Depuis le 16 novembre, les agriculteurs de la FDSEA de Haute-Saône se regroupent pour dénoncer le Mercosur, traité de libre-échange entre l'Union européenne et des pays d'Amérique du Sud. Première action contestataire : démonter les panneaux d'entrée des villages, les accrocher devant la préfecture avant de les échanger.
Démonter et échanger les panneaux indiquant les noms des villages. Voilà, en Haute-Saône, la première action qui marque le départ du deuxième acte de la colère des agriculteurs. Un an après d'intenses manifestations dans tout le pays, les paysans français se mobilisent à nouveau, à partir de ce week-end des 16 et 17 novembre.
Dans leur ligne de mire cette fois-ci : le Mercosur, un traité commercial entre les pays d'Amérique du Sud et l'Union européenne. Négocié depuis 25 ans, il pourrait être signé dans les prochains jours, provoquant la peur des agriculteurs qui craignent de voir déferler sur le marché français des produits alimentaires, dont la viande, à bas prix et ne respectant pas les normes européennes. Une "concurrence déloyale" qui les pousse aujourd'hui à réagir.
"Ne pas embêter le consommateur"
En Haute-Saône, la FDSEA, syndicat agricole majoritaire, et les Jeunes agriculteurs ont choisi de dénoncer ce traité d'une manière insolite. "Depuis quelques heures, nos gars décrochent tous les panneaux indiquant l'entrée des villages" explique Guillaume Faucogney, éleveur de vaches laitières à Cubry-lès-Faverney et membre de la FDSEA 70.
"On va tous les emmener pour les accrocher à la préfecture de Haute-Saône, à Vesoul, devant laquelle on organise un barbecue avec de la viande française" continue-t-il. "Puis on échangera les panneaux et on les raccrochera au mauvais endroit".
Sur les panneaux, on va coller un autocollant : "vous êtes perdus, nous aussi". Il y a une symbolique derrière : les automobilistes seront perdus, comme nous le sommes depuis des années dans notre profession.
FDSEA 70
Comme annoncé, plusieurs panneaux ont été décrochés durant le week-end, et les agriculteurs sont actuellement en route, ce dimanche 17 novembre, pour les installer sur la préfecture de Vesoul.
"Au printemps, on avait retourné les panneaux, donc il y a une forme de continuité" justifie Christophe Ruffoni, exploitant agricole à Dampierre-sur-Salon (Haute-Saône). "On veut par là informer les Français et montrer aux politiques que nous ne lâcherons rien, alors que les négociations sur le Mercosur au siège de l'Union européenne commencent dans quelques jours".
"Ne pas retourner le consommateur contre nous"
Mais est-ce la bonne solution ? Échanger les panneaux n'aura-t-il pas un impact négatif sur les consommateurs, sans toucher les décideurs européens ? "Non, on pense qu'il n'y aura pas de réelles incidences sur la population" explique-t-on du côté de la FDSEA 70.
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"On aimerait bien monter à Bruxelles, mais on n’a pas forcément les moyens d'abandonner la ferme pendant plusieurs jours" reprend Guillaume Faucogney, agriculteur à Cubry-lès-Faverney. "Et puis on ne veut pas réitérer les blocages routiers de janvier, qui ont impacté la population" ajoute Christophe Ruffoni. "La population a des problèmes, comme nous. Il ne faudrait pas retourner le consommateur contre nous. On veut juste interpeller les pouvoirs publics".
Les manifestations de début 2024 ont amélioré certaines choses : achat facilité du gazole, moins de normes, certains actes administratifs simplifiés. Mais le quotidien est toujours difficile. En plus du Mercosur, on souffre de l'instabilité politique.
Guillaume Faucogney,agriculteur à Cubry-lès-Faverney et membre de la FDSEA 70
Dans le viseur de la FDSEA 70 : le projet de loi d'orientation agricole, cheval de bataille depuis de longs mois, qui, en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale et de l'absence de gouvernement durant les Jeux olympiques, n'a toujours pas été débattu par le Parlement. "On est dans le flou complet" estime Guillaume Faucogney. "Donc ces premières actions, c'est aussi par rapport à ça. On veut que cette loi soit votée".
Vers un durcissement du mouvement agricole ?
Une question se pose désormais. Ces démontages et échanges de panneaux seront-ils les seuls signes de protestation de l'hiver ? "Certainement pas" répond Guillaume Faucogney. "Sur le Mercosur, on ne va pas lâcher. Les discussions au sein de l'UE peuvent durer jusqu'en décembre. D'ici là, on pourrait durcir nos actions". "Il en va de la survie de nos exploitations" ajoute Christophe Ruffoni, céréalier à Dampierre-sur-Salon. "On s'est déjà fait avoir tant de fois déjà".
Vous l'aurez compris : interpeller, oui, mais bloquer, non, tel est le mot d'ordre. Un état d'esprit répété par Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA. Interrogé sur BFM ce 17 novembre, il a indiqué que si les actions de son syndicat pourraient provoquer des "restrictions de circulation", aucun blocage n'est au programme.
Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a lui fixé les lignes rouges à ce mouvement de colère agricole : "pas d'atteintes aux biens, pas d'atteintes à plus forte raison aux personnes, et pas d'enkystement, pas de blocage durable parce que sinon, ce sera tolérance zéro" a-t-il annoncé sur RTL. "Autrement, nous n'hésiterons pas à mobiliser les forces mobiles pour que l'on puisse assurer la liberté de circulation". Voilà qui est dit.