Ce samedi vers 11 heures, un cadavre de génisse a été déposé par des agriculteurs devant la sous-préfecture de Pontarlier. Les éleveurs du Haut-Doubs veulent marquer les esprits et dénoncent 68 vaches tuées par le prédateur en 3 ans. Une délégation a été reçue par les services de l'État.
C'est un "coup de gueule" sanglant. Une cinquantaine d'agriculteurs du Doubs étaient présents ce matin à Pontarlier pour une action volontairement visible de tous. Devant la sous-préfecture, située en plein centre-ville, un tracteur a suspendu une génisse morte aux barreaux de l'une des fenêtres des services de l'État.
68 vaches tuées et 46 blessées en 3 ans
"Depuis 3 ans, le loup est revenu dans notre département, on en est aujourd'hui à 68 bovins tués et 46 génisses blessées", a dénoncé Florent Dornier, président de la FDSEA du Doubs, qui organisait l'action avec les Jeunes Agriculteurs du Doubs.
La génisse, retrouvée morte vendredi 8 novembre sur la commune des Verrières, selon la FDSEA, aurait été prédatée par le loup, une information que les services de l'État n'ont pas confirmée. Alors que les attaques se succèdent dans le département, des opérations de tirs de défense ont été menées à plusieurs reprises contre le prédateur.
Malgré cette régulation de l'animal, qui bénéficie d'un statut de protection au niveau européen, les agriculteurs dénoncent une situation d'impasse. "Depuis 3 ans, on nous a demandés d'être dans un dialogue, dans des expérimentations, c'est ce que l'ensemble des agriculteurs de ce territoire ont fait", a déploré Florent Dornier, juché sur un banc en pleine rue.
Dans le viseur des agriculteurs : les actions en justice des pro-loup
Formation, achat de chiens de protection, ânes, parcs de nuit, mélange des troupeaux, genisses rentrées le soir, le président de la FDSEA du Doubs a rappelé les démarches menées par les agriculteurs pour se protéger du loup.
"Malgré cela, un collectif d'associations [...] mettent l'État au tribunal et portent plainte contre 44 tirs de défense simple", a fustigé Florent Dornier, citant Ferus, Vigie Jura, la LPO, le Pôle grand prédateurs et France Nature Environnement.
Ces associations ont en effet déposé, en octobre dernier, un recours contre l’expérimentation de tirs territorialisés sur la zone AOP comté du département, autorisée en juin par la préfète coordinatrice du Plan national d'action loup 2024-2029, après de longs mois d'échanges avec les éleveurs. Cette expérimentation, menée sur 17 communes et plus d’une centaine d’exploitations agricoles dans le secteur de Mouthe, autorise des tirs létaux "en situation de prédation" sur une zone déclarée "non protégeable."
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En août dernier, des associations de défense de l'environnement avaient par ailleurs annoncé avoir saisi le Conseil d'État pour protester contre la régulation du loup.
Je les accuse aujourd'hui de calomnie et de trahison. Ils pointent du doigt les agriculteurs en disant qu'ils n'ont rien fait, c'est inadmissible. C'est des centaines d'agriculteurs qui ont perdu le sommeil.
Florent Dornier, président de la FDSEA du Doubs
"Ras-le-bol" et "peur" des éleveurs, discrétion de l'État
Par cette action "coup de poing", les agriculteurs présents disent exprimer un "ras-le-bol", et assurent qu'ils n'en resteront pas là. "C'est la première, mais c'est pas la dernière", a menacé Florent Dornier. "Chaque fois que l'État refusera un tir de défense simple aux agriculteurs, la carcasse finira devant la sous-préfecture, devant la préfecture, ou devant la DDT (Direction Départementale des Territoires, NDLR)."
En juin 2024, deux arrêtés préfectoraux datant d’octobre 2022 et autorisant des tirs de défense contre le loup dans le département avaient été annulés par la justice.
"Y'en a marre", lance un autre éleveur dans le groupe, suivi d'un porte-parole des Jeunes Agriculteurs : "C'est pas acceptable que des jeunes aient peur de s'installer sur notre territoire, dû à la prédation."
"Depuis 3 ans, on nous a demandés de tenir une ligne de crête. [...] on est dans l'action, pas dans la communication, et malgré tout ça ne porte pas ses fruits, parce que ça finit quand même au tribunal, on nous prend pour des amateurs", a grondé le président de la FDSEA, Florent Dornier, dénonçant encore "une grande trahison de certaines associations."
"L'objectif, c'est pas de tout casser", a-t-il tempéré, avant qu'une délégation soit reçue par le directeur adjoint de la DDT et le secrétaire général de la sous-préfecture. Une réunion que les services de l'État n'ont, pour l'heure, pas souhaité commenter.
6 loups abattus en 2024 dont 4 dans le Doubs
Ce vendredi 8 novembre, les services de l'État dans le Doubs ont confirmé à France 3 Franche-Comté l'abattage d'un loup lors d'un tir de défense simple aux Fourgs, le vendredi 25 octobre dernier.
L'opération a été menée alors que le loup était "en situation d'attaque" par un binôme de lieutenants de louveterie suite à une prédation constatée le matin même sur l'exploitation, selon la préfecture. Il s'agit du quatrième loup abattu dans le Doubs depuis le début de l'année 2024.
Un cinquième loup avait été blessé par un tir de louvetier dans la nuit du 25 au 26 septembre sur la commune des Fourgs, mais son cadavre n'avait pas été retrouvé selon la préfecture.
Pour l’année 2024, le plan national loup prévoit que 209 loups pourront être abattus en France en cas d’attaques. C’est 19 % de la population de loups qui pourra ainsi être prélevée dans des conditions bien précises.
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