Mardi 28 mai, trois associations environnementales demandent devant le tribunal administratif de Besançon (Doubs), l'annulation de deux arrêtés préfectoraux autorisant des tirs de défense contre le loup. Un jugement symbolique sur un sujet explosif.
"Une solution de facilité inutile et dangereuse pour le loup". Ce mardi 28 mai, les associations Ferus, One Voice et le Pôle Grands Prédateurs avaient rendez-vous devant le tribunal administratif de Besançon (Doubs). La justice devaient examiner deux recours, déposés par les trois organismes, qui réclament l'annulation de deux arrêtés de la préfecture du Doubs émis le 10 octobre 2022. Ces derniers autorisaient des "tirs de défense simple" après des attaques de loups.
Les arrêtés préfectoraux avaient été publiés à la suite de plusieurs attaques contre des troupeaux de bovins du GAEC de la Combe des Cives, à Châtelblanc, et du GAEC de la Vie Pont, à Chapelle-d'Huin. Pour mettre fin à ses attaques, le préfet du Doubs avait classé ce territoire en zone de "non-protégeabilité", autorisant ainsi les tirs de défense simple, où un ou deux tireurs peuvent intervenir seuls.
"On veut prouver que ces recours sont illégaux"
Ce qui hérisse Bertrand Sicard, membre de l'association Ferus. "On veut prouver que ces décisions sont illégales" explique-t-il. "Les modalités des zones de non-protégeabilité sont très floues, et ces recours ne respectent pas les critères nécessaires pour obtenir l'autorisation de tirs".
Selon la loi française, les dérogations à la protection stricte du loup, espèce "strictement protégée" sur le territoire européen, ne sont en effet permises que si :
- la dérogation ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de l’espèce dans son aire de répartition naturelle
- la dérogation doit s’inscrire dans un cadre prédéfini, justifiant un intérêt à agir (ici, prévenir des dommages importants à l’élevage)
- il ne doit pas exister d’autre solution satisfaisante pouvant être mise en œuvre.
La population du loup en baisse selon les associations environnementales
"Or ici, aucun de ses critères n'est rempli" reprend Bertrand Sicard. "Les troupeaux attaqués n'étaient pas gardés, et rien n'a été mis en place pour les protéger avant l'autorisation de tirs. De plus, la loi ne mentionne pas ce que représentent les "dommages importants" à l'élevage. Deux bêtes, ou un troupeau entier ? On veut des explications".
Enfin, cette dérogation nuit grandement à l'état de conservation du loup, qui a vu sa population baisser de 9 % en 2023.
Bertrand Sicard,membre de l'association Ferus
Selon un communiqué publié le 23 mai dernier, plusieurs associations ont estimé que la population de loups en France avait en effet baissé de 9% sur un an. Un constat qui vient rouvrir le débat sur la protection de l'espèce et le nombre de tirs de défense autorisés, alors qu'un nouveau plan "loup" portant sur les années 2024-2029 en France, publié fin 2023 évoque la possibilité de revoir le statut de l’animal.
Un texte qui a très vite fait débat : les associations de défense de la nature ont fustigé des mesures totalement déséquilibrées, qui "ouvrent des possibilités très nombreuses de destruction de loups", espèce protégée par la Convention de Berne. "On vient aussi devant la justice pour débattre sur le fond de ces arrêtés et, in fine, du dernier plan loup" reprend Bertrand Sicard.
On espère l'emporter pour créer une jurisprudence en faveur de l'animal, qui pourrait influencer et renforcer les mesures de protections européennes du loup.
Bertrand Sicard,membre de l'association Ferus
Du côté des syndicats agricoles, la revendication principale est à l'opposé : que le loup ne soit plus classé parmi les espèces protégées. Deux visions très éloignées. Voire irréconciliables ? Le tribunal administratif a placé la décision en délibéré, et se prononcera "dans trois semaines".