure où c’est un matériaux organique, que le temps va patiner, sur lequel le temps va laisser des traces », précise l’architecte.

Nous quittons l'Alta Rocca pour le Taravu, à Santa-Maria-Sicché, toujours en compagnie d'Amélia Tavella. La lauréate du Prix Pierre Cardin architecture 2017 ainsi que du prix de la jeune femme architecte de 2016 a dessiné les plans de l'école. Cette fois nous sommes sur une création. Les chênes centenaires ont été conservés, ils bordent la construction. Le bois de charpente fait écho à la nature environnante, le granit est un clin d'œil au village en face. Là aussi, faute de ressource locale, il a fallu jouer avec un matériau venu d'ailleurs.

« On va chercher les ressources certainement un petit peu plus loin, mais ça reste méditerranéen. La réflexion je crois, de toute façon, si on veut une architecture contextuelle il ne faut pas s’arrêter au stricte contexte très local mais je trouve qu’il est intéressant d’ouvrir à la méditerranée d’une manière un petit peu plus vaste », explique Amélia Tavella.

A Sainte Marie Sicché comme à Tallano, le parti pris de l'architecte est de ne pas se laisser intimider par la beauté des sites mais plutôt de s'en nourrir.
 


Comment concilier préservation du patrimoine architectural et les envies particulières ?

A Speloncato, la population a doublé depuis les années 1950. L’architecture traditionnelle de ce village de Haute-Balagne a été modifiée au gré des rénovations. Le maire tente la concertation avec les habitants pour que les travaux de modernisations respectent les normes esthétiques traditionnelles.
Rendez-vous à A Spelunca, hôtel historique de Speloncato. C'est avec l'architecte conseil de la commune que le maire de Speloncato va rencontrer Jean-François Princivalle. Ce restaurateur s'est vu contraint de changer la vocation de son établissement. L'ancien hôtel de 17 lits est devenu chambre d'hôte, avec seulement cinq places aujourd'hui. La bâtisse du 19ème siècle n'était pas adaptée aux normes. Les exigences sont trop nombreuses.

« Il faudrait des portes coupes feu emmurer la cage d’escalier, casser les linteaux en pierre, en granit pour avoir un accès plus facile. Chose qui est totalement impossible, financièrement et techniquement par la même occasion. On nous inflige des règles de sécurité sur les bâtiments anciens qui sont identiques aux bâtiments que vous avez en bord de mer, qui viennent d’être construits. Dans une architecture ancienne comme celle-ci on ne peut pas tout détruire pour appliquer les lois françaises qui sont totalement aberrantes pour ce côté patrimonial », déplore Jean-François Princivalle, hôtelier restaurateur.

Lorsqu'il fit construire l'édifice, le cardinal Domenico Savelli, natif du village, se souciait peu de la valorisation économique du patrimoine. Presque deux siècles plus tard, c'est la préoccupation qui anime les pouvoirs publics. Trois-cents habitants vivent à l'année dans cette localité de Haute-Balagne. Depuis les années 1950 la population a doublé. Cet accroissement a généré de nombreux travaux de rénovation. La municipalité veille à ce que le bourg-centre ne soit pas défiguré. Pour cela, l'intégralité du patrimoine bâti est répertoriée. 

L'équilibre n'est pas facile à trouver lorsqu'il s'agit de maisons privées. La commune n'a qu'un pouvoir limité, elle ne peut pas contraindre. Le but est de faire de la pédagogie :  « On a créé un outil de gestion qui est aussi un outil d’assistance. La population pourra mieux connaître mieux son patrimoine, aura tous les éléments cartographiés sur une banque de données, sur une banque cartographique, il y a 19 000 informations sur le village, l’état des façades, le type de matériaux, le type de portes, le type de menuiseries, etc. Et tout ça c’est cartographié pour le donner aux personnes qui veulent faire des travaux », précise  Jacques Mattei, architecte, directeur d'un cabinet d'étude.

Le document constitue la première étape avant l'obtention d'un label SPR, site patrimonial remarquable. In fine, l'ambition est de donner au maire la possibilité de faire coexister préservation du patrimoine et initiative privée. Une enquête publique va démarrer à l'automne.

« On ne fait pas ça dans le dos des gens. On leur explique qu’il vaut mieux avoir deux pentes de toiture dans certains endroits du village, des baies vitrées plutôt à proscrire. Dans la concertation on arrive toujours à trouver le modus vivendi », explique Jean-François Poli, maire de Speloncato.
Pour les propriétaires, au-delà de l'esthétique l'enjeu est financier. La beauté doit rester compatible avec les moyens individuels.

La commune réfléchit également à des formations qui pourraient être dispensées aux entrepreneurs et artisans locaux. L'idée étant de les aider à se réapproprier les usages et les matériaux qui ont fait Speloncato au fil du temps. Cet éperon rocheux est habité depuis le haut moyen âge.


 
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