Plus d'une semaine et demie après la tentative d'assassinat dont a été victime Yvan Colonna, les tensions ne faiblissent pas en Corse. Un sujet brûlant qui fait désormais sa place au sein de la campagne présidentielle, à moins d'un mois du scrutin.
Treize jours après la violente agression dont a été victime Yvan Colonna, les tensions restent toujours vives en Corse. Et à désormais moins d'un mois de l'élection présidentielle, la question corse s'est brutalement immiscée dans la campagne.
De part et d'autre de l'échiquier politique, les opposants au candidat président Emmanuel Macron ne sont pas avares de critiques à l'encontre de la gestion de la crise.
"Il y a eu un déni de démocratie"
Concernant la décision du Premier ministre de lever le statut de détenu particulièrement signalé d'Alain Ferrandi et Pierre Alessandri le 11 mars, le gouvernement a "joué la montre sur le retour des prisonniers corses", reproche la candidate Les Républicains Valérie Pécresse.
En faveur du rapprochement des prisonniers du commando Erignac, Marine Le Pen accable elle l'exécutif dans ses responsabilités dans le drame survenu à la prison d'Arles, dénonçant des conditions de détention "absolument inouïes, de nonchalance, de laxisme" d'Yvan Colonna et "la responsabilité du ministre de la Justice Eric Dupont-Moretti" dans les violences.
Toujours à l'extrême droite, Eric Zemmour estime de son côté que le nationalisme corse est le "symptôme d'une France qui n'est plus à la hauteur des attentes", avec pour cause, selon lui "l'immigration de masse".
Pour le candidat NPA Philippe Poutou, "la révolte de la population Corse, et notamment de la jeunesse Corse, qui est complètement légitime à notre avis" est le résultat d'un irrespect de "la démocratie".
"Assurons la démocratie pour une population, respectons la population dans ses revendications, y compris démocratiques. Et de ce point de vue là on est pour le droit des peuples à disposer d'eux mêmes. [...] Ca pète en Corse parce qu'il y a eu un déni de démocratie. Et heureusement que ça pète à des moments, parce que c'est comme ça que ça peut faire bouger les choses", tranche-t-il, exprimant sa "solidarité" avec les manifestants.
"On est face à un gouvernement qui ne sait pas dialoguer avec les Français"
L'annonce de la venue du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, sur l'île ces mercredi et jeudi, pour tenter d'apaiser les tentions et ouvrir la voie à un "cycle de discussions", ne trouve pas non plus grâce auprès des opposants politiques.
"On ne laisse pas pourrir une situation pendant une semaine", tance Anne Hidalgo sur franceinfo. "Lorsque ce type de situation apparaît en Corse, cette terre que nous connaissons bien et dans laquelle il y a cette revendication nationaliste autonomiste, on y va immédiatement pour dialoguer et on s'appuie sur les élus territoriaux de Corse qui sont des élus responsables", insiste la socialiste.
Avant de trancher : "on est face à un gouvernement qui ne sait pas dialoguer avec les Français, qui ne sait pas s'appuyer sur les corps intermédiaires, qui ne sait pas s'appuyer au bon moment sur les maires, sur les élus locaux."
Le député LFI Eric Coquerel suspecte lui de possibles "fausses promesses", quant au dialogue promis par le ministre. L'insoumis estime ainsi qu'à "quatre semaines d'un premier tour, ce ne peut être que des engagements fermes, sinon c'est de la démagogie".
Si le planning exact de la venue du ministre de l'Intérieur sur l'île n'a à cette heure pas encore été dévoilé, le contenu des discussions pose également question parmi les élus insulaires. Invité sur le plateau de C à vous sur France 5, Richard Ferrand, président LREM de l'Assemblée nationale, a été questionné sur le sujet.
Saluant le choix de Gérald Darmanin comme représentant de l'Etat sur l'île, "c'est un esprit agile qui sait écouter, [...] et je pense qu'il est la bonne personne pour représenter le gouvernement dans son ensemble, pour, aux côtés du préfet, trouver les conditions de l'accalmie, remettre les choses sur la table et avancer", Richard Ferrand a estimé qu'avant d'aborder la question d'une évolution vers un statut d'autonomie, "il y a un certain nombre de sujets extrêmement sérieux qui doivent être traités en Corse : l'accès au logement qui n'est pas simple, la mobilité, le problème des déchets..."
Au grand dépit, selon nos informations, de plusieurs représentants nationalistes, plus enclins, justement, à aborder une possible évolution constitutionnelle avec le ministre.
Le poids limité du vote corse
Depuis quelques jours, la question corse fait donc son nid dans les discours des candidats à la présidentielle et ceux de leur entourage.
Mais pour le politologue Jérôme Fourquet, le sujet peut toutefois difficilement prétendre à une place de choix dans la campagne, compte tenu du contexte international. "Si l'actualité continue d'être polarisée sur l'Ukraine, les Corses auront du mal à passer le mur du son, même avec ce degré de mobilisation", commente-t-il auprès de l'AFP.
Plus encore, le vote insulaire ne représente finalement qu'un poids très limité : 300.000 inscrits, sur les près de 48 millions d'électeurs Français appelés à voter.