Le jeune homme de 17 ans et 10 mois en garde à vue depuis mardi a été mis en examen mais laissé libre. Il a reconnu être l'auteur des menaces proférées sur internet en mai dernier, expliquant qu'il n'avait pas l'intention de passer à l'acte, a annoncé le parquet.
Lors d'une conférence de presse ce jeudi après-midi, le procureur de la République a donné des détails sur l'enquête.
Cet étudiant en langues et civilisations arabes à l'Université de Strasbourg, interpellé mardi, "a reconnu les faits de manière complète", a précisé le procureur de Strasbourg Michel Senthille.
"Il a été présenté au juge d'instruction et placé sous contrôle judiciaire compte tenu de sa minorité", a précisé le procureur.
Lors de sa garde à vue, il "a assuré qu'il n'y avait aucune volonté d'attenter à la vie de quelqu'un", a précisé le procureur.
17 interpellations depuis le mois de mai
Depuis la publication des menaces de mort depuis un cyber-café de Strasbourg à l'encontre d'un lycée de la ville en mai dernier, les enquêteurs ont travaillé dans la plus grande discrétion. Les policiers ont procédé en tout à 17 interpellations. Le coût de cette enquête est estimé à 1 million d'euros, mais le suspect n'aura pas à payer la facture.
"Il y a des canulars qui ont un coût économique et financier et aussi un coût humain", a commenté le procureur. Le coût pour la collectivité, calculé à partir du nombre d'heures travaillées par les policiers et les enquêteurs, "avoisine le million d'euros", a calculé M. Senthille, soulignant que les gendarmes, policiers et enquêteurs mobilisés "n'ont pas fait autre chose pendant ce temps-là".
Interpellé pour "communication ou divulgation de fausse information dans le but de faire croire que des homicides volontaires vont être commis", le jeune homme aura interdiction de quitter le département du Bas-Rhin.
Son pseudo était "Homme mort"
La diffusion d'un tel canular est passible de deux ans de prison et 30.000 euros d'amende, peines qui peuvent toutefois être réduites si la justice reconnaît au jeune homme l'"excuse de minorité".
Dans son long message mis en ligne le 14 mai sur un forum de jeux vidéo, il avait annoncé son intention de commettre un bain de sang. "J'habite dans une certaine ville, où se trouve un certain lycée, et vendredi, je laisse ma trace dans l'histoire. La vie de beaucoup de gens, dont la mienne, finira ce jour-là", avait menacé celui qui utilisait le pseudo "HommeMort", et disait vouloir se servir d'un fusil semi-automatique "emprunté" à un oncle.
Ce post avait été signalé par un jeune internaute des Yvelines. Les enquêteurs avaient alors identifié, grâce à l'adresse IP du message, qu'il avait été envoyé d'un cybercafé strasbourgeois, ce qui avait aussitôt déclenché l'alerte dans le
Bas-Rhin.
Le vendredi 17 mai un impressionnant dispositif policier avait été déployé à titre préventif devant l'ensemble des 59 lycées du Bas-Rhin. Le dispositif avait été maintenu dans les jours suivants, avant d'être progressivement allégé au fil des semaines.
Largement diffusée, la photo du suspect avait donné lieu à de nombreux signalements à la police, mais aucun n'avait débouché dans un premier temps sur une piste probante.
L'étudiant strasbourgeois a finalement été identifié à l'issue d'un "travail de fourmi" des enquêteurs, en recoupant des éléments à partir d'une photo tirée de la vidéosurveillance du cybercafé d'où il avait posté son message. Il a été trahi par le pull à capuche qu'il portait sur la photo: les enquêteurs se sont intéressés aux magasins strasbourgeois susceptibles de vendre cette marque,
puis ont épluché et recoupé plus de 1.000 relevés de cartes bancaires. En étudiant l'âge des acheteurs et leur lieu d'habitation, ils ont pu remonter jusqu'au jeune homme.
Dans son message, celui-ci se décrivait comme "asocial", sans amis, et disait se trouver "insignifiant". Mais ce discours relève d'une "construction", a souligné M. Senthille. "Il n'est pas désocialisé, il n'est pas seul et abandonné. C'est une description à l'inverse de ce qu'il est", selon le procureur.
L'adolescent, qui a décroché son bac l'an dernier à 16 ans, s'est converti à l'islam il y a deux ans. Toutefois, "c'est une chose qui lui est tout à fait personnelle, et dont il est démontré qu'elle n'a strictement aucun rapport avec cette affaire",
a noté le magistrat. D'ailleurs, le jeune homme n'avait fait aucune référence à la religion dans son message en ligne.