Cinq associations de défense de l'environnement ont annoncé avoir saisi le Conseil d'État le 15 août 2024 pour protester contre la régulation du loup. Elles ont déposé un recours contre le gouvernement français pour "excès de pouvoir", après l'abattage de plusieurs canidés ces dernières semaines.
Nouvel épisode juridique autour du loup et de sa régulation dans l'Hexagone. Mardi 17 septembre, les associations Ferus, l'Aspas, France Nature Environnement, Humanité et biodiversité et la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux) ont annoncé dans un communiqué "avoir saisi le Conseil d'État d’un recours contre le gouvernement français pour excès de pouvoir".
Une saisine qui a eu lieu il y a déjà quelques semaines, le 15 août 2024, mais qui a été médiatisée ces derniers jours "après les attaques survenues contre des loups dans le Doubs" explique Bernard Marchiset, président de la LPO Bourgogne-Franche-Comté. "On a eu deux loups tués en deux semaines fin août-début septembre, après des tirs légaux autorisés par les autorités. Cela doit s'arrêter".
La crainte : l'éradication de l'espèce
En effet, deux louves avaient été abattues dans le Doubs les 24 août et 6 septembre 2024, dans le même secteur du Haut-Doubs, autour de la commune de Mouthe, zone où la préfecture avait autorisé des tirs d'effarouchement ou de défense en cas d'attaques répétées et dans des conditions bien précises. Des tirs légaux, mais dénoncés par les associations comme "une solution de facilité dangereuse et surtout inutile".
Les préfectures autorisent des tirs à titre "d'expérimentation". Mais on sait que souvent, les expérimentations durent dans le temps. Et on ne veut pas aller jusqu'à l'éradication de l'espèce.
Bernard Marchiset,président de la LPO Bourgogne-Franche-Comté
C'est pour éviter cette situation que les associations ont décidé d'agir. Alors que le loup fait partie des espèces protégées par la Convention de Berne, "le gouvernement s’entête à poursuivre un usage abusif des tirs dérogatoires, négligeant l’avis des scientifiques et bafouant même le droit européen" dénoncent Ferus, l'Aspas, France Nature Environnement, Humanité et biodiversité et la LPO.
"Le loup reviendra quoi qu'il arrive"
Dans leur viseur, les dérogations accordées par les préfectures permettant de placer des territoires en "zone de non-protégeabilité", où les tirs sont facilités. "Pour cela, il faut que certaines conditions soient requises" rappelle Bernard Marchiset. "Il faut que les tirs ne nuisent pas au maintien de l'espèce, qu'il ait été prouvé que les loups ont fait des dommages importants, et que toutes les autres solutions de protection aient été mises en place".
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Or, selon les associations de protection de l'environnement, ce n'est pas le cas. À ce titre, cette saisine vise à abroger "l’arrêté du 21 février 2024 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup" et à remettre en question le dernier plan loup 2024-2029, qui simplifiait les protocoles de tirs et augmentait le quota de loups pouvant être abattus.
On veut porter cette cause sur le plan national. Faire entrer dans les consciences qu'abattre les loups ne sert à rien. L'espèce est durablement implantée en France et reviendra quoi qu'il arrive. Les tirs ne font que déstabiliser les meutes.
Bernard Marchiset,président de la LPO Bourgogne-Franche-Comté
Mais que proposent ces associations en colère, alors que selon la préfecture du Doubs "depuis février 2024, 16 attaques ont été recensées dans le département [...] et plusieurs dizaines de bovins ont été blessés ou tués" ? "L'anticipation et l'accompagnement" prône Bernard Marchiset. "Il faut mettre en œuvre le triptyque de protection qui a fait ses preuves : chiens de protection, clôtures et présence humaine auprès des troupeaux".
Ce recours a-t-il une chance de changer la donne ? C'est ce qu'espèrent de tout cœur ceux qui l'ont déposé. "Nous avions déjà demandé le retrait de l'arrêté du 21 février 2024 aux ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique, par l’intermédiaire d’un recours gracieux déposé le 22 avril 2024" reprend Bernard Marchiset. "Sans succès. Nous portons donc l'affaire devant le Conseil d'État".
La population de loups en baisse de 9 % en 2023
Pour les associations, la facilitation des tirs contre les loups est avant tout une "volonté politique". "Il est possible de débloquer des fonds et de mettre en place un réel schéma de mesures permettant la cohabitation entre humains et loups" explique la LPO. "Il faut juste avoir envie de le faire". Et l'organisme de pointer du doigt la baisse de la population du loup en 2023 (autour de 9 %), comme conséquence des autorisations de tirs.
Dans le Doubs, la thématique du loup défraye la chronique depuis la réapparition de l'espèce, il y a une grosse dizaine d'années. Deux visions très éloignées s'affrontent. Alors que les revendications des associations tendent vers un renforcement de la protection du canidé, la majorité des syndicats agricoles souhaite l'opposé : que le loup ne soit plus classé parmi les espèces protégées.