Vendredi 22 février : Auschwitz, un autre voyage commence

Cinquante-sept lycéens messins confrontés à l'Innommable. Qu'en restera t'il ? A eux de le dire.

8h20, le bus de Stéphane franchit la barrière du parking de l’hôtel. Sous la neige. Il fait -6°, le ciel est gris, nous quittons Cracovie pour rouler en direction de l’Est. A l’intérieur, c’est le silence. A peine ponctué par un ou deux éclats de voix. Sans être pesante, l’ambiance est attentive.

A l’arrivée sur le parking du camp d’Auschwitz, les consignes sont claires : « pas de cris, pas de bruits, pas de musique. Du respect, rien que du respect ». Les visages se sont fermés pour la plupart. Certains trahissent une inquiétude. Celle de l’inconnu. A quoi vont-ils être vraiment confrontés ?

La réponse est immédiate avec la projection du film d’archives sur la libération du camp par les soldats soviétiques. L’Indiciple. L’Horreur sans nom. Celle de corps squelettiques, de visages émaciés, de jeunes gens prématurément devenus des vieillards par privations forcées. Le choc est violent.

C’est alors l’entrée dans le camp n°1, munis d’un casque qui relaie la parole du guide,  sans doute pour être plus immergé encore dans les traces historiques, pieusement conservées. Comme cette incontournable inscription sous laquelle nous passons, barrière levée à jamais : « Arbeit macht frei », le travail rend libre.

Deux heures trente d’un parcours terrifiant, celui de la découverte des conditions de vie, ou plutôt de survie et de mort, de centaines de milliers de déportés, hommes, femmes et enfants. Juifs pour la plupart. Assassinés dans leur grande majorité. Souvent dès leur arrivée.

Les lycéens messins et leurs accompagnateurs découvrent et redécouvrent, avec la même sidération, les chaussures, cheveux, valises, et autres objets personnels exposés, saisis par les nazis pour le profit du troisième Reich. Et surtout, souvent, de ses agents les plus dévoués.

Le mur d’exécution, la cellule de Maximilien Kolbe devenu saint pour s’être sacrifié en prenant la sanction d’un autre, les paillasses surchargées sur trois niveaux, les expériences médicales, le gibet, les heures debout dans le froid à peine vêtu et les brimades insupportables. Le quotidien d’un déporté est exposé sans fard. Dans le pire du pire.

Au cœur du « pavillon français », les élèves sont face à des photos qui pourraient être celles de proches ou d’amis. À des noms aux sonorités familières. À des visages souriants de tous âges. Souvent les yeux, nos yeux rougissent. Quelques larmes coulent. Silencieusement, sans hystérie. Dignement. Comme par respect pour celles et ceux dont le souvenir même des corps a été renié par la barbarie.

Le four crématoire numéro un laisse sans voix. Il marque la dernière étape de la matinée.

Transis de froid, recouverts d’une poussière de neige, nous traverserons Birkenau, l’après-midi, Birkenau et les méandres encore plus noirs de notre Histoire.
Wagon, baraquements, « sauna », four, cheminée. Chaque mot, même le plus simple, semble comme définitivement marqué au fer rouge de l’ignominie. Les nazis ont tout sali.
C’est sans doute trop pour les lycéens, trop pour nous accompagnateurs. Tant d’horreurs à intégrer, à digérer. C’est au delà de la compréhension, malgré de pointilleuses descriptions.

La nuit tombe sur les bouleaux blancs de Birkenau, le froid se fait plus mordant encore. Le périple est-européen des messins s’arrête là. Nous sommes allés au bout du bout.
L’autre voyage commence maintenant. Celui d’une certaine idée de l’Humanité, de la Compassion. Un voyage qui peut faire son chemin dans l’esprit de ses 57 lycéens, comme il l’a fait dans celui de la majorité de leurs prédécesseurs.

Plus de 2000 jeunes en vingt ans. Marqués à jamais. Partis enfants. Revenus adultes.

Plus d'informations sur le voyage dans notre webdocumentaire.

 

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