Tourisme : la nature, une valeur refuge en temps de Covid ?

Les activités de plein air ont été plébiscitées par les touristes qui ont choisi la Corse pour leurs vacances. Un engouement qui ne semble pas pour autant capable de sauver la saison estivale. Certains professionnels sont restés sur le bord du chemin. 

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Lucas touche enfin le sol, et sur son visage, l'excitation est mêlée de soulagement. 
Le petit garçon d'une dizaine d'années vient de descendre en rappel d'un arbre, accroché à Paul, l'un des opérateurs cordistes du Parc Aventure de Vizzavona. 

Sensations fortes

Il a absolument tenu à se lancer dans le parcours des "anneaux". 
Et c'était un poil trop ambitieux. 
Vu d'en bas, ça n'a pas l'air si terrible. 
Une fois suspendu à une vingtaine de mètres de hauteur, sur une plateforme tellement étroite que l'on y tient à peine debout, c'est un peu différent. 
Surtout lorsqu'il faut s'élancer sur une corde suspendue entre deux arbres, pour traverser le gouffre qui s'étend jusqu'au prochain arbre. Et à la prochaine plateforme. 

Alors Lucas, malgré tout son courage, a renoncé. 
Et Paul l'a ramené au sol. 

"C'était impressionnant... Mais la descente en rappel, c'était trop cool !" plastronne Lucas, histoire de sauver la face devant Jean-Paul, qui le taquine. 
Sa petite cousine, Louane, fanfaronne, casque de sécurité bien enfoncé sur la tête. 
"Moi tout m'a plu. Tout !"

Comme une envie de grands espaces

Notre famille d'aventuriers vient de Moltifao. 
C'est la première fois qu'elle s'essaie à ce genre d'activités. 
"On ne serait jamais venus, s'il n'y avait pas eu le confinement... On aurait passé notre été à la rivière, comme d'habitude. Mais cette fois-ci, on avait envie d'autre chose pour les enfants", confie Carine. 
Ils ne sont pas les seuls. 
Autour de la cabane qui est le point de ralliement, au cœur de la forêt de pins Laricio, des vacanciers, il y a du monde. 
On vient pour la journée, on pique-nique au pied des arbres, on s'essaie à l'accrobranche, à la Tyrolienne...

On ne serait pas venus, s'il n'y avait pas eu le confinement - Carine

"Y a de l'espace, de l'air, c'est plus facile, ici, de garder ses distances, et de respecter les règles sanitaires", explique Paul, le cordiste. 
Le mois de juillet, ici comme ailleurs, a été compliqué. "Les gens n'osaient pas trop prévoir leurs vacances, mais au mois d'août, on bosse bien, on est à peu près sur la même fréquentation que l'année dernière". 
Soit entre 150 et 180 personnes par jour. 

Baptiste est responsable du Parc Aventure depuis le début de la saison. Il gère l'endroit, et les cinq cordistes qui y travaillent. 
Il le reconnaît aisément, l'activité, sur l'ensemble des mois d'été, est calme, même si cela ne devrait pas mettre en péril l'avenir du parc. 
"C'est une année bizarre, mais on fait avec. Il y a aussi des avantages, on peut mieux s'occuper des gens qui viennent nous voir, et la satisfaction est énorme, ça fait plaisir. Et puis c'est bon pour la réputation du parc". 
Et les futures saisons, qui bénéficieront du bouche-à-oreille. Du moins, c'est ce qu'espère l'équipe. 

Couper avec le quotidien. Et le virus. 

Mathieu et Lola, eux, viennent de la grande couronne parisienne. Et s'engagent dans la vallée de la Restonica. 
Dressés, l'air conquérant, sur les pédales de leurs VTT. 
Ils sont bien décidés à explorer la vallée, et à s'écarter des routes balisées. 
Lola est ravie. "On est à Corte depuis quatre jours, il fait un temps magnifique, alors tous les matins on part en excursion."
"On veut fuir le monde tant qu'on peut. Et la télé, et les journaux. On en peut plus du Coronavirus, des masques. Ca fait des mois qu'on entend parler que de ça. Les vacances, c'est fait pour oublier le quotidien", ajoute Mathieu.
"Il y a deux ans on était à Porto-Vecchio, mais cette année on a préféré éviter les pizzerias bondées, les files d'attente dans les supermarchés pour acheter une pastèque et les plages où tout le monde se colle les uns aux autres". 

Maria-Serena est une habituée des sentiers de randonnée insulaires. 
Elle revient d'une promenade de 5 heures à Vaccaghja, et selon elle il y a moins de monde. Il faut dire que les conditions ne sont pas vraiment idéales. 
Elle dort souvent dans une bergerie qui fait également gîte, et les dortoirs n'y sont plus accessibles, en raison de l'épidémie. Il faut dormir dans des tentes, qu'on apporte ou que l'on loue sur place. 
Finalement, même en pleine nature, loin de tout, la Covid-19 reprend parfois ses droits...

Le GR20, un incontournable 

Pascal Rinaldi, chef du pôle "valorisation des territoires" au Parc Naturel Régional de Corse, nous le confirme. 
"Il a fallu s'adapter, aucun doute. Il y a des règles à suivre, que l'on applique scrupuleusement dans les refuges que l'on gère sur le GR20, comme la désinfection des toilettes, celle des tentes, la limitation du bivouac, la réduction de moitié de la capacité des refuges... Ca demande de l'organisation, c'est pourquoi on a mis en place une réservation en ligne. Ca nous permet d'être plus efficace, et de planifier". 
Alors bien sûr, l'épidémie mondiale et les incertitudes qui l'accompagnent ont eu un effet certain sur la fréquentation, mais moindre que prévu. 

"Au mois de mai on ne savait pas trop ce qui nous attendait, mais finalement on essuie une perte de 20 à 30 % de la fréquentation, ce qui est inespéré. On ne s'attendait pas à autant de monde". 

Les gens ont décidé de réinvestir la montagne - Pascal Rinaldi, PNRC

Une baisse qui peut sembler importante, mais qui aurait pu être bien pire, comme nous l'explique Pascal Rinaldi. 
"Il n'y a presque pas d'allemands, d'italiens, et plus généralement d'étrangers. Alors qu'habituellement on en reçoit énormément. A cause évidemment des questions de frontières, et de la peur d'un reconfinement... Mais il y a plus de touristes français que d'ordinaire. On dirait que les gens se sont libérés, et que cette année ils ont décidé de réinvestir la montagne."

Une saison contrastée

Pour certains, la pilule Covid est plus difficile à avaler. 
Corinne s'occupe du gîte-restaurant A Funtana depuis des années. 

Son établissement est situé à Manso, en Balagne. 
"Au fond de la vallée", précise Corinne. 
Cette année, A Funtana est restée porte close. 
"C'est catastrophique. On a 33 couchages répartis sur plusieurs chambres de 4 ou 6 personnes. Vous imaginez, cet été, des gens qui ne se connaissent pas et qui acceptent de partager la même chambre, la même salle de bain ? C'était inconcevable.

Si on avait eu un crédit à payer, on aurait du souci à se faire - Corinne

C'était une lourde responsabilité, de décider de fermer ou de rester ouvert. Habituellement on ouvre de mai à fin septembre. On a attendu au maximum, mais j'étais très pessimiste, et on a décidé de renoncer". 
Corinne n'a pas pris de saisonniers, "le risque était trop gros. La sauce nous aurait coûté plus cher que le poisson. Heureusement que c'est notre affaire, qu'on n'a pas de crédit à payer. Si ça avait été le cas, on aurait autre que du souci à se faire..." nous confie la responsable du gîte, un air navré sur le visage. 

La saison n'est pas finie, et l'heure des bilans n'est pas encore venue. 
Difficile de savoir quelles seront les conséquences de l'épidémie sur le tourisme insulaire, celui des activités nature comme le touriste balnéaire ou culturel. 
Mais pour les plus petits, elles risquent de se faire sentir longtemps.
 
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