Renaud Van Ruymbeke s’est éteint le 10 mai 2024. Ancien juge d'instruction, rendu célèbre pour les affaires politico-financières qu'il a instruites, il avait accepté pour France 3 Corse ViaStella de se confier sur sa vocation en octobre 2022. Un témoignage puissant pour sa dernière apparition à la TV.
Si on connaissait le juge d'instruction pour les célèbres affaires politico-financières qu'il a instruites, l'homme restait beaucoup plus discret. En octobre 2022, il avait accepté l'invitation de Luc Mondoloni à venir dans le magazine "Vocation". Avec sa consœur Xavière Simeoni et son confrère Martin Emmanuelli, il avait pris le temps de s’exprimer sur sa courageuse vocation en commentant les images emblématiques de sa carrière.
Un juge pugnace et un homme discret
Le juge Renaud Van Ruymbeke s'était éloigné du monde de la justice en 2019 pour entamer une retraite bien méritée. Son nom reste et restera pourtant indissociable de grandes affaires anticorruption qui ont animé l'actualité judiciaire des dernières décennies. Urba, sur le financement occulte du Parti socialiste, les enquêtes sur Jérôme Cahuzac et les époux Balkany, le scandale des rétrocommissions des frégates de Taïwan, la fraude géante du trader de la Société générale, Jérôme Kerviel... autant d'instructions, qu'il a mené avec détermination.
Pourquoi mettre une robe ? Je suis profondément pour l’égalité du citoyen devant la loi et, avec cette robe, nous ne sommes pas sur un pied d’égalité !
Renaud Van Ruymbeke
Lui, qui a vu tant d’hommes puissants défiler dans son bureau s’interrogeait d’emblée sur un aspect de son métier : le port de la robe. "Cette robe a toujours été un questionnement pour moi. Pourquoi mettre une robe ? Je suis profondément pour l’égalité du citoyen devant la loi et, avec cette robe, nous ne sommes pas sur un pied d’égalité ! Il y a un côté sacramentaire qui ne me correspond pas". Dont acte : s’il a choisi le métier de juge d’instruction, c’est aussi parce que ça lui évitait cet "attirail".
Le côté sacramentaire écarté, le côté missionnaire en revanche, était revendiqué. Devant une photo de famille, il se confie sur son père. Héros de guerre, médaillé de la Silver Star américaine, il a ensuite fait l’ENA pour devenir haut fonctionnaire. Ce commandeur avait une piètre opinion du métier de juge et disait en ricanant au jeune Renaud Van Ruymbeke : "Ce sont les mêmes qui ont condamné les résistants pendant la guerre, qui ont ensuite condamné les collabos à la libération". En fait, si Renaud Van Ruymbeke est entré si entièrement dans la profession, c’est avant tout pour montrer à son père que c’était un beau métier…
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C'est parce qu'il voulait prouver à son père que le métier de juge était un beau métier que Renaud Van Ruymbeke s'est lancé dans une carrière de magistrat. Un souvenir de famille mais surtout le déclic de sa vocation.
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©France 3 Corse ViaStella / E.V Productions
Un parcours semé d'embûches
Un beau métier qu’il conçoit sans transaction, ni distinction. Et ce, dès sa première affaire, en 1979 : "J’ai 27 ans, je suis très jeune, j’apprends la mort du ministre Robert Boulin alors que je suis en train d’enquêter sur lui et une vente suspecte de terrain du côté de Ramatuelle. Le lendemain je découvre ma photo au journal télévisé de 13h accompagnée de la lettre posthume du ministre qui accuse un juge ambitieux et haineux de la société de le forcer à mettre fin à ses jours". Une procédure disciplinaire va s’enclencher qui va durer 6 ans ! Une procédure qui va d’abord l’abattre avant de le renforcer.
Il n’aura de cesse, dès lors, de continuer à s’affranchir du pouvoir politique. Être un juge indépendant, telle sera son obsession. "Trop indépendant" même, c'est d'ailleurs le titre de son autobiographie parue en janvier 2021.
📱💻 Un homme marquant à (re) découvrir dans "Vocation : rendre la justice" disponible en intégralité sur France.tv