L'idée, apporter un soutien et une réactivité accrues aux pompiers pour intervenir sur les feux naissants. La société cortenaise, créée en 2020, travaille pour l'heure avec le département de l'Hérault, mais n'est pas présente sur les tarmacs de l'île.
"La première chose qui m'a fait lever les yeux au ciel, ce sont les canadairs, quand j'étais petit", se rappelle Pierre Carlotti sur la terrasse de sa maison, à Corte. "A Propriano, je les voyais écoper dans le golfe, et c'était pareil en Balagne. Mon rêve, c'était de devenir pilote de canadair".
Au final, des années plus tard, ce n'est pas dans un canadair que Pierre Carlotti a pris place, mais dans un Mirage 2000D, dans la combinaison d'un pilote de chasse. "Ca a été pas mal aussi", sourit le trentenaire.
Une manière élégante de ne pas s'appesantir sur un CV spectaculaire : 15 ans et 1.500 heures de vol, 113 missions de guerre en Afrique et au Moyen-Orient, 5 citations, et une participation active à l'opération Barkhane. "Mais au fond de moi, j'avais toujours envie de lutter contre les incendies, à un moment ou à un autre".
Réactivité
L'idée d'Aria Firefighting naît en 2017. Pierre Carlotti se rappelle : "Cette année-là, il y a eu une série de gros feux en Corse, et l'île demandait des canadairs, pour limiter les énormes dégâts, et les risques pour la population... Et l'Assemblée nationale faisait la sourde oreille, genre "vous demandez l'autonomie et maintenant vous venez pleurer pour des canadairs." Ca m'avait beaucoup énervé, et ça a déclenché concrètement les choses dans mon esprit".
En décembre 2020, la société voit le jour. "Je voulais proposer une cellule aérienne de première intervention, qui serait directement à la main des départements et des régions. L'idée, c'est de permettre un meilleur maillage du territoire, en donnant les moyens suffisants aux Sdis pour attaquer les feux naissants. Des moyens autres que les avions bombardiers d'eau, qui sont des moyens gérés à l'échelle nationale, et qui sont mis à disposition par l'Etat en fonction des préfets de zone. Ceux-là ont pour but, à travers des attaques puissantes, de tenter de maîtriser les gros feux, et de protéger les populations. Mais ils ne sont pas nombreux".
Une solution pour conserver les moyens de lutter contre les petits feux, et éviter qu'ils ne se propagent.
Pierre Carlotti
La situation dramatique en Gironde, où des dizaines de milliers d'hectares ont déjà été détruits, depuis une semaine, vient illustrer ses propos : "S'il y avait un départ de feu dans le Var en ce moment, ce serait compliqué, puisque les moyens sont mobilisés dans les Landes et en Gironde. Aria Firefighting permet d'avoir une solution pour faire face à une multiplicité de départs, et pour conserver les moyens de lutter contre les petits feux, afin d'éviter qu'ils se transforment en gros feux".
Quand on lui rétorque que les Sdis disposent déjà des hélicoptères bombardiers d'eau légers, Pierre Carlotti n'élude pas la question : "ils ne sont pas en concurrence avec ce qu'on propose. Ils ont un rôle différent. Ils servent également à faire de la dépose d'équipes, et puis, surtout, ils transportent moins d'eau. Entre 800 et 1.000 litres d'eau". Alors que les avions d'Aria Firefighting ont une capacité bien plus conséquente, 2.800 litres par appareil, pas loin de la capacité d'un tracker, 3.300 litres.
Première du genre
La société créée par Pierre Carlotti est la première du genre en France. Et l'une des premières en Europe, où le marché est majoritairement aux mains des Espagnols. Des Espagnols à qui Aria Firefighting a damé le pion, cette saison, dans l'Hérault. Après dix ans de contrat avec les poids lourds de Titan Firefighting, le département du sud a opté pour la société cortenaise, suite à un appel d'offres.
Et désormais, ce sont ses Trush 710P qui sont prêts à décoller du Pélicandrome de Béziers. "Le contrat porte sur trois appareils, et un en back up", précise Pierre Carlotti.
Ce nouveau type de lutte contre les incendies, soutenu par des sociétés privées, est encore balbutiant en France. Mais dans l'arc méditerranéen, ce dispositif est plébiscité. "Les avions de notre co-traitant, Pisa, qui fournit nos appareils, sont présents en Espagne, en Algérie, en Turquie, à Chypre..."
Il y a une place pour les opérateurs privés, dans notre domaine de compétences.
Pierre Carlotti
A ceux qui estiment que c'est aux pouvoirs publics de prendre en charge la question de la lutte contre les incendies, l'ancien pilote de chasse répond : "il y a une place pour les opérateurs privés, en début de spectre, dans le domaine. Avoir des moyens nationaux, c'est une bonne chose, en ce qui concerne les canadairs, les gros appareils. Mais le privé a des avantages. Il apporte une certaine souplesse, une certaine agilité".
Le créateur de la société précise : "on a dû installer de nouvelles radios sur nos avions, et ça a été fait en quelques jours. L'Etat, de son côté, aurait eu la contrainte de passer un marché, et les délais auraient été beaucoup plus longs".
Des heures de vol beaucoup moins chères
Et puis il y a l'aspect économique. Pierre Carlotti l'affirme, Aria Firefighting "propose des solutions moins chères que le public. Un Canadair, c'est 16.000 euros l'heure de vol, selon un rapport de la Cour des comptes. Et nous, nous coûtons moins de mille euros pour la même durée d'opération. Le ratio est simple : on coûte 16 fois moins, pour deux fois moins d'eau transportée. Et nos avions, l'hiver, quand ils ne sont pas utilisés, partent en Amérique du sud. Ce qui divise la facture par deux. Une chose, là encore, que ne pourrait pas faire l'Etat".
J'ai créé la société avec la Corse en tête.
Pierre Carlotti
Peut-on imaginer un jour des avions d'Aria Firefighting sur les tarmacs de Corse ?
"Bien sûr ! Quand j'ai créé cette boîte, c'est aussi parce que je voulais vraiment me mettre au service de la Corse, après mes années de vol. J'ai créé la société avec la Corse en tête.
Je sais que la Collectivité de Corse est intéressée par ce genre de moyens, et travaille dans ce sens. A ce titre, un appel d'offres a été publié en 2020. Nous avons soumissionné, mais il a malheureusement été déclaré sans suite. En tout cas, j'espère que cela aboutira un jour. Il faut que la Corse se dote d'une flotte de ce genre. Que ce soit la mienne ou une autre. Si c'est Aria qui décroche le contrat, parce que nous sommes les mieux-disants, tant mieux, et si c'est celle d'une autre société mieux-disante, tant mieux pour la Corse, et tant pis pour nous !", sourit Pierre Carlotti.