Vannina-Vassilia Schirinsky-Schikhmatoff et Natalliia Kytsenko habitent en Corse. D'origines ukrainienne et russe pour la première et ukrainienne pour la seconde, leur famille et leurs amis sont dans les zones en guerre. Elles témoignent.
Les troupes russes sont entrées à Kiev, capitale de l'Ukraine, jeudi. À la sortie de la ville, des chars, des lance-roquettes. "À 7 heures [vendredi ndlr] il y a eu les sirènes, et j'ai passé la matinée dans un abri. C'est la guerre", livre Olivier, ressortissant français et résidant de la capitale ukrainienne.
Il attend d'être extrait du pays, en guerre contre la Russie depuis deux jours, par l'ambassade. "On nous demande de ne pas prendre aucun risque, de rester chez nous, de ne répondre à personne et surtout de ne pas sortir pour attendre l'évacuation. J'avais prévu de quitter l'Ukraine pour des raisons professionnelles, mais je ne pensais pas la quitter en trois jours", continue Olivier.
Assise dans un canapé bleu, Vannina-Vassilia Schirinsky-Schikhmatoff raccroche. Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, elle passe une large partie de son temps à appeler ses amis coincés sur place, comme Olivier. "Je dors très mal, je laisse mon portable allumé toute la nuit avec Internet branché pour qu'ils puissent me joindre. Je suis très angoissée de me dire que les lignes vont être coupées et que je n'aurais plus de moyens d'avoir de leurs nouvelles", confie-t-elle.
"J'ai peur qu'ils se fassent tuer"
Corse, Vannina-Vassilia a des origines ukrainiennes et russes. Une partie de sa famille vit encore dans le pays attaqué. "Un de mes cousins est parti la veille de l'invasion. Un autre est encore sur place avec sa famille. Lui est Français, sa femme est Ukrainienne. Et elle ne veut pas partir parce que son propre frère a décidé de s'engager dans les forces armées pour aller se battre sur le front. Elle se dit, si mon frère doit se battre, alors moi, à ma manière, je vais me battre aussi. C'est très compliqué", décrit-elle.
Comme cette femme, un autre de ses amis a décidé de rester pour aider son pays. "Il est Ukrainien et travaillait à l'Institut Français. Il a tout perdu du jour au lendemain. Il se retrouve mobilisé parce qu'il est dans la tranche des 18-60 ans. Donc il doit aller se battre si on lui demande. Mais il ne veut pas attendre, et pense y aller volontairement."
Le plus difficile pour Vannina-Vassilia est "qu'ils se fassent tuer". "Mes amis ne sont pas des militaires, ils sont dans le monde de la culture. Ils n'ont jamais eu d'armes entre leurs mains. Les citoyens sont en train de prendre les armes. Et ils sont comme vous et moi. Je me dis que dès qu'ils vont sortir le nez, ils vont se faire tuer", souffle-t-elle.
"L'Ukraine a besoin d'aide"
Pour elle, les jours qui viennent seront décisifs. Mais elle considère tout de même que l'Ukraine est abandonnée et plaide pour une intervention directe au lieu des sanctions économiques. "Je ne suis pas une spécialiste de la politique. Mais à mon humble avis, Vladimir Poutine ne s'arrêtera pas. C'est un monsieur qui rêve de recréer la Russie de Pierre le Grand ou celle de la Russie soviétique. Ce qu'il est en train de faire vivre, c'est aussi dramatique pour les Russes que pour les Ukrainiens. C'est ce qui me terrifie. J'ai des gens de tous les côtés, je suis très angoissée pour les deux côtés. "
Cette angoisse, Natalliia Kytsenko la connaît aussi. Ukrainienne, elle vit en Corse depuis trois ans. Sa famille vit à Zaporijié. "Tous me parlent de bombardements, de combats entre les soldats ukrainiens et russes." "Quand je pense à ce qui se passe là-bas, je ne fais que pleurer. C'est très compliqué de parler de ce qui est en train de se passer en Ukraine. On n'avait jamais imaginé qu'une chose aussi terrible puisse se passer", dit-elle. Pour l'heure, aucun de ses amis ou de ses proches ne compte quitter le pays. "Ils sont chez eux."
La jeune femme reste dans l'incompréhension. "Notre président a demandé l'aide de l'Europe et des États-Unis, mais il n'y a pas eu de réaction. Ils disent qu'ils vont nous aider, mais l'aide dont nous avons réellement besoin, personne ne nous la donne. L'Ukraine a besoin d'aide."