Frédéric Bohnert a été condamné mardi par la cour d'assises du Bas-Rhin à 20 ans de réclusion pour le meurtre de son père décrit comme tyrannique, tué de dizaines de coups de couteau, de hache et de marteau.
Les jurés, qui n'ont pas retenu l'altération du discernement, sont allés au-delà des réquisitions de l'avocate générale, qui avait réclamé quinze ans. Frédéric Bohnert "a porté une centaine de coups, il a craché sur son père. Il ne le considérait plus comme un être humain", avait fustigé l'avocate générale, Valérie Iltis, lors du procès ouvert lundi à Strasbourg. Certes, "il y avait un contexte familial peu enviable avec un père décrit commetyrannique, mauvais, auteur de violences", avait reconnu la magistrate. Mais c'est la mère de Frédéric, Frieda, qui subissait ces violences, dont l'accusé "n'était que le spectateur", avait-t-elle souligné.
Pour la défense, Me Monique Sultan avait évoqué un "crime de vie, pour exister". "Frédéric a voulu vivre, protéger sa mère, mais tout cela est de l'ordre de l'inconscient. Il n'en a pas eu conscience, il a été emporté par quelque chose qui l'a dépassé". La première journée du procès, lundi, avait permis de mettre en lumière un huis clos familial entre un père autoritaire et insensible, une mère soumise et terrorisée et un fils unique introverti et solitaire, ignoré par son père et couvé par sa mère.
Le jeune homme avait expliqué comment, après des années de souffrances, il avait décidé de tuer son père, un soir de novembre 2010 au domicile familial de Schiltigheim. Ce soir-là, Robert Bohnert, un comptable à la retraite de 68 ans, s'était mis en colère parce que sa femme s'était absentée pour aller à un concert. "Cela m'a mis hors de moi, toute la colère accumulée depuis des années a débordé et une voix m'a dit de le tuer", a raconté le jeune homme. Sous la violence des coups, son père lui crie: "Arrête, tu vas aller en prison!". "Je lui ai dit que la prison serait mieux que l'enfer que je vivais depuis 23 ans", c'est-à-dire depuis sa naissance, avait répondu le fils.
Pour les experts psychiatres interrogés mardi à la barre de la cour d'assises, Frédéric Bohnert était responsable de ses actes au moment du crime. "Le passage à l'acte était inéluctable" car "mentalement il était impossible pour mère et fils d'échapper à ce huis clos", a résumé l'un de ces experts, Pierre Lamothe. Le jeune homme "n'avait pas le choix. Il fallait qu'il tue le tyran pour pouvoir exister, pour pouvoir vivre", a renchéri une autre experte, Corinne Acker. Décrit comme timide, sérieux, non violent et ayant peu d'amis, l'accusé a raconté une enfance marquée par l'indifférence de son père, avec qui il ne communiquait pas, et surtout par les multiples violences verbales et psychologiques à l'encontre de sa mère, de 17 ans sa cadette.
Avant que la cour se retire pour délibérer Frédéric Bohnert avait pris la parole : "je regrette sincèrement ce que j'ai fait. Je l'ai fait pour protéger ma mère et moi-même". Dès l'énoncé du verdict, Me Sultan a indiqué que son client ferait probablement appel de cette condamnation.