En discussion depuis 25 ans, le traité commercial de libre-échange entre l’UE et plusieurs pays d’Amérique du Sud pourrait bien être signé dans les prochaines semaines. En France, où le gouvernement tente d’imposer un véto à cet accord, le monde agricole s’inquiète des importations massives de viande et de céréales. De multiples actions sont prévues à compter de ce week-end.
Mélanie Gruet, la présidente des Jeunes Agriculteurs (JA) du Doubs, n’y va pas par quatre chemins. La mobilisation annoncée pour les prochains jours dans toute la France, à l’appel de la FNSEA, “C’est prévenir de la future mort de l’agriculture.”
Un an après des manifestations d’ampleur dans toute la France, qui avaient révélé, une fois de plus, les raisons de la crise qui secoue la profession, les agriculteurs seront de nouveau sur les routes à compter de ce week-end pour exprimer leur colère face à une nouvelle menace : le Mercosur.
Des coûts de production et des normes qui diffèrent
Le traité de libre-échange entre l’Union Européenne et plusieurs pays d’Amérique du Sud (Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et la Bolivie), est discuté depuis près de 25 ans, et il pourrait être signé dans les prochaines semaines. Conséquence directe sur les exploitations agricoles : la crainte de voir débarquer en France des millions de tonnes de viande à prix cassé qui n’auront pas l’obligation de respecter les normes en vigueur dans le vieux continent.
“Ce qui est rageant, c'est que c’est une politique européenne, on a l’impression que c’est une bataille perdue d’avance, soupire Mélanie Gruet. Il y a un an, on parlait du revenu, là, c'est le principal risque, les normes, on n'est pas sur le même pied d’égalité.”
Si la Commission européenne assure que : "Tout produit du Mercosur doit respecter les normes strictes de l’UE en matière de sécurité alimentaire", la question de la traçabilité de la naissance à l’abattage des produits n’est, elle, pas assurée.
Le Mercosur nous fait sortir de nos gonds. On ne peut pas dire qu’il faut faire monter en gamme l’agriculture française, et qu’à côté de ça on aille chercher de la viande de l’autre côté de l’Atlantique”
Florent Dornier, président FDSEA du Doubs.
Bâchage et démontage de panneaux prévus
Chez les JA du Doubs, la mobilisation "attaquera lundi soir”, affirme Mélanie Gruet. "On va garder un peu de surprise” sur le mode d’action, mais elle se fera sur le “principe de l’année dernière”, “en lien avec les panneaux des villages. C’est le mot d’ordre national.”
“Ce ne sera pas démonté”, prévoit la présidente doubienne des JA. Mais elle avertit : “C’est le premier acte, l’idée, c'est d’y aller crescendo.”
Alors que plusieurs communes, un an après, ont encore leurs panneaux retournés, ils vont donc de nouveau illustrer la mobilisation agricole. Du côté de la Coordination rurale de Haute-Saône, des "bâchages" sont prévus dès ce week-end, à l’image des multiples actions du syndicat sur les radars routiers. “Pas de dégradation, pas de signalisation pliée, quelque chose de propre. Il y aurait des répercussions en cas de dégâts”, prévient Florian Dirand, président pour le syndicat en Haute-Saône.
Le mot d’ordre, ce serait les centrales d’achat. C’est un levier assez important pour garder la pression. Si on bloque les centrales, les grandes surfaces vont secouer le gouvernement.
Florian Dirand, président pour le syndicat en Haute-Saône.
La CR, qui représente 20% des agriculteurs en France, prévoit d’enclencher la mobilisation après son congrès national, prévu en début de semaine. Pas d’empressement donc, plutôt la volonté de “maintenir un mouvement sur la durée”, espère Florian Dirand.
De son côté, la FDSEA de Haute-Saône a prévu un barbecue dimanche soir devant la préfecture du département à Vesoul. “Démontage des panneaux dans les communes, les emmener à la préfecture, et les échanger avec les communes voisines”, prévoit Emmanuel Aebischer, président de la FDSEA 70.
Quand les automobilistes vont arriver dans une commune, ils verront ce message : “Si vous êtes perdus, nous aussi."
Emmanuel Aebischer, président de la FDSEA 70.
Dans le Jura, les JA ont prévu deux rassemblements et des feux d’opposition à partir de 18 h 45 lundi soir, boulevard de l’Europe à Lons-le-Saunier et place de l’Europe à Dole, selon une information du Progrès.
Les JA du Jura ont également prévu de rebaptiser les noms des villages avec des villes sud-américaines, un mode d’action observé également en Bourgogne.