Depuis plusieurs jours, de nombreux élus annoncent qu'ils ne se rendront pas au débat, à Cozzano, pour la visite d’Emmanuel Macron. Ils estiment que tout est joué et que leur intervention ne servirait à rien. Même scepticisme chez les gilets jaunes.
Angélique, Véronique et Thierry sont gilets jaunes. Ils se remémorent leurs actions de protestation sur le rond-point de Biguglia, ou lors de la conférence sociale organisée à Bastia.
Mais en Corse, le mouvement des gilets jaunes n’a jamais réellement pris, contrairement au continent. Thierry Dominici, sociologue installé à Bordeaux, y voit un manque d’identification qui n’est pas propre à l'île.
« En Corse, on est très ethnocentré. Si on regarde les autres îles ultramarines, il n’y en a qu’une qui revendique fortement, à plus de 80 % de mobilisation, c’est la Réunion. La Réunion est la seule île fortement départementaliste, l’île la moins autonomiste des ultramarins. Les autres ne se sentent pas concernés. Déjà en raison du rapport centre-périphérie, on part du principe que ça concerne le centre, et puis dans le discours des mentalités nationalistes, on aime souvent rappeler que finalement, c’est, peut-être, une nouvelle affaire franco-française ou simplement française », explique le sociologue.
Si Angélique a raccroché son gilet jaunes, Thierry et Véronique, eux, restent mobilisés bien que déçus par les hommes politiques.
« Sincèrement, je n’ai plus aucune confiance en les partis politiques. Ils mangent tous ensemble et ils font semblant de se battre à l’Assemblée, ils nous balancent des trucs et ils font rien. La politique n’existe plus en France. Là, ils sont en train de revoir notre système de retraite, ils feraient mieux de revoir le leur d’abord. Moi, si j’étais à la tête d’un syndicat, c’est ce que je dirais : ‘Avant de négocier celle des travailleurs, on va négocier les vôtres.’ », lance Thierry.
Qu’en est-il du rural ?
Pour relancer la dynamique, Jean-Pierre Battestini, délégué CGT de Haute-Corse, propose aux gilets jaunes un engagement syndical. Les deux entités se sont d’ailleurs retrouvées à l’occasion de manifestations communes. « Pour lutter contre la précarité, ce qu’il faut ce n’est pas baisser les impôts, mais une meilleure répartition des richesses et lutter dans les entreprises pour augmenter les salaires. C’est là que l’on a de grandes difficultés et que les gilets jaunes se rendent compte aujourd’hui qu’il faut aussi s’implanter dans les entreprises. Et pour cela, rien de mieux que les syndicats », explique-t-il.
Qu’en est-il dans le rural ? À San-Lorenzo, village de Castagniccia, qui compte une centaine d’âmes le grand débat n’est pas au centre des préoccupations. La municipalité ne fait pas partie des 232 communes qui ont participé au grand débat. Mais le maire, Jérôme Negroni, ira tout de même rencontrer Emmanuel Macron à Cozzano.
« Il ne faut jamais refuser les mains tendues pour pouvoir après réagir. On verra de manière globale, parce qu’à l’évidence, la Corse n’intéresse plus grand monde, ni même au plus haut sommet de l’État. Il faudra nous aussi qu’on ait notre mot à dire, qu’on se batte. On sera là pour ça, comme les autres territoires du continent. Parce que les problématiques dont on va parler sont prégnantes depuis une vingtaine ou une trentaine d’années et elles sont partagées, malheureusement, par beaucoup d’autres territoires sur le continent », souligne-t-il.
La venue du président de la République intervient dans un climat de défiance. Avant même la fin du grand débat, des pistes émergent, comme par exemple, la réindexation des retraites sur l’inflation. Reste à savoir si tout n’est pas déjà entériné.