Panneaux démontés, blocages, comment vont se mobiliser les agriculteurs de Franche-Comté, "à bout" face au Mercosur

En discussion depuis 25 ans, le Mercosur, traité commercial de libre-échange entre l’Union européenne et plusieurs pays d’Amérique du Sud pourrait bien être signé dans les prochaines semaines. En France, où le gouvernement tente d’imposer un véto à cet accord, le monde agricole s’inquiète des importations massives de viande et de céréales. De multiples actions sont prévues à compter de ce week-end du 16 et 17 novembre.

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Mélanie Gruet, la présidente des Jeunes Agriculteurs (JA) du Doubs, n’y va pas par quatre chemins. La mobilisation annoncée pour les prochains jours dans toute la France, à l’appel de la FNSEA, “C’est prévenir de la future mort de l’agriculture.” 

Un an après des manifestations d’ampleur dans toute la France, qui avaient révélé, une fois de plus, les raisons de la crise qui secoue la profession, les agriculteurs seront de nouveau sur les routes à compter de ce week-end pour exprimer leur colère face à une nouvelle menace : le Mercosur. 

Des coûts de production et des normes qui diffèrent 

Le traité de libre-échange entre l’Union européenne et plusieurs pays d’Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie), est discuté depuis près de 25 ans, et il pourrait être signé dans les prochaines semaines. Conséquence directe sur les exploitations agricoles : la crainte de voir débarquer en France des milliers de tonnes de viande à prix cassé qui n’auront pas l’obligation de respecter les normes en vigueur dans le vieux continent. 

Ce sont toujours les paysans qui trinquent et les multinationales qui tirent profit de ces traités.

Jérôme Gaujard, porte-parole de la Confédération Paysanne BFC

“Ce qui est rageant, c'est que c’est une politique européenne, on a l’impression que c’est une bataille perdue d’avance, soupire Mélanie Gruet. Il y a un an, on parlait du revenu, là, c'est le principal risque, les normes, on n'est pas sur le même pied d’égalité.”

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Si la Commission européenne assure que : "Tout produit du Mercosur doit respecter les normes strictes de l’UE en matière de sécurité alimentaire", la question de la traçabilité de la naissance à l’abattage des produits n’est, elle, pas assurée. 

Le Mercosur nous fait sortir de nos gonds. On ne peut pas dire qu’il faut faire monter en gamme l’agriculture française, et qu’à côté de ça on aille chercher de la viande de l’autre côté de l’Atlantique” 

Florent Dornier, président FDSEA du Doubs. 

Bâchage et démontage de panneaux prévus 

Chez les JA du Doubs, la mobilisation "attaquera lundi soir”, affirme Mélanie Gruet. "On va garder un peu de surprise” sur le mode d’action, mais elle se fera sur le “principe de l’année dernière”, “en lien avec les panneaux des villages. C’est le mot d’ordre national.” 

Alors que plusieurs communes, un an après, ont encore leurs panneaux retournés, ils vont donc de nouveau illustrer la mobilisation agricole. “Ce ne sera pas démonté”, prévoit la présidente doubienne des JA. Mais elle avertit : “C’est le premier acte, l’idée, c'est d’y aller crescendo.” 

Du côté de la Coordination rurale de Haute-Saône, des "bâchages" sont prévus dès ce week-end, à l’image des multiples actions du syndicat sur les radars routiers. “Pas de dégradation, pas de signalisation pliée, quelque chose de propre. Il y aurait des répercussions en cas de dégâts”, prévient Florian Dirand, président du syndicat en Haute-Saône. 

Le mot d’ordre, ce serait les centrales d’achat. C’est un levier assez important pour garder la pression. Si on bloque les centrales, les grandes surfaces vont secouer le gouvernement. 

Florian Dirand, président pour le syndicat en Haute-Saône. 

La Coordination Rurale, qui représente près de 20% des agriculteurs depuis les dernières élections professionnelles, prévoit d’enclencher la mobilisation après son congrès national, prévu en début de semaine. Pas d’empressement donc, plutôt la volonté de “maintenir un mouvement sur la durée”, espère Florian Dirand.  

La FDSEA du Doubs annonce quant à elle des actions "à partir de lundi soir sur tout le territoire", sans plus de précisions pour l'heure. De son côté, la FDSEA de Haute-Saône a prévu un barbecue dimanche soir devant la préfecture du département à Vesoul. “Démontage des panneaux dans les communes, les emmener à la préfecture, et les échanger avec les communes voisines”, prévoit Emmanuel Aebischer, président de la FDSEA 70.  

Quand les automobilistes vont arriver dans une commune, ils verront ce message : “Si vous êtes perdus, nous aussi." 

Emmanuel Aebischer, président de la FDSEA 70. 

Dans le Jura, les JA ont prévu deux rassemblements et des feux d’opposition à partir de 18 h 45 lundi soir, boulevard de l’Europe à Lons-le-Saunier et place de l’Europe à Dole, selon une information du Progrès

Les JA du Jura ont également prévu de rebaptiser les noms des villages avec des villes sud-américaines, un mode d’action observé également en Bourgogne et prévu pour ce lundi par la FDSEA du Territoire de Belfort. "L'idée, c'est d’avoir de la visibilité", affirme Jean-Noël Monnier, le président de la FDSEA 90, qui compte bien être reçu en préfecture. "En fonction des rendez-vous avec le préfet, on adaptera les actions", prévient-il.

Une profession découragée, "à bout" ...

Si le Mercosur est un déclencheur important de cette énième mobilisation du monde agricole en France, le contexte était particulièrement lourd depuis plusieurs mois, contextualise Mélanie Gruet. 

“C’est une ambiance particulière, une année particulière niveau climatique, lâche la présidente des JA du Doubs. Le moral est vraiment dans les chaussettes. Entre le climat, les maladies, plus le revenu, je comprends qu’il y ait des secteurs qui soient à bout. On sait même plus quoi faire pour se faire entendre.” 

“Jeux olympiques, absence de gouvernement, on tourne en rond”, persifle de son côté Florent Dornier le président de la FDSEA du Doubs, qui déplore le temps perdu autour de loi d’orientation agricole. “On a énormément d’attente sur la reprise de cette loi. Le remaniement (après la dissolution de l’Assemblée nationale, ndlr) a mis une fin brutale à ce sujet-là. C’était la douche froide.” 

L'année dernière, c'était dans les plus fortes [mobilisations] qu’on a connues ces dernières années, quand on voit où on arrive un an après, c’est vraiment un sentiment de lassitude. C’est décourageant de voir qu’en est encore là aujourd'hui. 

Mélanie Gruet, présidente des Jeunes Agriculteurs du Doubs 

Présidente des Jeunes Agriculteurs du Doubs depuis mai 2023, Mélanie Gruet note un “moral en berne” chez les 600 exploitants du syndicat. “Nous, on est plutôt dans la phase d’installation, beaucoup de jeunes se découragent quand ils voient la charge administrative qui pèse sur les exploitations, la peur de mal faire.” 

... À quelques semaines des élections professionnelles

Cette mobilisation intervient à quelques semaines des élections professionnelles, qui renouvelleront les membres des chambres d’agriculture dans chaque département, en janvier 2025. Un contexte politique qu’il faut garder à l’esprit, selon Jérôme Gaujard, porte-parole de la Confédération Paysanne en Bourgogne Franche-Comté. 

“Il y a une part d’opportunisme. Les enjeux électoraux ne sont pas innocents là-dedans.” Le porte-parole du troisième syndicat de France, avec 19% des résultats aux dernières élections, affirme que le combat contre ce type de traité doit être permanent. 

On réaffirme notre opposition aux accords de libre-échange, pas seulement contre le Mercosur, pas seulement dans une période électorale.  

Nicolas Girod, confédération paysanne du Jura

 “Ça fait des années qu’on se bat contre ça.” "On est aussi bien contre les traités qui sont en notre faveur que ceux en notre défaveur”, grince Jérôme Gaujard, ciblant personnellement le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau.

“Il dit qu’on ne l’acceptera pas en l’état (le Mercosur, ndlr) mais il ne remet pas en cause le principe lui-même.” Et de citer les traités “avec le Canada, la Nouvelle-Zélande” contre lesquels le premier syndicat agricole de France ne s’était pas opposé, “comme ça faisait peut-être un peu plus les affaires de M. Rousseau, on n’a pas entendu la FNSEA.” 

Si la Confédération Paysanne ne compte pas “se précipiter et courir après la FNSEA”, renchérit Nicolas Girod, ancien porte-parole national du syndicat, Jérôme Gaujard affirme que des actions auront lieu nationalement et en région.  

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