"Un très mauvais signal" : deuxième loup abattu en deux semaines dans le Haut-Doubs, les associations montent au créneau

Vendredi 6 septembre, un loup a été abattu par des lieutenants de louvèterie à Mouthe (Doubs). Un tir légal, réalisé dans le cadre d'un tir de défense alors que le loup attaquait un troupeau de bovins. Un deuxième spécimen abattu en moins de 15 jours dans le département, au grand dam des associations.

Un deuxième loup abattu en moins de deux semaines dans le Doubs. Samedi 7 septembre, la préfecture du département a annoncé, par voie de communiqué, qu'un loup avait été tué la veille par "un binôme de lieutenants de louveterie" sur "une parcelle prédatée" à Mouthe (Doubs).

Ce tir a eu lieu "lors d'une opération de défense d'un troupeau de bovins", alors que "trois loups étaient observés en situation d'attaque". Dans sa communication, la préfecture a déclaré que tout avait été fait dans les règles, en rappelant que "ce tir a été réalisé dans le cadre d’un tir de défense simple prévu par l’arrêté ministériel du 21 février 2024 et autorisé par arrêté préfectoral en date du 7 août 2024".

"On est écœuré, dégoûté"

De plus, le communiqué explique que "les constatations faites par l’OFB quelques moments après le tir, établissent qu’il a été réalisé dans les conditions requises par la réglementation". De nombreuses précisions, essentielles pour déminer un terrain sensible. En effet, une autre louve avait été abattue dans le même secteur le 24 août dernier, selon les mêmes circonstances.

Depuis février 2024, 16 attaques ont été recensées dans le département, dont 5 sur la commune de Mouthe. Plusieurs dizaines de bovins ont été blessés ou tués.

Préfecture du Doubs

Deux loups tués en moins de deux semaines, une rareté en Franche-Comté. Et forcément, des voix se sont élevées pour dénoncer le traitement réservé aux canidés. "On est écœuré, dégoûté, mais pas étonné" confie Patrice Raydelet, président du Pôle Grands Prédateurs, à France 3 Franche-Comté. "Ces deux tirs, ces deux loups morts, c'est dans la droite lignée de la politique mise en place en France actuellement".

Dans son viseur notamment, le dernier Plan loup (2024-2029), détaillé par le gouvernement en septembre 2023. Un texte qui avait très vite fait débat : les associations de défense de la nature ont fustigé des mesures totalement déséquilibrées, qui "ouvrent des possibilités très nombreuses de destruction de loups", espèce protégée par la Convention de Berne. 

Le dernier plan loup a simplifié les protocoles de tirs

En effet, le loup, même s'il reste une espèce protégée, peut faire l'objet de tirs d'effarouchement ou de défense en cas d'attaques répétées et dans des conditions bien précises. Ce qui est le cas à Mouthe sur décision de la préfecture du Doubs.

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De plus, le dernier plan loup a simplifié les protocoles de tirs et fixé un quota pour 2024 : 209 loups pourront être abattus, soit 19 % de la totalité des loups en France. Dans le même temps, des associations de défense de l'environnement avaient pointé du doigt la baisse de 9 % de la population de loups en 2023.

On a peur que, petit à petit, on glisse vers l'extinction. Ce qui nous ferait reculer d'un siècle. Cette décision de faciliter les tirs est un choix politique qui ne répond à aucune logique du point de vue de la biodiversité.

Patrice Raydelet,

président du Pôle Grands Prédateurs

"Quand j'ai su ça, j'ai été vraiment découragé" complète Natacha Bigan, coordinatrice de l'association Ferus dans le Massif du Jura. "Ces deux abattages sont un mauvais signal pour tous les agriculteurs. C'est comme si on leur disait : "pourquoi chercher des moyens de protections pour que les espèces cohabitent alors qu'on peut les tirer " ? Cela vient détruire tous nos efforts".

Le tir ? "Une solution de facilité inutile" selon les associations

Par efforts, Natacha Bigan pense notamment à un dispositif de bénévoles proposé par Ferus pour protéger les troupeaux des agriculteurs qui en font la demande. "Et ça marche" renchérit-elle. "Dans le secteur de Mouthe, on a un éleveur implanté dans une zone avec des autorisations de tir qui participe. Eh bien il a décidé de ne plus faire appel aux louvetiers. Pas par conviction, mais, car notre dispositif fonctionne".

Pour Patrice Raydelet, ces solutions alternatives à l'abattage de loups devraient être plus encouragées par les décideurs politiques, et plus utilisées par les éleveurs. "Clôtures électrifiées, colliers ultrasons, gardiennages renforcés par une présence humaine ou des patous... Il existe des solutions sous-utilisées. Le tir est ici une solution de facilité inutile, car ce n'est pas ça qui empêchera le loup de revenir. C'est déraisonnable."

Quid de la situation autour de Mouthe ? Les tirs sont-ils la seule solution pour protéger les troupeaux ? Dans son communiqué, Rémi Bastille, préfet du Doubs, précise que "compte tenu de la fréquence des prédations sur bovins, des expérimentations sont menées dans le val de Mouthe afin de définir des modalités de protection des troupeaux bovins adaptées à notre territoire et à notre élevage".

Entre associations et syndicats agricoles, des positions irréconciliables ?

Dans le Doubs, la thématique du loup défraye la chronique depuis la réapparition de l'espèce, il y a une grosse dizaine d'années. Alors que les revendications des associations tendent vers un renforcement de la protection du canidé, la majorité des syndicats agricoles souhaite l'opposé : que le loup ne soit plus classé parmi les espèces protégées. Deux visions très éloignées, s'affrontant parfois devant la justice.

Ainsi, en juin dernier, le tribunal administratif de Besançon avait annulé deux arrêtés préfectoraux autorisant des tirs contre le loup pour protéger des troupeaux installés dans le même secteur du département du Doubs, à Chaux-Neuve et à la Chapelle d'Huin.

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Le tribunal administratif avait rappelé que "le loup est une espèce protégée en vertu du droit européen" dont "la destruction est donc en principe interdite", même si "la loi prévoit des dérogations pour prévenir des dommages importants à l'élevage".

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