Les conséquences d’un éventuel accord sur le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur interrogent sur la survie du monde agricole européen. Une inquiétude qui ne semble pas atteindre les agriculteurs corses, Thierry Casanova, ancien directeur du centre d’économie rurale, en explique les raisons au micro de France 3 Corse ViaStella.
Le traité du Mercosur propose d'abattre les droits de douane entre plusieurs pays d'Amérique du Sud et l'Union européenne.
Un moyen pour cette dernière d'élargir son potentiel d'exportations de produits industriels, mais en contrepartie d'importations agricoles venues d'Amérique du Sud où les normes sanitaires et environnementales sont beaucoup moins strictes.
Un accord, s’il est signé, qui signerait donc la mort des agriculteurs européens. En Corse, cette question ne mobilise pas. Thierry Casanova, ancien directeur du centre d’économie rurale, en explique les raisons au micro de France 3 Corse ViaStella.
Le traité de libre-échange du Mercosur mobilise à l’échelle française et européenne, mais pas en Corse. Pourquoi ?
Sur le principe, c’est normal que l’on conteste le traité sur la forme qu’il est en train de prendre tout simplement parce que c’est une concurrence déloyale qu’on est en train de créer de toutes pièces vis-à-vis des filières agricoles quelles qu’elles soient, animales ou végétales.
En Corse, on est loin de ce problème tout simplement parce qu’on est sur une niche de production en termes de production animale, notamment sur la viande. On produit annuellement entre 3.000 et 3.500 tonnes équivalent carcasse, pas plus. Et on fait entrer au moins 70.000 tonnes de viande chaque année. Donc le problème du Mercosur chez nous ne se posera pas.
Aujourd’hui, l’élevage représente moins de 20 % du chiffre d’affaires consolidé de l’agriculture. Et dans cette filière animale, l’élevage bovin est, aujourd’hui, une filière extrêmement en danger. Avec, sur les cinq dernières années, des volumes de lait qui ont baissé de pratiquement 20 %, des volumes de lait qui eux ont augmenté de plus de 40 % et l’âge du capitaine qui n’arrête pas d’augmenter.
Quels sont les facteurs de cette extrême faiblesse ?
Premièrement, il y a un vieillissement de la population, deuxièmement il n’y a pas véritablement d’organisation économique en amont et en aval, troisièmement, on a des outils de production quasi obsolètes, qui ont en tout cas une rentabilité qui est extrêmement émoussée parce qu’on n’investit plus depuis des années notamment dans un secteur qui est en grosse difficulté.
Ce sont des externalités négatives qui aujourd’hui bloquent considérablement le re-développement de cette filière.
Il faudrait donc, ici, s’inquiéter de l’agonie de notre élevage avant de s’inquiéter du Mercosur ?
Pour nous en Corse, quand on a 70.000 tonnes qui entrent chez nous pour la consommation courante des Corses et des touristes qui viennent parcourir notre région, je ne pense pas que ça va changer fondamentalement les choses.
Il faut relancer l’installation, il faut mettre vraiment un plan de sauvegarde ou considérer que l’élevage doit devenir une cause d’intérêt régional pour l’économie agricole.
L'entretien réalisé par Florence Antomarchi et Arnaud Delayre :